Archives dans 12 janvier 2025

Qu’est-ce que “l’Entitlement“ et comment le repérer

Qu’est-ce que “l’Entitlement“ et comment le repérer

Qu’est-ce que “l’Entitlement“

Dans le sillage du procès de Dominique Pelicot, un débat a émergé concernant la nécessité d’une éducation renforcée au consentement. Nul ne remet en question cette urgence, il est évidemment important que les enfants grandissent en ayant conscience que le consentement est la base fondamentale des interactions respectueuses. Ils doivent apprendre que toute personne a le droit de fixer ses propres limites, de dire non, et que ces limites doivent être respectées par tous, sans exception.

Cependant, ce serait une erreur de considérer cette éducation comme une solution miracle.

Supposer que les violences sont dues à une incompréhension du consentement ou à une éducation défaillante est réducteur et erroné. Les hommes impliqués dans le procès de Mazan, par exemple, sont parfaitement conscients de leurs actions, ayant délibérément cherché sur le site internet ce type de viol.

  • Ce ne sont pas des naïfs mal informés sur la nature de leurs actes.
  • Ce ne sont pas des petits garçons mal éduqués.
  • Ce ne sont pas des hommes qui recherchaient le consentement.

Non. Ce sont des hommes qui ont TOUT fait pour violer en toute impunité.

Les agresseurs des victimes de violences intrafamiliales procèdent de la même manière. Ils savent et cherchent à ne pas se faire prendre.

Réduire la violence à une histoire de manque d’éducation, en plus d’infantiliser les hommes et favoriser l’impunité, c’est se contenter de gratter le sommet de l’iceberg.

Or, sous l’eau, il y a des dysfonctionnements immenses : les rapports de domination (inhérents au genre et à l’hétérosexualité), il y a le contrôle coercitif, les dynamiques de pouvoir…

Les Anglais ont un mot pour désigner cette notion de droit implicite ou explicite exercé par les dominants dans la société :

  » ENTITLEMENT « 

On peut traduire Entitlement en français par « sentiment de droit » ou « prétention ».

Ce mot décrit une attitude selon laquelle certains individus croient avoir des droits incontestés sur autrui ou mériter certains privilèges indépendamment de leurs actions ou mérites réels. Et ces croyances sont renforcées par la société.

En effet, les structures de pouvoir permettent souvent aux violences de se perpétrer non parce que les agresseurs ne comprennent pas le tort qu’ils infligent, mais parce qu’ils le font impunément. L’entitlement est une arme aussi silencieuse que puissante parce que justifiée par des normes culturelles, des dominations physiques, psychologiques, économiques…

Comment repérer l’entitlement ?

Les red flags :

  • Une personne qui impose systématiquement ses choix sans considérer les opinions ou les besoins des autres membres de la famille.
  • Utilisation de justifications telles que « c’est pour ton bien » ou « je sais ce qui est mieux pour toi » pour manipuler ou contrôler les autres.
  • Ignorer ou ridiculiser les limites personnelles établies par d’autres, qu’elles soient émotionnelles, physiques ou psychologiques.
  • Réponses extrêmes de colère ou de déception lorsque les choses ne se passent pas comme souhaité ou lorsque leur autorité est remise en question.

Nos souhaits :

  • Promouvoir une éducation qui met en avant l’égalité, le respect mutuel et l’importance de l’autonomie individuelle dès le plus jeune âge. Intégrer des programmes qui discutent des rôles de genre et des dynamiques de pouvoir au sein des familles.
  • Encourager une communication honnête et ouverte au sein de la famille, où chaque membre peut exprimer ses sentiments et ses opinions sans crainte de jugement ou de répercussion.
  • Inciter les victimes à chercher du soutien extérieur, que ce soit par le biais de thérapie ou de groupes de soutien, pour contrer les dynamiques de pouvoir déséquilibrées.

On a évidemment du mal à croire en l’arrivée prochaine d’une société où des comportements de ce type auront disparu. En attendant, plus on saura les reconnaitre, plus on pourra tenter de les démanteler.

Cela requiert un engagement collectif pour changer non seulement le regard et les comportements individuels mais aussi les normes culturelles et sociales qui perpétuent ces dynamiques de pouvoir toxiques.

La priorité reste encore de croire les victimes, pour ensuite commencer à changer la narrative et créer des familles et des communautés plus sûres pour tous.


Vous pouvez trouver d’autres ressources sur ce site, ainsi que des témoignages.

Mettre fin à l’inversion des responsabilités dans les violences intrafamiliales

Mettre fin à l’inversion des responsabilités dans les violences intrafamiliales

Qu’est-ce que l’inversion des responsabilités ?

