Les psycho-traumatismes regroupent les conséquences psychologiques subies suite à des agressions, des menaces pour sa vie ou celle d’autrui, des violences en général… Ces troubles correspondent à des souffrances psychiques majeures, potentiellement invalidantes, bien réelles même si pas toujours perceptibles par l’entourage.
Les psycho-traumatismes, des symptômes invisibles
Les victimes de psychotraumatismes sont bien plus nombreuses qu’on ne l’imagine (entre 6 et 10% de la population).
Les psycho-traumatismes sont pourtant encore très méconnus. Même si on sait l’importance de la précocité de la prise en charge, les médecins ne sont pas suffisamment formés à les reconnaître, ce qui occasionne une souffrance qui pourrait être circoncise.
En France, on reconnait plus facilement les psychotraumas des victimes d’attentats ou de catastrophes naturelles mais ceux issus d’autres types de violences, quotidiennes et moins visibles, ne sont pas ou peu pris en charge et font d’immenses dégâts.
Les conséquences des violences faites aux femmes et aux enfants sont invisibilisées. Pourtant les viols, les incestes, les violences psychologiques laissent des séquelles indéniables sur le développement psycho-affectif des victimes. Ces processus silencieux de dégradation, d’absence d’amour, de déshumanisation forment une multitude d’enfants puis d’adultes brisés.
Pour l’inceste onparle de crime sans cadavre.
La souffrances des psychotraumatismes est réelle et multidimensionnelle. Elle irradie dans le mental, dans le corps, dans tout ce qui a trait à l’âme et à l’être. Chaque personne va vivre la maltraitance à sa manière.
Certaines souffrances, certains dégâts peuvent être communs à toutes les victimes, comme un mal de vivre, des terreurs, des angoisses, etc… Mais les manifestations des pycho-traumatismes sont pour beaucoup personnelles et uniques. Chacun développe des mécanismes mentaux, une gestion de la mémoire ou des émotions différentes. C’est le travail des psychologues que de les analyser pour permettre aux victimes de les verbaliser et d’entamer un processus de réparation, autant que possible.
Un enfant victime d’inceste peut avoir des raisonnements traumatiques différents.
1 – Mon parent me fait souffrir –> mon parent ne m’aime pas –> c’est forcément de ma faute car je ne suis pas « aimable » –> personne ne peut m’aimer.
2 – Mon parent me fait souffrir –> je me déprécie et me déshumanise –> je suis un objet qu’on peut utiliser –> je n’ai pas de respect pour moi.
3 – Mon parent me fait souffrir –> cette souffrance est intolérable –> je suis déjà morte.
4 – Mon parent me fait souffrir –> mon esprit ne peut pas comprendre ce qu’il m’arrive –> j’efface tout de ma mémoire
Les psycho-traumatismes sont polymorphes et parmi les réactions possibles, il y a celles du corps qui réagit à son tour aux insupportables violences subies.
Chaque victime connait un lot de douleurs importantes, chroniques ou diffuses, des malaises, des migraines, des brûlures d’estomac, des pertes ou prises de poids, de l’instabilité du sommeil et de l’humeur, du stress qui entraine exémas, dermatites, mycoses…
Des maladies liées à des troubles intestinaux comme la colopathie ou liées à une hypersensibilité douloureuse comme la fibromyalgie sont aussi fréquentes et vraisemblablement connectées aux conséquences des violences sexuelles.
Les troubles psychotraumatiques chroniques peuvent durer longtemps, potentiellement toute une vie en l’absence de prise en charge et de traitement.
Les victimes cohabiteront difficilement avec des syndromes de reviviscence (des souvenirs intrusifs angoissants suscités par tout ce qui peut y être associé), des syndromes d’évitement (la victime évite les lieux, les personnes mais également les pensées qui réactivent ses peurs, jusqu’à s’isoler totalement), des syndromes d’hyperréactivité (état d’alerte quasi-permanent entrainant irritabilité, hypersensibilité, troubles de l’attention, de la concentration, une profonde fatigue physique et psychique)… Mais ces troubles ne se voient pas…
Pourtant, sur du long terme, ces psycho-traumatismes peuvent entraîner de véritables modifications de la personnalité, de la solitude, une perte de repère et d’espoir, un sentiment d’insécurité permanent… Sans parler des pathologies associées. Les dépressions sont très fréquentes (50%), les addictions (alcool, drogues) vont concerner 30 à 50% des patients. Viendront également les troubles anxieux, alimentaires, sexuels, du comportement, du sommeil, les conduites suicidaires…
La liste est longue, presque infinie, des conséquences des violences faites principalement aux femmes et aux enfants.
Ce qui peut aider les victimes de psycho-traumatismes ?
Si vous connaissez une personne victime de violence, ayez conscience qu’elle subit quotidiennement les conséquences de ce qu’elle a douloureusement expérimenté. Si vous souhaitez l’aider à votre mesure, voici des comportements adaptés à sa souffrance :
Avoir de la compassion,
Être réellement à l’écoute, sans jugement.
Proposer son amour inconditionnel
Respecter sa façon de réagir
Accueillez sa souffrance (pas besoin de la ressentir, juste de l’accueillir)
Du soutien et de la bienveillance, plus globalement, aideront cette personne à mobiliser ses propres ressources et à se réhumaniser.
» Vous l’avez choisi le père en même temps »… » En même temps, tu as un caractère difficile, tu n’es pas facile à vivre »… » C’est toi qui lui refiles son stress »…
Vous les connaissez ces phrases qu’on assène toujours aux victimes ? Les explications extérieures du pourquoi on a reçu des coups, on s’est fait violer, on a subi de l’inceste… Et étrangement, c’est toujours de la faute des victimes !
Ben non… Un humain qui en maltraite un autre ne peut pas être un bon parent. Il ne peut ignorer l’impact de ses gestes sur la vie de ses enfants. Quand tu frappes, humilies, agresses la personne avec qui tu as fondé une famille, tu montres un exemple dysfonctionnel qui risque d’être assimilé comme normal. La violence n’a jamais sa place et il faut d’abord passer par un long travail psychologique avant de songer à prétendre à une parentalité saine et bienveillante.
Le parent protecteur est très souvent accusé de manipuler son enfant. Vient très rapidement ensuite le fantasme de l’aliénation parentale, ce symptôme imaginé au 20ème siècle par Gardner, un médecin véreux, misogyne, faisant l’apologie de la pédocriminalité. Les vrais experts le répètent pourtant, il faut écouter la parole des enfants et suivre l’intérêt supérieur des victimes mineures. Les enfants qui dénoncent doivent être entendus sans jugement.
Nous ne comptons plus les fois où la parole des personnes qui dénoncent n’est pas admise comme vraie. L’audience demande bien trop souvent de la nuance, des explications, des justifications. Quelqu’un qui dit : « on m’a volé mon vélo » est davantage cru qu’une personne qui déclare avoir été violée par un proche. L’entourage a tendance à minimiser pour éviter le scandale et se confronter à une réalité violente très dérangeante.
Et non… Les raisons pour lesquels des plaintes sont classées sans suite ne sont jamais équivalentes à un jugement sur le fond. L’affaire peut être prescrite, la procédure jugée irrégulière, la justice peut estimer ne pas avoir assez d’éléments pour enclencher des poursuites… Sans parler des abus… La plainte sans suite est donc une absence de jugement et n’indique en rien où se situent les torts. Elle montre aussi les limites de ce que peut la justice face aux révélations.
Cette croyance a la vie dure. Pourtant rien de moins logique. Comment mettre sur la même échelle une personne toxique, agressive, manipulatrice et sa victime ? Tous les conflits parentaux ne s’articulent pas autour de l’aménagement du quotidien, parfois les enjeux sont vitaux. La violence psychologique et physique n’est pas exercée/subie à 50/50… Il y a alors un seul coupable et c’est une erreur de parler de responsabilité partagée !
« Oups, j’ai oublié de brancher la caméra pendant qu’il me tabassait… ». « Zut, il n’a pas voulu signer des aveux d’inceste, le coquin… » Dégainer des preuves de violences physiques, psychologiques, sexuelles est très difficile. Parfois les traumatismes sont invisibles. De plus, les victimes sont en mode survie, pas en mode enquêteur de police, à filer directement au laboratoire après leur viol… Il est grand temps que la notion de preuves change.
« Maintenant que vous avez déposé plainte, quittez le logement pour vous mettre en sécurité »… N’est-ce pas le monde à l’envers que de demander aux victimes de partir, avec parfois leurs enfants, au lieu de faire évacuer la personne violente ? En plus de ses traumatismes, la victime va devoir tout abandonner pour se retrouver dans un lieu souvent pas adapté et vide de tout ce dont elle a besoin. C’est un non sens !
