Il existe des cas où la justice rend des enfants victimes de la loi.
Le témoignage éclairant de Sylvie
J’ai divorcé en 2017. Le jugement énonçait que mon ex-mari pouvait s’occuper de Thomas, notre fils de 10 ans un week-end sur deux…Bien sûr, il n’était pas question de me soustraire à la justice, et j’ai organisé mon planning en conséquence. Mais souvent, lorsque je récupérais Thomas, après deux jours chez son père, je le trouvais bizarre.
Au début, je ne me suis pas inquiétée, mais petit à petit, mon instinct de mère me disait bien que quelque chose n’allait pas. Surtout quand je préparais ses affaires pour aller chez son père. Thomas devenait triste et anxieux alors que c’est un petit garçon joyeux d’habitude. Il traînait les pieds, cherchait des prétextes divers pour éviter la visite. Petit à petit, j’ai remarqué qu’il mangeait de moins en moins bien.
Un soir il s’est mis à pleurer et m’a confié que la perspective d’aller chez son père l’angoissait. Quand j’ai cherché à savoir pourquoi, il m’a expliqué qu’il recevait des gifles régulièrement, qu’il passait son temps seul dans une chambre, et que dès qu’il s’opposait à son père sur des détails de la vie quotidienne, celui-ci le frappait ou lui hurlait dessus. Bien entendu, cela m’a tordu le ventre, mais mon avocat m’a expliqué que je ne pouvais me soustraire à cette obligation. Si je refusais d’emmener Thomas chez son père, je risquais la prison, explique Sylvie.
Des enfants victimes de la loi
Le droit Français permet ce qui apparaît pour les spécialistes comme une anomalie juridique totale. D’un point de vue statistique, c’est souvent la mère qui a la garde des enfants. Si jamais elle craint des sévices, des attouchements, ou de la violence de la part de son ex-conjoint, elle n’a aucun moyen de se soustraire au droit de visite ou d’hébergement.
Ce témoignage n’a rien d’unique ou d’anodin. Comme beaucoup d’autres mères, ou pères, (car la maltraitance n’est pas l’apanage des hommes), il est possible de se retrouver derrière les barreaux si on refuse le droit de visite au parent qui n’a pas la garde de l’enfant. Ou si un adolescent refuse de se soumettre à cette obligation. Même si l’enfant court un danger. Des enfants victimes de la loi. Beaucoup de familles vivent cette situation, par exemple cette femme poursuivie pour délit de non représentation d’enfant. Et pour cause.
Les tribunaux correctionnels s’appuient sur l’article 227-5 du code pénal pour condamner. Les tribunaux se contentent de constater que l’ordonnance de non conciliation du juge aux affaires familiales n’a pas été respectée et condamne à des peines de prison le parent qui a pourtant simplement souhaité protéger son enfant. Dans ce cas les enfants sont véritablement victimes de la loi; et le parent protecteur également puisqu’il est puni d’une peine d’emprisonnement simplement pour avoir cherché à protéger son enfant. Le parent protecteur est traité comme un délinquant. Il faut mesurer la détresse des enfants et des parents concernés.
Le délit peut se justifier dans certains cas
Bien évidemment, il existe des cas où cette « non représentation » d’enfant constitue un outil de vengeance. Et ce refus totalement injustifié. De la même façon il existe des enlèvements internationaux où l’un des parents n’a que pour seul but de soustraire l’enfant à l’autre parent, sans motif valable, et dans ce cas le délit de non représentation d’enfant doit s’appliquer.
Mais dans tous les cas où le danger pour l’enfant existe bel et bien, la justice se base sur un article du code pénal qui peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé psychique ou physique de l’enfant, et causer de nombreux dégâts dans les familles.
Comment lutter contre ce phénomène injuste avec tant d’enfants victimes de la loi?
Face à ce vide juridique, l’insurrection reste faible et démunie. D’abord parce que souvent, cette disposition est ignorée. Beaucoup de familles dans ce cas apprennent cela au cours de leur propre procédure de divorce. Et réalisent sur le moment les risques qu’ils encourent après consultation avec leur avocat. Ensuite parce que juridiquement, les possibilités de contester une disposition légale inscrite dans le code pénal sont quasiment nulles, donc difficile pour un particulier d’agir avec efficacité.
Nous avons crée l’association Protéger l’enfant dans ce but, nous souhaitons réformer le délit de non représentation d’enfant afin de diminuer le nombre d’enfants victimes de la loi, ils sont hélas trop nombreux aujourd’hui.
Pour en savoir plus nous vous invitons à lire l’article très documenté de l’avocat Philippe Losappio dans Village Justice « Le délit de non représentation d’enfant porte atteinte à l’intérêt de l’enfant« .
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