« Il y a pour tout le monde une incorporation de la peur et de la grammaire du silence autour de l’inceste.
Dorothée Dussy
Le véritable interdit ou tabou de l’inceste, ça n’est pas de le commettre, puisque ça arrive partout, tout le temps, mais c’est d’en parler. »
Un silence assourdissant
Le silence qui entoure l’inceste est puissant.
Déjà, parce que les victimes subissent sans oser ou pouvoir parler.
Mais le silence le plus puissant est celui de la famille. Car il est là le problème.
L’incesteur fait partie de la famille, du cercle des proches.
Parfois les victimes parlent, mais c’est encore pire.
Ce sont elles qu’on met dehors de la famille, car c’est d’elles que vient le « désordre »… La personne qui dénonce devient le traitre.
La pression sociale actuelle est telle que beaucoup de familles préfèrent préserver les apparences d’une famille normale plutôt que protéger les enfants.
Le silence des victimes
Il existe une foule d’explications au silence des victimes. En voici quelques-unes :
- Leur âge. L’âge moyen des victimes d’inceste est de 9 ans. A cet âge, on ne comprend rien à la sexualité et donc à ce qui vient de se produire. Les enfants sont sidérés par leur viol.
- L’injonction impérieuse au secret. Les incesteurs imposent facilement le silence. Souvent, il n’y a même pas d’ordre formulé. Les enfants savent qu’il ne faut rien dire.
- La verbalisation difficile. Les enfants n’ont pas de mot pour dire la sexualité. Et quand ils s’expriment, les propos sont décalés par rapport à la violence subie.
- La culpabilité. De n’avoir rien dit, de ne pas avoir su stopper, de craindre d’être responsable…
- La peur, la honte, le sentiment d’être les seuls à subir ces viols… Les raisons du silence sont presque infinies.
De plus, parfois quand les victimes parlent, on refuse de les croire, on les soupçonne d’inventer.
Les victimes sont dévastées et doivent vivre avec cette douleur et cette construction déviée.
Le silence des proches
Là aussi, nombreuses sont les explications au silence des membres de la famille.
- Un tabou qui se répète. Il est extrêmement fréquent que l’inceste surgisse dans des familles qui l’ont déjà connu. Les membres du clan ont grandi en étant victime ou en ayant côtoyé une victime. L’injonction au silence est déjà intégrée. Tout le monde est élevé pour se taire.
- Un manque de réaction. Quand les victimes parlent, souvent, il ne se passe rien. Les adultes informés ne questionnent pas, n’agissent pas. C’est le silence qui accueille les révélations.
- Le mode survie. Les membres de ces familles bancales privilégient leur propre protection à celle des (autres) victimes, et cela passe par le silence. Les adultes ne protègent pas car ils en sont incapables.
Libération de la parole
Pourquoi certaines victimes parviennent à briser ce tabou et d’autres non ? Une fois de plus, les raisons sont nombreuses.
- Un trop plein de souffrance, sans réussir à compenser. Il faut que ça sorte !
- La peur que l’incesteur s’en prenne à d’autres gens
- La libération par la mort de l’incesteur
- L’arrivée d’un bébé
- Une thérapie
- Une mémoire retrouvée
- Un regain de force pour affronter son passé
Le pouvoir de la parole
Quand les victimes trouvent le courage et l’énergie de parler, quand on accueille leurs propos, le cercle incestueux familial cesse. Les enfants des victimes qui ont dénoncé leur calvaire ne connaitront pas celui-ci.
Cette bonne nouvelle se limite toutefois à cette descendance-là. Les bénéfices ne sont pas poreux au reste de la famille. Celle-ci reste dans le silence. Et il est probable que les violences sexuelles faites aux enfants continuent en leur sein.
Sources et liens utiles
- Livre « Le berceau des dominations : anthropologie de l’inceste », Dorothée Dussy
- Livre « Les silences de la loi : une magistrate face à l’inceste » Marie-Pierre Porchy
- Emission « Inceste : entendre la parole des victimes pour repenser l’éducation, l’ordre social, la justice » (France Culture)
- Podcast « La loi de l’inceste » (Les Couilles sur la Table)
- Podcast « Ou peut-être une nuit » (Louie Media)
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