Ou encore :
« Tu es sûr(e) que tu n’exagères pas, il/elle a l’air gentil(le) »
« Dans un conflit parental, les torts sont partagés à 50/50 »
« Avez-vous de preuves de cette violence ? »
« Après la plainte, vous devriez quitter votre appartement ! »
Et encore beaucoup d’autres phrases dans les commentaires de cette publication.
Et vous, vous en connaissez d’autres des phrases de ce type ?
Est-ce possible de tracer les grandes lignes de l’histoire du patriarcat ? Après la lecture du passionnant ouvrage de Titiou Lecoq : « Les grandes oubliées – Pourquoi l’histoire a effacé les femmes« , on s’est amusés à tenter l’aventure d’un résumé du patriarcat, responsable de tellement de maux de notre société. Prenez une boisson chaude et votre indignation, on vous raconte !
L’histoire du patriarcat en un article…
Ils et Elles étaient une fois les humains, il y a fort fort fort fort longtemps, du temps de la préhistoire. Enfin… DES préhistoires vraisemblablement car cette période occupe 99.7% de l’évolution de l’espèce humaine sur Terre. Les 0.3% englobent le néolithique à nos jours… Autant vous dire qu’il est impossible de résumer le mode de vie de TOUS les êtres ayant vécus durant ces 3 millions d’années. Parler des « hommes préhistoriques » ne veut RIEN dire. Et parler des femmes préhistoriques non plus.
Sauf que concernant les femmes, on peut se permettre de s’attarder pour réviser un peu nos classiques et nos croyances…
Tout ce qu’on nous a appris :
La femme préhistorique est moins costaude que les hommes
Elle s’occupe de la cueillette pendant que les hommes chassent le mammouth
Elle est toujours enceinte
Elle vit au fond d’une grotte, avec ses cheveux hirsutes…
Sans suspens, on le sait désormais, c’est FAUX ! Depuis que les femmes historiennes se sont mises à regarder le travail des historiens, elles ont vite vu que ces derniers analysaient l’histoire via un biais de genre (inconscient probablement) qui faussaient leurs analyses.
Ces connaissances nouvelles sur nos ancêtres remettent en question l’histoire enseignée et bouleversent nos croyances.
Les humains, durant ces millénaires, ont eu des comportements variés qui visaient tous la survie. Ils avaient besoin des autres et vivaient en groupe. Nomades, avec une dépendance à la nature, hommes et femmes faisaient les choses ensembles : chasse, cueillette, gestion des bambins (les femmes accueillaient un enfant tous les 4 ans en moyenne et non elles n’étaient pas constamment enceintes).
Leurs corps étaient forgés par les mêmes activités. C’est d’ailleurs pour cela que les historiens ont longtemps cru que tous ces ossements de « chefs » étaient ceux de super hommes des cavernes. Un squelette de femme préhistorique ressemble à celui d’un homme préhistorique de la même époque.
Un chef, c’est un mâle non ?
Sauf que non ! L’ADN a tranché depuis. Les femmes cheffes de clan existaient tout autant et recevaient des sépultures identiques. Ce n’est pas parce qu’il y avait des couteaux que les personnes enterrées étaient des hommes.
Zéro discrimination, il y avait alors…
Mieux, les femmes étaient sans doute davantage vénérées. Pourquoi ? A cause de leur capacité à créer des bébés, des deux genres qui plus est, (sympa de se charger aussi de la reproduction de tout le monde). Magie ! L’homme des cavernes n’avait pas capté que la partie de jambes en l’air d’il y a 9 mois avait eu une légère influence… A cette époque, les femmes = déesses qui créent la vie ! Cf les dessins dans les grottes qui représentent majoritairement des femmes.
Pour résumer, pendant 99.7% de l’histoire de l’humanité, les femmes et les hommes ont évolué de manière équilibrée.
Foufou non ? On se demande alors qui est le cornichon de sapiens qui a tout fait dérailler !
Et puis le drame…
C’est au néolithique que les choses ont mal tournées pour les Vénus. A cette époque, un réchauffement climatique (tiens tiens) pousse petit à petit les humains à se sédentariser. Fini le nomadisme, coucou l’agriculture et l’élevage. On pense que c’est d’ailleurs l’observation des animaux d’élevage qui a permis aux hommes de comprendre leur rôle dans la reproduction. « Hey, regarde, une chèvre noire, un bouc blanc… C’est marrant ces chevreaux noirs et blancs… «
Si on rajoute à cela, l’arrivée de la notion de propriété (= ne touche pas à mes chèvres), l’émergence de la violence (= si tu touches à mes chèvres, je te tue), les hommes ont pris possession du corps des femmes pour maitriser leur descendance (pour savoir à qui léguer les chèvres…).
Il y a un lien direct entre la sédentarisation et la violence (qui est différente de l’agressivité car construite socialement). D’ailleurs, c’est à cette époque que l’épée (ce truc qui n’a pas d’autre utilité que de tuer un autre humain) est inventée. Et que le culte de l’homme guerrier prend racine.
L’agriculture et l’élevage étant des activités fort pénibles, les hommes, ces génies, ont eu l’idée de déléguer ces tâches à d’autres (en les forçant un peu beaucoup). Ils ont sous-traité aux femmes et aux enfants rapidement et puis à d’autres hommes.
L’esclavage ? En voilà une idée qu’elle est bonne. Le patriarcat puise ses racines dans le sentiment de propriété des hommes = Les chèvres sont à mouaaaaaaa !
A partir de cette période du néolithique, les humains se sont différenciés et jugés en fonction de leur sexe. Leurs corps ont changé (parfois plus musclés chez les hommes mieux nourris, parfois totalement abimés pour ceux qui travaillaient la terre, parfois ravagé par les grossesses successives). Leur sentiment d’eux-mêmes, leurs valeurs, leurs accès aux ressources, à la connaissance et au pouvoir aussi…
0.3% de notre histoire ont suffit à faire dérailler le train du « vivre ensemble dans l’équité ».
Les religions et toutes sortes de croyances sociétales sont venues rajouter une bonne couche de « l’homme, c’est le chef des femmes, c’est la loi. C’est la nature« . Pas de bol franchement…
Les hommes, au travers des siècles, se sont appliqués à invisibiliser les femmes, les privant de leurs droits : étudier, travailler à des postes importants, posséder des terres, accéder au pouvoir, épouser qui elles veulent… Ils ont écrit l’histoire, conçu les lois, créé les croyances pour que la moitié de l’humanité n’ait jamais droit à la même chose qu’eux.
Et aujourd’hui, tout le monde en souffre
L’histoire du patriarcat continue. Les violences intra-familiales actuelles puisent leurs sources dans cette hiérarchisation des humains, où on peut maltraiter des femmes et des enfants simplement parce qu’on en a la possibilité. Et évidemment dans le sentiment de propriété qui en découle. Les personnes violentes refusent systématiquement que leurs victimes leur échappent et s’éloignent de leur main mise.
Heureusement, de tout temps, des femmes ont combattu ces injustices, souvent en le payant de leur vie. La situation est loin d’être réglée, les injustices restent criantes. Les femmes et les enfants continuent d’être les victimes majoritaires de nos sociétés patriarcales. Mais les hommes ont aussi beaucoup perdu à être forcés de se comporter comme des machos.
Ne lâchons rien ! Tous les humains se valent, les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux, etc…
Réapprenons à vivre ensemble. A nous de donner un clap de fin à l’histoire du patriarcat.
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Maddy a 53 ans. Elle a subi toutes les formes de violences possibles de la part de ses parents, Pierre et Jeanne, et cela depuis sa naissance. Séquestrations, viols, coups, humiliations, affamements…
Mais avant de vous exposer son horrible enfance et sa vie de femme toujours maltraitée, nous allons vous présenter ses parents bourreaux. Rien n’excusera jamais ce qu’ils ont fait mais comprendre leurs vies, c’est aussi décortiquer le mécanisme des violences familiales transgénérationnelles et patriarcales.
Violences familiales transgénérationnelles, une lignée à briser
Pierre * 1933 – 2005
Pierre nait dans une famille où règne un père despotique. Son enfance pourrait être résumée par une infinité de coups qu’il reçoit quotidiennement de la part de son géniteur, un ouvrier tout le temps alcoolisé et très violent.
Premier garçon d’une étrange fratrie, il verra son père tuer deux bébés filles que sa femme met au monde. Les autres filles qui en réchappent sont placées. La mère de Pierre finira à l’asile, hautement perturbée par cette violence sans nom. Ses deux parents sont également des traumatisés de la guerre, des bombardements, des couvre-feux et des horreurs qu’ils ont subies.