Chaque fois qu’on aborde le sujet des violences intrafamiliales, on rencontre un phénomène tristement universel : la mise en accusation des victimes. Ce mécanisme repose sur deux ressorts puissants. D’une part, une volonté d’esquiver une vérité insupportable : il n’y a aucun moyen infaillible de se protéger de la violence dans le cercle familial. D’autre part, une soumission à un ordre établi, qui considère la violence comme un fait normalisé, intouchable.

Cette inversion des responsabilités est un héritage millénaire. Elle renforce l’idée que si une femme ou un enfant subit des violences dans son foyer, c’est qu’ils n’ont pas su prévenir, fuir ou réagir : « Pourquoi n’est-elle pas partie ? Pourquoi n’a-t-il pas parlé ? Était-ce si grave ? N’as-tu pas, d’une certaine manière, déclenché sa colère ? »

Ces questions, posées aux victimes, traduisent une logique qui dédouane systématiquement l’agresseur.

Ce dernier, on le sait pourtant, agit en pleine conscience, profitant de son pouvoir, de son impunité, de l’intimité du foyer et des mécanismes d’intimidation pour exercer son emprise.

La culpabilité des victimes est alimentée par un discours de résignation. On leur fait croire qu’elles auraient dû mieux prévoir, mieux réagir ou mieux fuir. Mais est-ce vraiment aux victimes de se contorsionner à l’infini pour éviter la violence ?

Pourquoi ne questionnons-nous pas les agresseurs ? Pourquoi n’imposons-nous pas à ceux qui nuisent un changement de comportement ?

Les violences intrafamiliales ne sont pas des accidents ; ce sont des actes délibérés de domination et de dévalorisation, perpétrés par des individus en position de force. C’est une guerre silencieuse menée dans l’espace supposé être celui de la sécurité.

Comme le dit Mona Chollet dans Résister à la culpabilisation (1), il est plus facile de supposer que la victime a « déconné » plutôt que d’accepter que personne n’est à l’abri. Accepter cette réalité serait trop dérangeant, car cela signifierait remettre en cause un ordre établi où l’agresseur, qu’il soit conjoint, parent ou proche, reste intouchable.

Inverser cette logique revient à bouleverser des siècles de domination : remettre en question le droit du plus fort, demander des comptes à celui qui choisit d’agresser plutôt que de scruter la conduite de sa victime. C’est une révolution nécessaire, mais épuisante, car elle défie des schémas profondément enracinés.

En 2025, l’espace familial, comme tout autre lieu, devrait être un endroit où chacun peut évoluer en sécurité et en sérénité. Il ne devrait pas être nécessaire de « se défendre » pour exister.

La honte et les interrogations doivent changer de camp : elles appartiennent aux agresseurs, et à eux seuls. Il faut Mettre fin à l’inversion des responsabilités dans les violences intrafamiliales.

Ensemble, construisons un monde où la sécurité et le respect deviennent la norme, y compris – et surtout – au sein des foyers.


(1) Résister à la culpabilisation
Sur quelques empêchements d’exister

Mona Chollet

Harcèlement, humiliations, insultes : nous sommes bien averti.es de ces fléaux de la vie en société et nous nous efforçons de lutter contre eux. Mais il y a un cas de figure que nous négligeons : celui où l’agresseur, c’est… nous-même. Bien souvent résonne dans notre tête une voix malveillante qui nous attaque, qui nous sermonne, qui nous rabaisse ; qui nous dit que, quoi que nous fassions, nous avons tort ; que nous ne méritons rien de bon, que nous présentons un défaut fondamental. Cette voix parle particulièrement fort quand nous appartenons à une catégorie dominée : femmes, enfants, minorités sexuelles ou raciales…
Ce livre se propose de braquer le projecteur, pour une fois, sur l’ennemi intérieur. Quels sont ces pouvoirs qui s’insinuent jusque dans l’intimité de nos consciences ? Comment se sont-ils forgés ?
Nous étudierons quelques-unes de leurs manifestations : la disqualification millénaire des femmes et, notamment, aujourd’hui, des victimes de violences sexuelles ; la diabolisation des enfants, qui persiste bien plus qu’on ne le croit ; la culpabilisation des mères, qui lui est symétrique ; le culte du travail, qui indexe notre valeur sur notre productivité ; et enfin la résurgence de logiques punitives jusque dans nos combats contre l’oppression et nos désirs de changer le monde.


Vous pouvez trouver d’autres ressources sur ce site, ainsi que des témoignages. Vous pouvez également visualiser les préconisation de la CIIVISE. Il faut appliquer le principe de précaution « je t’écoute, je te crois, je te protège ». Et bien connaitre les stratégies des agresseurs afin de pouvoir les contrer. Les politiques doivent placer les droits de l’enfant comme une politique publique prioritaire, il y a urgence, tant d’enfants sont en grande souffrance. Et il faut protéger leur parent protecteur, souvent victime également.