La CIIVISE est une commission indépendante créée pour enquêter sur les violences sexuelles faites aux enfants en France et formuler des recommandations pour mieux protéger les enfants contre ces violences.
Le Président de la République a annoncé le 23 janvier 2021 le lancement de cette initiative pour deux ans.
La Ciivise a vu son mandat prolongé le 8 décembre 2022 jusqu’au 31 décembre 2023 et nous espérons qu’il le sera à nouveau.
Lundi dernier, elle a présenté son rapport, où elle restitue ces trois années d’engagement, livre son analyse des violences sexuelles faites aux enfants et présente 82 préconisations de politique publique selon 4 axes : le repérage des enfants victimes, le traitement judiciaire, la réparation incluant le soin, la prévention.
Update : la Ciivise a été renouvelée mais hélas avec une autre équipe à sa tête. Nous craignons que que cette version deux de la Ciivise ne soit pas du tout équivalente à la première.
AXE 1 de la Ciivise : Le repérage des enfants victimes
1 : Organiser le repérage par le questionnement systématique des violences sexuelles auprès de tous les mineurs et auprès de tous les adultes par tous les professionnels
2 : Organiser le repérage pour les tout petits en s’appuyant sur le carnet de santé qui permet de vérifier le suivi médical
3 : Intégrer l’incestuel dans la pratique du repérage
4 : Intégrer les cyberviolences dans la pratique du repérage
5 : Intégrer le repérage des violences sexuelles dans les consultations de jeunes filles mineures pour une IVG et pour toute grossesse précoce
6 : Intégrer le repérage des violences sexuelles dans les consultations à la suite d’une tentative de suicide d’un enfant ou d’un adolescent
7 : Evaluer la mise en œuvre des 2 rendez-vous de dépistage et de prévention à l’école primaire et au collège
8 : Instaurer un entretien individuel annuel d’évaluation du bien-être de l’enfant et de dépistage des violences
9 : Veiller à l’utilisation effective du référentiel de la HAS d’évaluation du danger et du risque de danger et inclure le repérage systématique des violences sexuelles
10 : Rechercher, en cas de mort par suicide, si la personne a été victime de violences sexuelles dans l’enfance
11 : Former tous les professionnels au repérage par le questionnement systématique :
- En garantissant une doctrine nationale par la formation avec l’outil « Mélissa et les autres » de la CIIVISE ; –
- En mettant en œuvre le plan de formation initiale et continue des professionnels impulsé par la CIIVISE.
12 : Veiller au signalement des violences sexuelles faites aux enfants (plutôt qu’à la transmission d’une information préoccupante)
13 : Clarifier l’obligation de signalement par les médecins des enfants victimes de violences sexuelles
14 : Systématiser les retours du parquet sur les signalements émis par les administrations et les professionnels
15 : Clarifier et unifier la chaîne hiérarchique du signalement
16 : Créer une cellule de conseil et de soutien pour les professionnels destinataires de révélations de violences sexuelles de la part d’enfants
17 : Garantir l’immunité disciplinaire des médecins et de tous les professionnels
18 : Renforcer les moyens des services sociaux et des services de santé scolaires de la maternelle au lycée
19 : Veiller à prendre en charge le traumatisme vicariant des professionnels, via l’organisation d’un suivi psychologique individuel ou (et de préférence) collectif (analyse des pratiques)
AXE 2 de la Ciivise : Le traitement judiciaire
20 : Reconnaître une infraction spécifique d’inceste
21 : Créer par la loi une infraction spécifique réprimant l’incestualité
22 : Ajouter le cousin ou la cousine dans la définition des viols et agressions sexuelles qualifiés d’incestueux
23 : Elargir la définition du viol incestueux prévu à l’article 222-23-2 du code pénal et de l’agression sexuelle incestueuse prévue à l’article 222-29-3 du code pénal aux victimes devenues majeures lorsque des faits similaires ont été commis pendant leur minorité par le même agresseur
24 : Généraliser dans toutes les administrations le dispositif de prévention et de protection sur le modèle de la cellule “signal-sports”
25 : Faire appliquer, évaluer la mise en œuvre et renforcer les dispositions de l’article 6 du décret du 23 novembre 2021 afin de garantir la sécurité du parent protecteur en cas d’inceste parental
26 : Créer une Ordonnance de Sûreté de l’Enfant (OSE) permettant au juge aux affaires familiales de statuer en urgence sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale en cas d’inceste parental vraisemblable
27 : Intégrer l’inceste et toutes les violences sexuelles faites aux enfants dans les schémas départementaux de protection de l’enfance
28 : Créer dans chaque département un service d’investigation, un service d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) et une maison d’enfants spécialisée dans la protection et l’accueil des enfants victimes d’inceste et de toutes violences sexuelles
29 : Garantir la protection des enfants victimes de violences sexuelles en suspendant toutes formes de visites médiatisées avec leur agresseur
30 : Envisager le domicile de la victime comme critère de compétence pour la procédure pénale
31 : Veiller à l’information systématique des victimes en cas de dessaisissement d’une procédure par un parquet
32 : Assurer la mise en place de bureaux d’aide aux victimes dédiés aux violences sexuelles faites aux enfants
33 : Généraliser la réquisition aux fins de saisine d’une association d’aide aux victimes dès le début de l’enquête
34 : Garantir le respect des droits de l’enfant victime de violence sexuelle par l’intervention d’un administrateur ad hoc
35 : Assurer l’assistance de l’enfant par un avocat spécialisé dès le début de la procédure au titre de l’aide juridictionnelle sans examen des conditions de ressources
36 : Garantir que les enquêtes pénales soient conduites par des officiers de police judiciaire spécialisés
37 : Prioriser le traitement des enquêtes pour violences sexuelles faites aux enfants
38 : Désigner un interlocuteur référent accessible pour la victime ou ses représentants
39 : Poursuivre le développement des structures spécialisées dans l’accueil de la parole de l’enfant victime en :
- Déployant sur l’ensemble du territoire national des unités d’accueil et d’écoute pédiatriques, à raison d’une UAPED par département conformément au second plan de lutte contre les violences faites aux enfants 2020-2022 ;
- Déployant les salles Mélanie, à raison d’une salle d’audition par compagnie dans les zones de gendarmerie ;
- S’inspirant des dispositifs « barnahus ».