Pierre grandit dans des violences domestiques perpétuelles. Il est lui-même placé plusieurs fois dans des familles d’accueil où il est également déshumanisé.
En plus de subir des horreurs, il évolue dans un discours de haine vis à vis des femmes. Ces dernières sont responsables de tout. Autour de Pierre, elles vivent l’enfer, les humiliations, la violence, la soumission forcée pour survivre et l’obéissance par arme à feu.
D’ailleurs, c’est également la façon dont va se développer le jeune homme. Il va devenir roublard, violent, pervers pour survivre à son tour et gagner du pouvoir.
Il part à l’armée où son virilisme se parachève. A son retour, il fait la connaissance de Jeanne, sa future épouse.
Jeanne * 1932 – 2018
Inversement, Jeanne grandit au sein d’une famille aimante et bienveillante. Ses parents de confession musulmane pour son père et catholique pour sa mère lui apprennent la tolérance et l’amour de son prochain.
En revanche, la guerre est un traumatisme immense pour la jeune femme. Elle connait les douleurs de l’exode, les privations, le manque de protection et de confiance et garde en elle une peur constante de mourir.
C’est sur ces fragilités que Pierre posera les briques de son emprise. Elle le rencontre à 25 ans et tombe sous le charme de ce qui lui semble être une force protectrice…
Pierre et Jeanne
Pierre a besoin d’argent, or la naïve Jeanne en possède. Voilà la seule motivation à l’origine de leur couple. A peine mariés, ils s’installent dans une roulotte, à l’écart de la ville. Et l’enfer commence pour Jeanne.
Elle découvre un mari violent, reproduisant les sévices qu’il a lui-même subis. Elle devient sa chose et il lui ordonne de rester dans cette cahute insalubre pendant que lui mène la vie qu’il veut.
Il la viole, la formate, l’humilie, la dégrade, l’isole de sa famille. Jeanne a peur, elle se soumet pour se protéger.
Jeanne tombe rapidement enceinte d’un petit garçon avec qui elle développe une relation œdipienne complexe. Mais aliénée à son tortionnaire, sous emprise totale, elle ne saura jamais être une maman aimante.
Pierre déplace la roulotte régulièrement pour que Jeanne ne rencontre personne. Ses beaux parents sont interdits de séjour mais il accepte que Jeanne aille les voir si elle revient avec de la nourriture et de l’argent.
Avec les courses, c’est la seule sortie autorisée. Sinon, elle reste enfermée avec son fils, sous la totale domination de Pierre, obéissant à toutes ses consignes, pour survivre. Il la submerge de tâches domestiques, et d’ordres abscons comme l’esclave qu’elle est devenue.
Au fil du temps, les contrats de Pierre, qui travaille dans le bâtiment, s’amenuisent. Jeanne et lui finissent par acheter un terrain pour faire construire une maison. Hélas les travaux ne se termineront jamais et Jeanne sera reléguée dans une caravane posée au milieu du chantier délétère. Ces conditions difficiles augmentent encore l’irascibilité et le pouvoir de nuisance de Pierre.
C’est dans ce marasme familial, composé de violences sexuelles et psychologiques que Maddy voit le jour.
Jeanne a fait un déni de grossesse et découvre sur la fin qu’elle attend un enfant, 10 ans après son fils. Après cette naissance, Jeanne refusera tout rapport sexuel avec Pierre qui lui imposera alors 2 maitresses.
L’arrivée de Maddy prend tout le monde de cours et perturbe encore plus la vie de cette famille tordue. Son frère ne se remettra jamais de son brusque débarquement et de la place qu’elle prend. Jeanne, terrorisée et concentrée sur sa propre survie, ne saura jamais protéger sa fille. Quant à son père, il fera de sa vie un enfer.
Maddy va grandir en se sachant l’élément de trop. Son père et son frère ne l’appelleront jamais autrement que « le dommage collatéral ».
Son enfance sera un calvaire sans nom, une accumulation infinie de faits sordides. Et personne ne lui viendra jamais en aide.
L’enfance de Maddy, séquestration, torture, viol… l’enfer au quotidien
Maddy nait donc dans une famille dysfonctionnelle et névrosée. Les brimades commencent dès la naissance, mais le premier souvenir de cette enfant non désirée est quand elle se réveille dans le camion des pompiers. Elle a 2 ans. Malgré une fièvre violente due à une maladie infantile, ses parents ne sont pas intervenus. Elle a fini par s’évanouir et perdre un bout de poumon. C’est la première fois que le corps médical constate que Maddy est maltraitée, mais ce jour-là comme les suivants, ils n’interviendront jamais. Maddy garde un souvenir heureux de l’hôpital où elle est étonnée qu’on lui parle gentiment.
Maddy n’a pas de chambre, ni jouets, elle dormira avec sa mère jusqu’à sa fuite. Elle ne mange pas avec le reste de la famille. Dès que son père rentre, il lui met la tête dans la nourriture et demande à sa mère de lui filer le reste du repas sur les toilettes du garage, avec les araignées et les rats.
Pierre, toujours armé, violent, imprévisible, terrorise tout le monde. A la moindre désobéissance ou assimilé, les représailles sont terribles. Il les inflige volontiers ou demande à sa mère de le faire pour lui. Cette dernière obtempère aveuglément, qu’il soit présent ou non. Maddy est punie au coin pour tout ou enfermée dans la cave des heures et/ou jours durant.
Il organise régulièrement des descentes punitives improvisées pour maintenir sa pression tyrannique et transforme la maison en bunker avec des règles très compliquées.
Les portes sont toutes multi verrouillées, il faut demander l’autorisation pour aller aux toilettes. Les rares sorties sont chronométrées et questionnées. Personne n’est le bienvenue. Mais qui viendrait ? Même les voisins sont terrorisés car il rode la nuit comme un forcené. Il y a des munitions dans toutes les pièces. Maddy grandit dans un climat de violence, elle apprend à tirer, elle trouve normal que son père la menace de mort régulièrement. Comble de la perversion, il lui fera creuser sa tombe, mise en joue, en lui disant que personne ne la regrettera quand il la mettra dedans…
La seule « joie » qu’on concède à Maddy, c’est d’avoir des animaux. Son père l’autorise à garder les chats et les chiens errants mais c’est pour mieux les décapiter quelques temps plus tard sous ses yeux.
Toute son enfance, Maddy va à l’école par intermittence. Malgré les marques de maltraitance, les absences, il n’y aura jamais de signalement. Et comme elle est formatée au silence, l’enfant ne dénonce personne non plus. Pire, connue comme la « fille du fou », elle est harcelée par les enfants du village.
Maddy se tait pour éviter que son père ne tue des gens (ou sa mère), par représailles.
Pendant ce temps, son frère est libre de ses mouvements et de ses fréquentations. Il sort dès que possible pour échapper à cette famille où il subit aussi des humiliations, dès qu’il veut aider sa mère. Il se fait traiter de « pédé ». Il finira par demander à être émancipé à 18 ans et niera toute appartenance à cette famille dont il a honte… avant de reproduire plus tard ces schémas à son tour.
Jeanne apprend à Maddy de manière plus ou moins consciente, ses astuces pour survivre, pour supporter cette vie infernale : tout taire, cacher, dissimuler. Elle utilise aussi sa fille comme bouclier. Quand Pierre s’emporte, c’est Maddy qui subit tous les sévices. Dans ces moments, Jeanne redevient une petite fille apeurée, qui se dissocie et prétend ne pas savoir ce qui se passe. Et quand la démence paternelle se termine, elle explique à Maddy que ce n’est pas grave et qu’elle peut aller dormir en toute sérénité maintenant. A chaque sévice, elle lui offre un pull qu’elle a tricoté.
En revanche, Jeanne fait bouillir de l’eau toute la journée pour se protéger en cas d’agression mais elle ne s’en servira jamais contre les agressions infligées à sa fille.
Les séquelles de cette vie infernale sur le corps de Maddy, en plus d’une souffrance psychologique immense, sont nombreuses. Les coups, l’absence de soin, la dénutrition, la maltraitance généralisée ont détruit le corps de l’enfant puis de la jeune femme.
Le bilan très lourd : poumon atrophié, polyarthrite rhumatoïde fulgurante, dentition abîmée, problèmes de vision et d’audition, maladies chroniques, poussées inflammatoires très douloureuses.
