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Actuellement, le lien familial, c’est-à-dire le droit du parent à garder un lien avec son enfant, prime sur le droit de l’enfant à être protégé
Comment protéger l’enfant ?
Notre association a reçu de nombreux témoignages de mères (voir plus bas) qui ont dénoncé des faits d’abus sexuels, incestes, maltraitances ou violences sur leur enfant de la part du père, mais qui n’ont pas été entendues par les tribunaux ; elles sont soit condamnées à de la prison pour délit de non représentation d’enfant, soit la garde de l’enfant est transférée au père violent. Beaucoup de mères se posent la question, alors, dans ce cas, comment protéger l’enfant ?
On parle beaucoup en ce moment de la libération de la parole. Par contre on ne dit pas que lorsque les enfants parlent, lorsque le parent protecteur lanceur d’alerte tente de protéger son enfant du parent agresseur, ils ne sont pas entendus par la justice. Comment peuvent-ils protéger l’enfant ?
Actuellement le lien familial, c’est-à-dire le droit du parent à garder un lien avec son enfant, prime sur le droit de l’enfant à être protégé, pourtant énoncé dans deux conventions ratifiées par la France : la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) et la Convention d’Istanbul issue du Conseil de l’Europe.
Deux conventions ratifiées par la France mais non appliquées
L’article 12 de la CIDE précise que les enfants doivent être impérativement écoutés dans le cadre de procédures judiciaires qui les concernent. Si cela était systématiquement appliqué, cela permettrait de mieux protéger l’enfant.
S’agissant de l’application de la Convention d’Istanbul, la France a d’ailleurs été pointée du doigt via le rapport du Grevio en novembre 2019 (voir p.57 à 60 concernant les droits de garde):
Le GREVIO exhorte les autorités françaises à prendre les mesures nécessaires pour que le règlement des droits de garde et de visite prenne en compte les violences auxquelles sont exposés les enfants et le risque de continuation des violences après la séparation, y compris le danger d’un passage à l’acte meurtrier. À cette fin, il faudrait :
– fonder les politiques et les pratiques en la matière sur la reconnaissance du fait que, dans un contexte de violences conjugales, l’exercice conjoint de la parentalité se prête à être le moyen pour l’agresseur de continuer à maintenir l’emprise et la domination sur la mère et ses enfants ;
– inscrire dans ces politiques et pratiques le principe selon lequel il est nécessaire de prévenir la victimisation secondaire des victimes, en évitant de les culpabiliser, de les discréditer et/ou de les surresponsabiliser, notamment en n’envisageant le placement des enfants qu’en dernier recours et avec une grande précaution ;
– améliorer l’application des dispositions légales sur le retrait de l’autorité parentale du parent violent et de celles sur l’exercice exclusif de l’autorité parentale du parent victime, y compris dans le cadre de l’ordonnance de protection ;
– continuer à faire connaître aux professionnels et professionnelles concernés, en particulier les opérateurs de la justice, des services répressifs, des services sociaux et du secteur médico-psychologique et psychiatrique l’infondé scientifique du « syndrome d’aliénation parentale », ainsi que sensibiliser l’opinion publique à ce sujet ;
– renforcer la coopération interinstitutionnelle et l’échange d’informations entre la justice civile et la justice pénale ;
– renforcer l’évaluation et la prise en compte des dangers que pose pour la victime et ses enfants le maintien du contact avec l’auteur des violences lors de l’exercice du droit de visite.
Toutes ces recommandations si elles étaient appliquées permettraient de mieux protéger l’enfant.
Mieux protéger l’enfant devrait être une priorité absolue en France.