40 : Garantir que toute audition d’un enfant victime au cours de l’enquête sera réalisée conformément au protocole NICHD par un policier ou gendarme spécialement formé et habilité
41 : Vérifier la réalisation de tous les actes d’investigation
42 : Poser un principe d’interdiction des confrontations des victimes avec les agresseurs
43 : Encadrer la pratique des examens médico-légaux intrusifs
44 : Assurer la réalisation des expertises psychologiques, pédopsychiatriques et psychiatriques par des praticiens formés et spécialisés
45 : Évaluer les stocks de procédures en cours en attente de traitement
46 : Renforcer les moyens de l’OFMIN notamment contre la cyber-pédocriminalité et assurer cette compétence dans les services enquêteurs de terrain
47 : Renforcer les moyens des forces de sécurité intérieure
48 : Systématiser le visionnage par les magistrats des enregistrements audiovisuels des auditions de mineurs victimes, avec mention en procédure
49 : Interdire le traitement en temps réel (TTR) en matière de violences sexuelles faites aux enfants
50 : Abandonner la terminologie du “classement sans suite” chaque fois qu’une suite est susceptible d’intervenir ou chaque fois que cette décision n’a pas vocation à être définitive
- Informer de la possibilité d’une suite judiciaire en réparation devant le juge civil
- Informer d’une suite administrative, notamment disciplinaire
- Pour les suites de l’enquête pénale elle-même, créer un avis de suspension provisoire d’enquête qui en informe la victime
51 : Améliorer la notification du classement sans suite à la victime
- Contrôler et sanctionner le respect de l’obligation légale de notification de l’avis de classement sans suite à la victime
- Généraliser la pratique des avis de classement sans suite personnalisés
- Systématiser la notification verbale du classement sans suite à la victime par le procureur de la République ou toute personne désignée par lui, notamment une association d’aide aux victimes
- Au-delà de la mention des voies et délais de recours sur l’avis de classement sans suite, continuer à informer la victime de ses droits
52 : Prévoir, dans la loi, la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant
53 : Assurer la préparation et la protection du mineur victime au procès en s’inspirant du dispositif québécois « Programme Témoin Enfant »
54 : Faire respecter à l’audience les obligations déontologiques de délicatesse et de modération des avocats de la défense
55 : Veiller à l’égalité des armes et au respect de l’interdiction des confrontations à l’audience
56 : Prévoir le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant
57 : Permettre à la partie civile de faire appel des décisions pénales sur l’action publique
58 : Veiller à ce que les victimes soient informées de la libération de leur agresseur
59 : Étendre la formation des magistrats sur les violences sexuelles sur mineurs à tous les magistrats spécialisés, siège compris, en cohérence avec la doctrine nationale
60 : Déclarer imprescriptibles les viols et agressions sexuelles commis contre les enfants
Axe 3 de la Ciivise : La réparation incluant le soin
61 : Garantir des soins spécialisés du psychotraumatisme aux victimes de violences sexuelles dans l’enfance en mettant en œuvre le parcours de soin modélisé par la CIIVISE
62 : Garantir la prise en charge par la solidarité nationale de l’intégralité du coût du parcours de soins spécialisés du psychotraumatisme
63 : Garantir une réparation indemnitaire prenant réellement en compte la gravité du préjudice en :
- Reconnaissant un droit à l’expertise et en l’accordant systématiquement pour une plus juste reconnaissance des préjudices ;
- Réparant le préjudice sous forme de provision pendant la minorité avec réévaluation du préjudice à l’âge adulte ;
- Garantissant l’indemnisation par postes de préjudices conformément aux dispositions de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale ;
- Elaborant un barème d’évaluation de tous les préjudices prenant en compte les effets du psychotraumatisme ;
- Reconnaissant de façon plus juste le préjudice sexuel ;
- Reconnaissant un préjudice intrafamilial spécifique en cas d’inceste ;
- Reconnaissant un préjudice de peur de mort imminente ;
- Reconnaissant un préjudice spécifique en cas de grossesse issue du viol ;
- Reconnaissant un préjudice spécifique d’altération handicapante des fonctions cognitives, mentales ou psychiques liée aux violences sexuelles.