Les douleurs ont commencé à sa naissance et elles perdurent aujourd’hui, voire s’empirent avec le temps. Ce corps qui trinque à outrance, c’est le lot de Maddy, mais également celui de Jeanne et des femmes des générations précédentes, multi-violentées et même parfois internées jusqu’à leur mort.
Violée par une des maitresse de son père
A ce quotidien de violence inouïe, va venir se rajouter le viol. Son père fréquente deux maitresses, des femmes bien abimées par la vie également. La situation est connue et assumée. Maddy doit les appeler « tata » et Jeanne n’a pas son mot à dire.
Vers les 6 ans de la petite fille, son père estime qu’elle a l’âge de cuisiner pour tous et il demande à Suzanne, une des maitresses, d’apprendre à Maddy à être une « bonne femme ». Suzanne, alcoolique et dépressive, fera bien pire. Elle violera Maddy à chaque rendez-vous, avec l’accord de son père, qui livre sa fille sans soucis pendant qu’il attend dans le salon. L’enfant, habituée à tous les sévices, se sachant pas mieux lotie qu’un objet, se mettra en état de sidération et de dissociation, afin de survivre au pire.
Ces viols dureront 2 ans.
Au cours de son enfance traumatisante, Maddy ne trouvera aucune main tendue. Jusqu’à ses 20 ans, elle subira le pire sans que les médecins, les professionnels de l’enfance, l’école ou la police n’interviennent. Elle grandira seule, comme la survivante qu’elle est, condamnée au silence, militarisée, objetisée, déshumanisée et formatée à côtoyer la violence et la mort.
Le déclic qui lui permettra de s’échapper viendra de manière incongrue. Elle croise une jeune prostituée qui subit un quotidien similaire. Elle décide alors de l’aider. En s’occupant de la mettre en sécurité, elle réalise qu’elle peut mettre en place la même chose pour elle puis pour sa mère.
Dès lors, elle va fomenter un plan pour s’enfuir de « la maison de l’enfer » ! Son objectif : sortir sa mère de là et recommencer une vie.
Cela prendra du temps, pour des tas de raisons d’emprise et de sécurité. Mais les déclics s’accumulent et renforcent sa détermination.
Quand elle a 17 ans, Pierre lui impose le visionnage d’un film sur l’inceste et il verbalise : “Elle l’a bien mérité”. Maddy comprend que ce sera bientôt son tour. Pierre décide de créer une chambre pour Maddy dans la cuisine. Elle doit quitter le lit de sa mère qu’elle occupe depuis son enfance. Dès les premières nuits, Pierre va tenter d’entrer dans cette couche improvisée. Alors Maddy retourne dans le lit de Jeanne et dort désormais avec ses vêtements et un couteau sous son oreiller.
C’est à ce moment-là que Maddy réalise qu’elles ne pourront pas fuir ensemble. Elle va d’abord essayer de se mettre à l’abri puis de protéger sa mère.
Le combat de Maddy, une renaissance presque impossible
Maddy va mettre 3 ans pour mettre son plan en action, faute de solutions financières et d’aides extérieures. Bien qu’elle travaille, son père lui bloque tous ses salaires, son véhicule, son autonomie et toute tentative de fuite.
De plus, amoureuse, Maddy est sous l’emprise et la soumission d’un chef de bande qui profite de son absence de construction sentimentale et émotionnelle. Dès les premières relations sexuelles, ce sont des viols à répétition qui basculent graduellement sous tout type de violences et de déviances.
Quand elle parvient à se libérer de son fiancé toxique, Maddy ne veut plus subir de violences sentimentales.
En revanche, elle désire avoir un enfant alors elle demande à son meilleur ami de lui offrir ce bonheur car il est la seule personne en qui elle peut avoir confiance. Ce qu’il va accepter.
Convaincue de son infertilité, elle fait un déni de grossesse et réalise tardivement qu’elle attend un bébé et décide de cacher sa grossesse à son père jusqu’au bout, en bandant son ventre. Pour la première fois, elle reçoit de l’aide ! Une assistante sociale se démène pour lui trouver un logement qui pourra les accueillir, elle et son enfant. Une fois en sécurité, Maddy tente de convaincre sa mère de prendre à son tour la fuite. Jeanne refusera pendant 3 ans durant lesquelles Pierre imposera une 3ème maitresse à leur domicile et tentera de lui ôter la vie en sectionnant les freins de son véhicule.
Maddy n’a pas d’autre alternative que de passer elle-même à l’action pour sauver sa mère. Elle réussit l’exploit de tromper son père pour faire sortir sa mère !
Hélas, loin d’être le début d’une nouvelle vie, la colère paternelle explose. Pierre détruit tout, il les menace le jour et la nuit, avec des armes.
C’est l’usage de la violence étrangement qui apaisera un peu les choses. Maddy accepte l’aide d’un membre de la bande qu’elle côtoie. Ce dernier menace à son tour Pierre des pires représailles si il continue d’harceler sa fille et sa femme. Le père, terrorisé, a une sorte de prise de conscience et s’excuse auprès de Maddy. Il ne cherchera plus à l’intimider. De plus, quelques temps plus tard, il fait un arrêt cardiorespiratoire. Maddy est à son chevet à son réveil.
Ça remue des choses chez lui et il change de comportement. Une sorte d’accord aura lieu entre eux qui lui permettra d’entretenir des relations presque correctes.
Elle obtient le divorce de ses parents, aux torts exclusifs de Pierre. Et elle prend sa mère en charge, car celle-ci est incapable de s’en sortir par ses propres moyens.
Un cycle infernal infini
S’être éloignée de son père n’a pas tout réglé. A la naissance de sa fille, à 26 ans, elle devient handicapée (polyarthrite). Elle devra passer presque 4 ans à l’hôpital car son corps cumule tous les maux de son enfance traumatisante.
C’est l’occasion pour sa mère de faire un immense transfert. Elle décide de devenir la mère des enfants de Maddy. Par manipulation, Jeanne monte les deux petits contre leur maman. Celle-ci ne les verra jamais durant son hospitalisation car Jeanne refuse de les emmener à l’hôpital.
Sa maman redevient perverse et manipulatrice à son tour, car c’est le seul mode de vie qu’elle connait, et au final se retourne contre Maddy.
Quant aux enfants, la relation avec leur mère ne sera qu’un immense fiasco, tellement la forme d’aliénation parentale mise en place par Jeanne perdure encore aujourd’hui. Maddy admet volontiers avoir de grosses difficultés à ne pas reproduire le schéma de son enfance. Quand elle finit par revenir chez elle, ses enfants ont peur d’elle car Jeanne les a formatés. Maddy punit trop alors qu’elle pense avoir été hyper gentille versus sa propre enfance. Affectivement, elle n’est pas aidée non plus par ses relations amoureuses. Tous ses compagnons sont des pervers, manipulateurs qui ne la respectent pas.
Sans grande notion des stress post-traumatiques complexes qui l’affectent, Maddy est consciente que quelque chose ne va pas. Elle ne veut surtout pas ressembler à ses bourreaux.
Elle demande rapidement l’aide des hôpitaux parisiens dans lesquels elle est suivie pour les affections osseuses. Ainsi, Maddy est la première personne de toute sa lignée familiale à chercher de l’aide ou des solutions. Plus que tout, elle souhaite rompre les schémas de reproduction des violences transgénérationnelles intrafamiliales et les conséquences dévastatrices des états de stress post-traumatiques complexes qui affectent plusieurs générations.
Son entreprise s’avère plus chronophage que prévue puisque comme l’exige la loi, elle est soumise au devoir d’assistance de ses ascendants (et tortionnaires).
Bien que polyhandicapée, sans aidant, mère solo de deux enfants, sans soutien familial et malgré les manipulations de sa mère, l’éloignement de ses enfants, le désert affectif de sa vie, c’est à elle qu’incombe la prise en charge de tous les membres de sa famille : son père qui vieillit, ses grands-parents maternels mourants, sa mère également polyhandicapée et dépendante…
A la mort de Pierre, elle doit aller vider sa maison et donc revenir sur les lieux détestés de son enfance. Toutes les horreurs enfouies, tous les souvenirs terribles, tous les traumatismes resurgissent et la mettent à terre. S’en suivront 7 années de burn-out dû à la disparition de l’amnésie traumatique et des dissociations.
Revivre tout ce qu’elle a vécu lui fait comprendre également la vie de ses propres parents à travers les documents qu’elle retrouve. Ces violences intra-familiales se perpétuent depuis des générations. Tout le monde est victime, tout le monde est coupable.
Et cela continue… La mort de leur père fait revenir son frère sur le devant de la scène, très intéressé par la succession.