Les chiffres de la violence faite aux enfants
La France a ratifié la Convention d’Istanbul, elle doit donc traduire en droit français l’ensemble de ces mesures. Il faudrait une impulsion politique forte qui se saisisse de ce sujet, et pourtant rien se passe, alors qu’il faudrait protéger l’enfant ; en effet, les violences faites aux enfants sont un fléau dans notre pays, juste quelques chiffres (1) :
- Un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours
- 165 000 enfants sont victimes de viols chaque année (130 000 filles et 35 000 garçons)
- Seules 8% des victimes qui ont parlé ont été protégées
- Seules 15% des violences sexuelles font l’objet d’une plainte. Et 74% des plaintes pour viols sont classées sans suite
- 65% des plaintes classées sans suite le sont pour « infraction insuffisamment caractérisée »
Ces chiffres sont insoutenables. Il est impératif de mieux protéger l’enfant en France, et c’est urgent.
Le dernier rapport du Haut Conseil à l’Egalité le dit, si l’on veut protéger l’enfant on se retrouve en position de coupable.
Témoignages
Protéger l’enfant est un chemin de croix, voici quelques témoignages de mamans, qui donnent la mesure du chemin à parcourir en France.
Témoignage 1
« Je suis maman d une petite fille de 4 ans , je vis un parcours juridique chaotique depuis presque 3 ans. J’ai quitté le père pour violences conjugales, lors de ses droits de visites la petite est rentrée plusieurs fois avec des hématomes, elle parle, raconte, dit ce qu’il s est passé. Avec le soutien des médecins, et de l’école qui a fait un signalement (information préoccupante), à l’encontre du père, et avec le soutien du Défenseur des Droits, je commets le délit de non représentation d’enfant pour protéger ma fille. Je vais devoir passer en comparution directe pour cela. »
Témoignage 2
En 2020 ma petite se plaint de douleur génitale, je l’emmène aux urgences, le médecin la reçoit seule et ma fille spontanément dira que papa lui a fait mal avec ses doigts au « zouzou » et aux fesses; je dépose plainte, 15 jours après ma fille est entendue en cellule mélanie, et 4 semaines après chez le médecin légiste le papa sera entendu ; et depuis juin le dossier est chez le Procureur et toujours en cours. Sauf que la JAF viens d’ordonner une nouvelle ONC (Ordonnance de Non Conciliation) qui ordonne que mon aînée ira un week end sur deux chez le père, et ma petite une semaine sur deux; la JAF rejette toutes les preuves qui sont chez le procureur, et pour éviter la non représentation d enfant, la JAF a ordonné au père de les récupérer à la sortie de l école ; alors même que la gendarmerie après avoir entendu les propos de ma fille avait appelé le père pour lui dire de ne pas rentrer en contact avec elle, tant que le Procureur n’avait pas rendu sa réponse. Je suis tellement perdue. svp j’ai très peur.
Témoignage 3
Je suis actuellement en procédure contre mon ex mari violent, et pour non représentation d’enfant. J’ai été entendue aujourd’hui comme une criminelle . Prise d’empreintes, photos .. on m’a demandé combien je gagne et la marque de ma voiture (pour l’amende que l’on pourrait me demander le parquet). Le père m’accuse d aliénation parentale.. alors que je suis victime. J’ai divorcé pour violence conjugale et tentative de meurtre.
Témoignage 4
Je suis maman d’un enfant de 16 ans. Il ne va plus chez son père depuis maintenant trois ans car il a été victime de violences. Son père refusait de le prendre jusqu’alors. Depuis la nouvelle procédure que j’ai engagée contre lui, il demande à exercer son droit de visite et d’hébergement chaque week-end. Mon fils refuse. Mon ex-mari m’accuse à chaque fois de délit pénal. Que puis-je faire pour me protéger et protéger mon fils ?
Alors.. comment pourrait-on mieux protéger l’enfant dans notre pays ?
Pour approfondir ce sujet, nous vous conseillons deux articles juridiques de Me Philippe Losappio, avocat au barreau de Paris :
Vous trouverez aussi sur notre site des ressources qui permettent de réfléchir à comment mieux protéger l’enfant en France. Ainsi par exemple notre article « Déposons des QPC pour réformer le délit de non représentation d’enfant« .
(1) Sources
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