64 : Renforcer les droits des victimes en :
- Garantissant la spécialisation des experts sur les conséquences des violences sexuelles subies dans l’enfance ;
- Assurant par l’Ecole Nationale de la Magistrature la formation des experts judiciaires sur le modèle de celle créée sur les traumatismes des victimes d’attentats ;
- Élaborant une mission d’expertise type du dommage corporel en matière de violences sexuelles dans l’enfance ;
- Utilisant en expertise l’enregistrement de l’audition de l’enfant victime ;
- Remboursant l’intégralité des frais du médecin conseil ;
- Rappelant aux psychologues qu’ils peuvent remettre une attestation descriptive à leur patient, et en rappeler les règles de forme et de fond.
65 : Faciliter l’accès aux avocats spécialisés tant dans les violences sexuelles qu’en réparation du dommage corporel :
- En référençant les avocats spécialisés ;
- En améliorant la prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle.
66 : Améliorer le traitement judiciaire de la demande en réparation du préjudice en :
- Complétant systématiquement, pendant l’instruction, l’expertise psychologique par une expertise en évaluation provisoire des dommages ;
- Formant au psychotraumatisme les magistrats qui statuent sur l’indemnisation des victimes ;
- Créant des chambres spécialisées sur intérêts civils en matière de violences sexuelles ;
- Créant une commission d’indemnisation dédiée aux violences sexuelles ;
- Dotant les CIVI d’outils de suivi de leur activité, incluant l’identification des indemnisations des victimes dont la plainte a été classée sans suite.
67 : Assurer un soutien durable aux jeunes majeurs confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance victimes de violences sexuelles dans l’enfance
68 : Libérer les victimes d’inceste par ascendant de toute obligation à son égard (obligation alimentaire, tutelle)
69 : Inscrire dans la loi l’empêchement à reconnaissance par l’agresseur de l’enfant issu du viol
AXE 4 de la Ciivise : La prévention des violences sexuelles
70 : Généraliser le repérage des facteurs de risque par tous les professionnels, en particulier :
- Violences conjugales
- Grossesse.
71 : Dispenser rapidement des soins spécialisés du psychotaumatisme aux enfants victimes de violences sexuelles au titre de la prévention primaire
72 : Renforcer les dispositifs de prévention et d’écoute comme le numéro STOP des CRIAVS
73 : Renforcer les moyens des services spécialisés pour le suivi socio-judiciaire des agresseurs et garantir une prise en charge centrée sur le mode opératoire
74 : Renforcer l’efficacité du FIJAISV en :
- Assurant l’effectivité de l’inscription au fichier ;
- Allongeant la durée de conservation des données inscrites au FIJAISV pour les mineurs au-delà de la majorité ;
- Permettant aux agents de police judiciaire d’avoir accès à la consultation du FIJAISV ;
- Facilitant l’accès au FIJAISV lors des recrutements pour des activités mettant en contact avec des enfants et en permettant un contrôle régulier après le recrutement ;
- Ajoutant l’état de récidive légale sur le FIJAISV ;
- Créant la possibilité d’effectuer des recherches par zone géographique, afin de faciliter l’identification de suspects pendant les enquêtes.
75 : Interdire systématiquement l’exercice de toute activité susceptible de mettre une personne condamnée pour violences sexuelles en contact avec des enfants
76 : Renforcer le contrôle des antécédents lors du recrutement puis à intervalles réguliers
77 : Organiser le contrôle des établissements accueillant des enfants (de manière préventive, et en lien avec les remontées d’information relatives aux signalements, et les retours d’expérience/plans d’action qui y feront suite)
78 : Former les professionnels au respect de l’intimité corporelle de l’enfant
79 : Assurer l’organisation sur l’ensemble du territoire d’espaces d’écoute et d’échange accessibles à tous (Handigynéco)
80 : Assurer la mise en œuvre effective à l’école des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective et garantir un contenu d’information adapté au développement des enfants selon les stades d’âge
81 : Organiser une grande campagne nationale de sensibilisation annuelle
82 : Assurer la continuité de la CIIVISE
Au sujet de la CIIVISE, nous vous conseillons de lire également Rapport CIIVISE du 31 mars 2022 : résumé et préconisations supplémentaires .
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