Ce dernier commence alors une violence psychologique et financière contre Maddy et sa mère, les harcelant et les manipulant à son tour de bout en bout.
Il accuse sa sœur de tromper leur mère et la dénonce à la justice afin de prendre possession des biens sans être inquiété. Il leur refuse l’accès à l’héritage tout en les obligeant à assumer les charges financières sous peine d’huissier. Aucune plainte de Maddy pour se défendre n’aboutira. Étrangement encore, c’est l’attitude de son fils à la suite d’un AVC dont il est la cause, qui décide Jeanne à autoriser Maddy à raconter leur histoire. La libération de la parole a enfin lieu.
Maddy a 48 ans quand elle est capable pour la première fois de parler des crimes dont elle a été victime. Maddy contacte plus de 62 avocats mais tous refusent ce dossier trop complexe et financièrement peu intéressant (Maddy bénéficie de l’aide juridictionnelle). Elle est finalement entendue par deux juges des tutelles qui mettent immédiatement en place des mesures pour lui venir en aide.
Tout le monde hallucine de cette vie indigne qu’on lui a infligée. Pourtant, quand elle raconte enfin son histoire à ses enfants, ceux-ci ne la croient pas.
Comme Maddy souhaite mettre Jeanne sous curatelle, ils l’accusent d’être une fille ingrate et cherchent à l’interner. Pire, comme ils la détestent, ils la volent, la frappent. Ils l’empêchent également de revoir sa petite-fille qu’elle a élevée et protégée près de 3 ans, des multiples violences psychiques, physiques, emprises, négligences, drogues et alcool qu’elle subissait depuis sa conception de la part de ses parents et de ses multiples beaux parents.
Après avoir pris connaissance de l’histoire de leur mère, un de ses enfants décide même de faire tatouer sur l’intégralité de sa cuisse le portrait d’un des bourreaux de sa mère…
Malgré l’horrible vérité démasquée, Maddy comprend qu’elle ne sera jamais reconnue victime par sa famille. Mais le pire est de ne pouvoir étre entendue par la Justice car il y a désormais prescription. De plus, 4 de ses 6 bourreaux sont morts. Son frère (et sa femme assistante sociale) ne seront probablement jamais inquiétés…
Ses bons droits à la succession sont bloqués depuis 15 ans.
Alors puisque que sa vie complète a été volée, puisqu’elle doit en assumer les séquelles physiques et psychologiques, Maddy a décidé de mettre son énergie dans d’autres combats. Depuis ses 17 ans, elle porte assistance à d’autres victimes survivantes en danger et les encourage à prendre la parole pour revivre. Plus de 170 personnes ont reçu son aide. Elle propose aussi de la médiation animale bénévole car de son enfance est resté un amour inconditionnel pour les animaux de compagnie.
Maddy continue de se battre, pour elle et pour les autres. Elle se fait suivre par des professionnelles et pratique de nombreuses techniques de reconstruction (art-thérapie, écriture, pleine conscience, médiations…)
Cette histoire de violence intra-familiale montre bien à quel point ces comportements d’adultes sont le résultat d’enfances détruites.
Et que tant que l’enfant n’est pas protégé, non seulement il souffre. Mais il peut aussi faire souffrir en reproduisant le seul schéma de violence qu’il a connu.
Derrière toute personne violente se cache bien trop souvent un enfant qui a été violenté.
Protégeons les enfants et nous construirons un monde meilleur
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La charge mentale de la violence est largement sous-estimée. Pourtant quand on grandit dans une famille où la violence est présente, qu’elle soit psychologique et/ou sexuelle, on se construit différemment des autres humains.
Chaque jour de son enfance se passe dans une vigilance constante. On guette les signes avant coureur des crises, des coups à venir, des agressions. On cherche à éviter l’inévitable, on est toujours sur le qui-vive et on tente de se faire oublier pour ne pas déclencher cette violence intrafamiliale.
La charge mentale de la violence
Cette pression infinie diminue la confiance en soi et dans les autres. Il est presque impossible pour un enfant de penser qu’un parent ne puisse pas aimer et protéger sa famille. Alors quand il fait face à un quotidien horrible, c’est lui-même qu’il accuse. Il se sent responsable des coups qu’il reçoit et cette croyance néfaste est souvent corroborée par les dires de la personne violente.
Suivant ce schéma, il ne peut faire confiance à personne et s’enferme. Il traque les signes pour les déchiffrer.
Ces enfants-là pensent TOUT LE TEMPS à la violence qui plane autour d’eux. Ils la guettent au quotidien et ils la guetteront toute leur vie. En revanche, s’ils savent reconnaitre la violence, hélas si familière, ils ne réussissent pas forcément à s’en protéger. Ils n’ont pas toujours la force psychologique de s’en éloigner car elle fait partie de leur référence, de leur normalité. Ils ont intégré que c’est sans doute ainsi qu’on aime les gens ou qu’ils ne méritent pas mieux.
Il est extrêmement difficile d’alléger la charge mentale de la violence car elle s’enclenche automatiquement, via un mode de survie mis en place bien trop jeune. Pourtant cette pression psychique est épuisante car éprouvante émotionnellement.
Un enfant victime de violence ne se libérera pas de ce poids simplement en grandissant et en s’éloignant de son bourreau.
Il lui faudra être accompagné pour espérer retrouver une boussole de vie plus saine, mais il déjà vital qu’il soit éloigné de l’agresseur.
Tout le monde connait et approuve la présomption d’innocence. Elle fait partie du cœur de notre système judiciaire et il est important de la conserver.
La présomption d’innocence est notamment garantie par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui affirme qu’un individu, même suspecté d’avoir commis une infraction, « est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable » par la Justice.
Quid du principe de précaution ?
Le principe de précaution repose sur la prise en compte de situations de risque potentiellement graves et/ou irréversibles.
Ce principe de précaution est peu utilisé alors qu’il est souvent vital. La parole des victimes doit être entendue et plus largement considérée car les violences n’ont souvent pas de témoins et ont lieu dans le huis-clos familial.
Pour certaines personnes, le principe de précaution nuit à la présomption d’innocence car si, par exemple, on retire momentanément la garde de ses enfants à un parent accusé de maltraitance, cela reviendrait à l’accuser.
C’est un faux débat.
En opposant les deux, on privilégie bien trop souvent » l’honneur » de l’adulte accusé au lieu de mettre en sécurité la victime, par précaution.
Arrêtons de prioriser l’adulte face aux besoins des enfants maltraités.
Si la présomption d’innocence est importante, la présomption de crédibilité de la parole de la victime l’est tout autant. Il faut rééquilibrer les deux plateaux de la balance.
Ne pas prendre en considération la personne qui a le courage de porter plainte, c’est rajouter de la violence à la violence. Peu de victimes arrivent à porter plainte, ne rajoutons pas la peur de ne pas être cru.
Actuellement au nom de la présomption d’innocence la Justice ne protège pas les enfants.
Lorsqu’une enquête pénale ou des poursuites pénales sont en cours, cela devrait justifier de garantir la protection de l’enfant, il ne devrait pas être mis en contact avec son agresseur potentiel.
« Le principe de la protection des enfants est également un principe fondamental, non seulement de l’État de droit mais de l’humanité d’une société. Faire primer la protection des enfants est un impératif inconditionnel.»
Notre association milite pour que la priorité soit donnée aux victimes et que la présomption de crédibilité ou le principe de précaution aient toute leur place.
NRE sont les initiales utilisées pour parler de Non Représentation d’Enfant. Ce délit est inscrit dans le Code Pénal à l’Article 227-5 comme étant « le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer».
Par exemple, si un parent refuse de présenter son enfant à l’autre parent quand c’est le tour de garde de celui-ci, le parent en faute est passible de 15000€ d’amende et d’un an d’emprisonnement.
C’est bien normal, car les enfants doivent pouvoir accéder à l’affection de leurs deux parents.
Les limites du délit de la NRE
Toutefois, il existe deux cas où cette Non Représentation d’Enfant est soit complexe soit impérieuse.
1- Le cas complexe : que faire quand un enfant refuse catégoriquement d’aller voir un de ses parents ? Quel que soit l’âge de l’enfant, quel message lui envoie-t-on quand on le force à entrer dans la voiture d’une personne qu’il refuse de voir, fusse-t-elle son parent ?
N’existe-il pas une attitude plus responsable qui consisterait à chercher à comprendre son enfant ? A entamer un processus d’écoute et de communication ? Ce serait plus constructif que de le forcer et/ou de condamner à la prison le parent impuissant.
2- Le cas impérieux : hélas, tous les parents ne sont pas affectueux. Ils peuvent même être maltraitants, violents, violeurs… Or dans ces cas-là, la Justice rend encore bien trop souvent un verdict en faveur du maintien du lien parental, quel qu’en soit le coût, et donc aux dépends des victimes. Le parent protecteur doit choisir entre protéger son enfant ou respecter la loi.
C’est dans ces configurations de danger que la spirale infernale de la Non Représentation d’Enfant s’enclenche. Un autre genre de descente aux enfers.
L’élément déclencheur est souvent le témoignage de l’enfant, qui alerte le parent en qui il a toujours confiance. Cette prise de parole libératrice devrait être la première étape de sa protection car le parent à qui il s’est confié va l’aider. Il croit son enfant et porte plainte pour violence ou inceste. Tout se complique alors. La Justice exige des preuves permettant de s’assurer que le danger est bien caractérisé. C’est une démarche logique sauf que la parole de l’enfant est rarement créditée (il n’est pas cru = son témoignage ne suffit pas). Les preuves de violences psychologiques et même physiques figurent parmi les plus difficiles à obtenir.
De plus, même quand les victimes possèdent des attestations de professionnels, la Justice reste très sévère et joue la carte de la présomption d’innocence ou de l’absence de preuves. 73% des plaintes pour viol sur mineur sont classées sans suite. C’est difficile à entendre, mais seules 8% des victimes qui parlent seront protégées*.
Le parent protecteur n’a pas d’autres issues que de refuser de laisser son enfant dans les mains de son bourreau. Il commet donc le délit de non représentation d’enfant.
Le parent toxique porte plainte à son tour. Il se positionne comme la victime spoliée de ses droits parentaux. Or, dans le système judiciaire actuel, on cherche à maintenir le lien parental à tout prix. Le principe de précaution (ne pas laisser un humain dans une situation de danger potentiel) ne vaut rien face à un parent qui se plaint de ne pas voir son enfant, même si celui-ci l’accuse d’inceste, de violences psychologiques ou physiques.
Le parent toxique remporte très souvent la bataille juridique contre une NRE. Comble du cynisme, ce jugement est facilité par le fait que la plainte du parent protecteur soit déclarée sans suite !
La spirale infernale ne s’arrête pas là…
Si le parent protecteur insiste, porte à nouveau plainte ou fait appel, le parent toxique invoque très souvent le syndrome de l’aliénation parentale. Ce dernier est une invention de Gardner, un psychiatre véreux américain qui prétend que les mères (à 95%) lavent le cerveau de leurs enfants pour se venger du père et que les dits-enfants accusent ce parent également sans culpabilité.
Malgré une absence totale de démarche scientifique et malgré un discours favorable à la pédocriminalité, les propos dangereux et infondés de Gardner ont le vent en poupe dans la justice française.
Beaucoup d’avocats brandissent ce prétendu syndrome pour détourner les accusations de maltraitances sexuelles, mais aussi physiques, en tactiques (maternelles) pour priver les pères de leurs enfants.
Et à la fin, c’est le parent protecteur qui se retrouve sur le banc des accusés. La garde de l’enfant victime lui est retirée et ce dernier est confié au parent toxique ou placé en foyer…
Les parents protecteurs qui refusent de laisser leurs enfants à un humain malfaisant (fusse-t-il la ou le géniteur) n’ont pas d’autres choix que de devenir hors la loi. Ils préfèrent se retrouver en cavale que de sacrifier leurs petits.
La spirale infernale produit des enfants qui ne sont pas protégés, des parents protecteurs qui se retrouvent soit en prison soit en fuite…
Pourtant, ils ont réagit exactement comme on demande aux gens de faire :
– dénoncer les personnes violentes
– protéger les faibles.
Notre association souhaite réformer le délit de Non Représentation d’Enfant pour que la loi prenne en compte le principe de précaution.
Un enfant qui refuse catégoriquement d’aller chez un parent doit être entendu. Et on doit suspendre la garde des parents suspectés de violence envers leurs enfants.
Est-ce la fin des pensions alimentaires impayées ? Car, c’est officiel, à partir du 1er mars 2022, la caisse d’allocations familiales devient l’interlocuteur automatique entre les parents divorcés. Ce sera elle qui effectuera les versements / prélèvements des pensions alimentaires. L’objectif ? Prévenir les prévenir les impayés, soulager la pression financière et la charge mentale des plus démunis.
On le sait hélas, dans le cadre d’une séparation, les enjeux financiers sont souvent le lieu de chantage, d’intimidation et de non régularité. Les pensions alimentaires impayées sont une grande source de précarité et de poursuite des violences intra-familiales.
Le sujet des pensions alimentaires impayées : un poids énorme pour les victimes.
Actuellement, les victimes des situations d’impayés sont des femmes seules avec des enfants. Elles représentent 54% des dossiers de surendettement du fait d’un ancien conjoint qui ne règle pas la pension alimentaire.
Comme la caisse d’allocation familiale devient l’intermédiaire officiel, le débiteur devra payer à la CAF la pension prévue qui la reversera ensuite à l’autre partie.
Si le débiteur ne règle pas ce qu’il doit, la CAF verse une allocation minimale de 124€ à l’autre parent par mois et par enfant puis lance les démarches pour aller récupérer les sommes dues.
Ce service gratuit existait depuis janvier 2021 mais devait nécessairement être activé par une des parties. 73.000 familles avaient demandé à bénéficier de cette intermédiation, dont 61.000 qui avaient déjà connu des problèmes d’impayés. Désormais, il s’appliquera automatiquement aux divorces prononcés par un juge, sauf si les deux parents sont d’accord pour s’en passer.
La réforme sera étendue le 1er janvier 2023 à toutes les autres séparations impliquant des enfants mineurs (divorce par consentement mutuel ou titre exécutoire délivré par la CAF)
En France, près d’une pension alimentaire sur trois n’est pas correctement versée.
Désormais, ce sont la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et la Mutualité sociale agricole (MSA), deux organismes publics, qui vont prélever automatiquement la somme sur le compte du conjoint qui doit verser la pension alimentaire.
122 millions d’euros ont été budgétés cette année à cet effet, un montant qui doit atteindre 179 millions en 2025. Côté justice, 200 postes de greffiers supplémentaires ont été créés pour permettre la transmission des informations nécessaires aux caisses d’allocation familiale, a indiqué le cabinet du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.
Deux cas de figure pour en bénéficier :
Séparation depuis le 1er mars 2022 :
Vous divorcez devant un juge : vous n’avez rien à faire. Le service est mis en place automatiquement. Dès la pension alimentaire fixée, le greffe transmet la décision de justice à la l’aripa et la CAF prendra ensuite contact avec vous pour l’organisation.
Vous divorcez ou vous vous séparez sans juge : faites fixer la pension alimentaire dans un titre exécutoire et demandez à bénéficier de ce service directement sur le site www.pension-alimentaire.caf.fr
2 – Séparation avant le 1er mars 2022 :
Vous avez un dossier de recouvrement des pensions alimentaires en cours : vous n’avez rien à faire. L’Aripa vous contacte une fois que toutes les pensions impayées ont été récupérées pour vous proposer d’être l’intermédiaire pour le versement des pensions à venir.
Vous n’avez pas demandé d’aide au recouvrement des pensions alimentaires : pensez à faire fixer le montant de la pension alimentaire avant de réaliser votre demande d’intermédiation financière directement sur www.pension-alimentaire.caf.fr
Soulagement ou effet d’annonce ?
Forcément, on espère un soulagement pour les familles monoparentales de plus en plus nombreuses, dont 85% de femmes seules. Car quand on sait que les pensions constituent en moyenne 20% des revenus de ces « parents solo », on comprend les difficultés importantes en cas de défaillance.
Si cette réforme est réellement mise en place et soutenue par des moyens adéquats, on peut espérer la fin du poids administratif, financier et psychologique des impayés.
Avec le souhait supplémentaire que les parents qui refusent de payer soient poursuivis au lieu de s’en laver les mains en disant « c’est bon, tu as la CAF »…
Voici un nouveau témoignage d’une victime de violences conjugales qui peine à être entendue. Pourtant, à Limoges, Lise (tous les prénoms ont été changés) a bénéficié d’une ordonnance de protection. Mais quelques années plus tard, ses enfants ont été confiés à leur père, malgré sa condamnation pour violences conjugales, et alors que leur fils venait de dénoncer des maltraitances paternelles ! Le travail à la préfecture du papa n’y est sans doute pour rien…
L’histoire de Lise : témoignage d’une victime de violences conjugales
Lise connait Paulo depuis longtemps, ils ont des proches en commun. Ils se croisent à nouveau à Paris pour la fête d’anniversaire de ses 31 ans (à elle). Il a 11 ans de plus, apparaît cultivé et attentionné. Ils entament une relation à distance et partagent de très beaux week-ends tantôt à Paris, chez lui, tantôt à Lyon, où elle est en poste. Tout semble idyllique et elle se sent en confiance. Ils ont rapidement le projet de s’installer ensemble et de fonder une famille. Ils ont 33 et 44 ans quand ils se marient en 2009. Leur fils William naît en 2010.
Hélas, le comportement de Paulo a commencé à changer avant la naissance de l’enfant. Il s’énerve pour un rien et devient blessant et agressif à l’égard de Lise. Le jour de la naissance de William, il s’agace que l’accouchement prenne autant de temps et explique à Lise, sidérée et choquée, qu’il aurait mieux à faire ! Lise met cela sur le compte des changements liés à l’arrivée de leur enfant, et de son côté vieux garçon. Paulo ne supporte pas les pleurs de leur fils, il l’arrache brutalement des bras de sa mère pour le « calmer », et accuse Lise de ne pas « savoir y faire, d’être une mauvaise mère ».
Les dénigrements deviennent systématiques. Devant leurs amis et la famille, Paulo change les couches (ce qu’il ne fait jamais le reste du temps), et se présente comme un père attentif et un mari prévenant. Il est très convaincant quand il leur parle longuement des rendez-vous chez le pédiatre, auxquels pourtant il ne vient jamais ! A la maison, il se comporte en tyran.
Quand il va trop loin, il s’excuse, met cela sur le compte de sa fatigue, des transports, du travail…Il laisse passer quelques jours puis relance la roue de la violence verbale et psychologique. D’un commun accord, Lise et Paulo décident de déménager pour aller en province, avoir plus d’espace et un cadre de vie plus agréable. Lise espère que cela va permettre à Paulo de s’apaiser. Elle obtient sa mutation. Paulo ne la rejoindra qu’un an plus tard. Lorsqu’il vient voir sa femme et leur fils le week-end, il s’alcoolise et « fait ses crises ».
Un samedi de janvier 2013, il agresse physiquement Lise en la serrant au cou et menace de la tuer. Cela se passe devant William, qui a 2 ans et demi et qui crie. Le père lâche prise. Lise a eu très peur. William ne cesse de refaire le geste, en disant « papa colère ».
Lise va se réfugier dans sa famille avec son fils. Avant de partir, elle porte plainte au commissariat de Limoges, où elle est reçue plus que fraichement par la police : on lui explique que Paulo « est de la maison » : il est un ancien du secrétariat général d’administration de la police et travaille désormais au Cabinet du Préfet. « C’est embêtant, il ne vous a même pas frappée » lui explique le policier qui enregistre la plainte (certes… il a « juste » tenté d’étrangler Lise et l’a menacée de mort devant leur fils sic !). On n’envoie pas Lise à l’hôpital, où elle aurait pu faire établir un certificat médical pour les traces qu’elle porte au cou. Et elle est tellement choquée qu’elle n’y pense pas ! La brigadière chargée de l’enquête est embarrassée, elle conseille à Lise de retirer sa plainte : arguant que cette plainte va « gâcher la carrière de son mari » et briser une famille, « leur fils a besoin de son père »…
Paulo s’engage à aller voir un psychologue. Devant cette promesse, Lise retire sa plainte et retourne vivre avec son mari. Il s’apaise quelques temps, elle a l’impression d’avoir retrouvé l’homme dont elle était tombée amoureuse, et elle accepte le projet d’un second enfant. Il est difficile d’imaginer qu’on puisse s’être tant trompée sur l’homme qui partage votre vie et qui est le père de votre enfant. La puissance du déni sans doute… Gisèle naît au printemps 2014. Contrairement à ses promesses, Paulo n’a pas rencontré de psychologue pour travailler sur ses violences. Désormais, quand il rentre du travail le soir, il s’enferme à l’entresol de la maison avec ses bouteilles d’alcool.
Lorsqu’il en remonte, il lance les objets qui lui tombent sous la main et met la maison à sac. Lise doit tout ranger, s’occuper des enfants bien sûr, et les protéger du mieux qu’elle peut de l’impulsivité de leur père et de ses violences qui sont en train de devenir leur quotidien. Elle n’en fait jamais assez aux yeux de Paulo, qui lui cite sans cesse en exemple sa mère « qui, elle, ne s’asseyait jamais ». Lise ne l’a pas connue : lorsqu’elle a commencé à sortir avec Paulo, il venait juste de déménager du domicile de sa mère, morte quelques temps plus tôt.
Un soir d’octobre 2014, alors qu’elle s’est réfugiée sur son balcon avec les enfants pour échapper à une nouvelle crise de violence de Paulo, Lise prend la décision d’alerter ses voisins, qui contactent la police. Elle croise Paulo en partant, il la bouscule alors qu’elle a leur bébé dans les bras, il l’insulte et lui crache au visage, ainsi qu’à leur fils de 4 ans. Plus tard, lors des procédures judiciaires pour les droits de garde des enfants, les magistrats expliqueront à Lise que les violences « étaient de l’ordre du conjugal » et n’avaient rien à voir avec les enfants, et qu’il n’y a aucune raison de croire que Paulo ne peut pas être un bon père…
Une police complaisante
Le 17 octobre 2014, quand les policiers arrivent, Paulo leur explique qu’il travaille avec le Préfet. Malgré l’état de la maison, l’ébriété de Paulo, le témoignage des voisins et celui apeuré du petit garçon les policiers disent qu’ils n’ont pas assez de preuves. Néanmoins, ils contactent un médecin pour calmer Paulo, qu’ils ne souhaitent pas emmener en cellule de dégrisement au regard de ses fonctions ! Et les policiers conseillent à Lise de partir quelques jours avec ses enfants, « le temps que les choses s’apaisent ».
Lise fait rapidement les valises des enfants, et part chez ses parents, à Angoulême. William, qui a 4 ans, et qui n’a pas pu prendre avec lui les jouets que son père a cassés dans sa « crise », dit à sa maman : « Je suis bien triste de quitter ma maison comme ça ». A Angoulême, Lise dépose une main courante afin de ne pas être accusée d’abandon de domicile. Cette fois-ci des policiers bien formés la prennent en charge, au sein d’une Brigade de la famille, qui travaille en lien avec le centre hospitalier.
On la convainc de rassembler des preuves et de porter plainte. Lise rassemble des enregistrements audio dans lesquels le père de ses enfant la menace de mort et menace également de la priver de leurs enfants. Il y a également les mails d’insulte, que Paulo lui a envoyés de son adresse de messagerie portant la mention du Cabinet du Préfet avec les symboles républicains. L’ancienne compagne de Paulo accepte aussi de témoigner de sa double personnalité et de ses crises de violence, dont elle a elle aussi été victime (c’était avant qu’il sorte avec Lise). Elle atteste qu’il peut devenir dangereux très brusquement, comme lorsqu’il lui a mis une fourche sous la gorge. Elle conclut qu’elle « craint pour la sécurité des enfants s’ils sont laissés seuls avec lui ». Toutes ces preuves sont analysées et authentifiées.
Lise prend conscience qu’elle s’inscrit bien dans la réalité des femmes victimes de violences conjugales. Suite à sa plainte, elle est envoyée au centre hospitalier, qui établit un certificat médical avec un ITT de 10 jours. Parallèlement Lise s’assure que William soit pris en charge par un pédopsychiatre, qui diagnostique un stress post-traumatique. Il écrit le 27 novembre 2014 que William est « très envahi par les souvenirs traumatiques et la violence ». Quelques années après, les magistrats prendront le parti de considérer que c’est Lise qui projette ses propres souvenirs traumatiques des violences sur son fils, ce qui la rendrait « toxique » et « aliénante » pour ses enfants, selon l’approche que le père réussit à imposer dans les procédures liées à la garde.
Au début pourtant, Lise et ses enfants sont protégés par la justice. L’association SOS violence conjugales la soutient dans ses démarches, lui conseille de prendre un avocat et de demander une ordonnance de protection. C’est une mesure d’urgence, mais Lise – et ses enfants – devront attendre 2 mois cette ordonnance : à Limoges son dossier de plainte et l’intégralité des pièces ont disparu ! Le brigadier chargé de l’enquête doit renvoyer le dossier au Parquet. Pendant ce temps, Paulo met la pression sur Lise, alterne les courriels d’excuses et ceux d’intimidation, lui fait du chantage à la garde des enfants. Il téléphone à son travail et menace l’une de ses collègues, qui ne veut pas lui dire où est Lise. Il menace cette collègue, affirmant « qu’il a le bras long et qu’il peut ruiner sa carrière ». La supérieure hiérarchique de Lise atteste de ces pressions.
L’ordonnance de protection est délivrée le 6 janvier 2015, il y est inscrit que William a été témoin des violences. Lors de l’audience, la magistrate se permet cependant de reprocher à Lise d’avoir déscolarisé William (qui a 4 ans), pendant la période où elle s’est réfugiée chez ses parents dans l’attente de l’ordonnance ! En l’absence d’ordonnance de protection, si Lise avait continué à emmener William à l’école, le père pouvait savoir où ils vivaient, aller chercher l’enfant et l’utiliser comme outil de pression ! Tout au long des procédures qui vont suivre, Lise va se rendre compte que les magistrats auxquels elle a affaire ont bien du mal à comprendre les réalités concrètes que vivent les victimes de violences et leurs enfants après la séparation.
Suite à l’ordonnance de protection, Paulo n’a le droit de voir les enfants qu’en lieu neutre, sans autorisation de les sortir. Le Procureur porte la plainte au pénal. Paulo est condamné à 3 mois de prison avec sursis le 20 août 2015, mais obtient une exclusion de la mention de sa condamnation sur son casier judiciaire, « en raison de ses fonctions » (selon que vous soyez puissant ou misérable…). Afin de ne pas être suspectée de faire cela pour obtenir de l’argent, Lise n’a demandé, et obtenu, qu’un euro symbolique de dommages et intérêts pour les violences subies.
Pendant 3 ans, Paulo voit les enfants un samedi sur deux pendant 2h. Il n’entreprend aucun travail sur ses violences et continue à en être dans le déni, envoyant à Lise des courriels dans lesquels il continue à lui reprocher « son abandon du domicile conjugal sous des prétextes fallacieux » ! Lise demande le divorce. Pour statuer sur les droits de garde, le Juge aux affaires familiales (JAF) ordonne un bilan psycho-social. C’est à partir de là que la situation va connaître un total revirement, au détriment de Lise, de ses enfants, et de leur protection.
Double peine des victimes de violences conjugales
Le psychologue chargé du bilan psycho-social ne connaît manifestement rien aux violences conjugales et explique à Lise que les violences psychologiques ne sont pas graves, et qu’elle n’a « même pas été battue » (juste insultée, étranglée et menacée de mort devant son enfant de 4 ans !). Il lui dit même que « cela n’était pas si grave puisque vous avez eu un deuxième enfant avec cet homme », sans prendre en compte le fait que dans les violences domestiques les cycles de violence alternent avec des périodes dites « de lune de miel ». Durant ces périodes, l’auteur des violences promet de changer et se montre particulièrement charmant, c’est précisément cette alternance qui permet de déstabiliser psychologiquement leur conjointe voire de la culpabiliser (« il fait des efforts pour changer, je dois l’aider ») et de renforcer leur emprise, surtout quand elle est épuisée, en manque de sommeil, et de plus en plus isolée de sa famille et de ses amis.
D’ailleurs Paulo ne supporte pas la famille de Lise, ne supporte pas qu’elle aille voir ses parents avec les enfants. Il dit régulièrement à Lise qu’elle a « une famille de cons », qu’elle ne « peut rien faire sans ses parents » et menace de « faire la peau » à ces derniers, comme en atteste un enregistrement d’une des crises de violence de Paulo. A l’appui de ces éléments, Paulo a eu interdiction d’approcher de ses beaux-parents dans le cadre de l’ordonnance de protection du 6 janvier 2015.
Pour en revenir au psychologue chargé du bilan pour les droits de garde, il décrète dans son rapport que le père ne présente aucune dangerosité avec les enfants – alors qu’il n’a même pas vu Paulo en présence de ses enfants dans le cadre de ce bilan… Il ne tient compte ni du témoignage de l’ex-compagne de Paulo, qui avait attesté de sa personnalité violente et inquiétante, ni de la condamnation pénale qu’il considère comme « des problèmes de couple » n’ayant rien à voir avec les droits de garde. Pire, en mentionnant les événements liés aux violences conjugales et à la personnalité de Paulo, Lise est accusée de « tenir un discours à charge contre le père » (ce sont là les termes du bilan psycho-social).
C’est un tournant : Lise et ses enfants vont faire les frais de la théorie de la « mère aliénante », qui permet une totale inversion des rôles. Paulo va désormais se présenter comme la victime, victime d’une ex-conjointe et de beaux-parents qui « dénigreraient son image et sa place de père auprès de leurs enfants », et il va réussir à imposer cette version auprès des professionnels judiciaires de Limoges.
Lise est effarée par la violence sexiste qui est à l’œuvre dans ce bilan. Pour les protéger, ses enfants et elle, Lise a quitté le domicile conjugal, porté plainte, demandé et obtenu une ordonnance de protection, rassemblé des preuves des violences subies, affronté un procès pénal. Elle n’imaginait pas que ce n’était là que le début du combat, et que le plus dur l’attendait !
En 2017, à l’appui du rapport du psychologue, le père saisit le Juge des enfants en dénonçant une entreprise d’aliénation de ses enfants par leur mère et leurs grands-parents maternels. Le Juge des enfants ne souhaite pas prendre en compte les éléments liés à la condamnation du père pour violences conjugales, ni le fait qu’il avait menacés de mort Lise et ses parents, et qu’il lui avait fait interdiction de les approcher dans le cadre de l’ordonnance de protection du 6 janvier 2015.
Deux après cette ordonnance de protection et la condamnation pénale du père de ses enfants, Lise va découvrir que les magistrats considèrent que «les violences domestiques, c’est de l’histoire ancienne », « des problèmes de couple, qui n’ont rien à voir avec les enfants ». C’est à elle qu’on reproche de ne pas évoluer dans l’image qu’elle a du père de ses enfants. Lui peut impunément lui écrire, de son adresse de messagerie du Préfet, pour lui reprocher « son abandon du domicile conjugal sous des prétextes fallacieux » ! C’est pourtant la preuve qu’il n’a pas accepté sa condamnation pénale ni travaillé sur ses violences, mais les magistrats ne semblent pas vouloir s’intéresser à ces aspects.
Lise découvre que face au discours du père de ses enfants, sa parole pèse bien peu. Pire même, le fait d’avoir été victime de violences domestiques joue contre elle et contre la protection de ses enfants, puisqu’on va la suspecter d’être trop « imprégnée de ses souvenirs des violences » et « dans un combat contre le père », quand elle va dénoncer les maltraitances dont est victime William, leur fils de 8 ans. La théorie de la mère aliénante va également permettre de disqualifier la parole de l’enfant. Implacable. Pourtant un certificat médical hospitalier atteste des lésions que présente William le 30 octobre 2018, au retour d’un droit de visite des enfants chez leur père : « 9cm x 5cm sur la joue gauche, 3cm x 4 cm au creux susclaviculaire gauche, 4x 1cm au susmamaire droit, 1cm x 0,5 au scapulaire droit et à l’auxiliaire gauche, ainsi que des lésions devant et à l’arrière du cou ».
William et Gisèle ont passé la journée avec leur père. Lorsqu’il les ramène, William a un nouveau T-shirt, il ne parle pas et part directement s’enfermer dans sa chambre. Cela ne lui ressemble pas. Lise est perplexe. Au moment où elle lui demande d’aller se doucher, William s’effondre dans ses bras et lui montre les blessures qu’il a au cou, à la joue et au torse. L’enfant lui explique que son père a bu des verres d’alcool le midi, qu’après il s’est énervé, l’a poursuivi, empoigné par le T-shirt – qui s’est déchiré, – l’a serré au col, soulevé du sol, fait retomber et giflé. Et tout cela devant la petite sœur, Gisèle (qui a 4 ans). Le père est ensuite aller acheter un nouveau T-shirt à William.
Les blessures que présente son enfant correspondent aux violences qu’il décrit. Lise l’emmène immédiatement aux urgences pédiatriques de l’Hôpital mère-enfant de Limoges. Le médecin établit un certificat médical de 15 lignes avec une ITT de 8 jours, attestant des lésions et de leur envergure.
Dès le lendemain matin, et à l’appui de ce certificat médical, Lise va porter plainte au Commissariat central de Limoges. William est entendu à la Brigade des mineurs. Des photos de ses blessures sont prises. Ces violences ont eu lieu alors qu’une action éducative, ordonnée par le Juge des enfants, est en cours depuis plusieurs mois, et ce afin de « favoriser les contacts père-enfants ». L’éducatrice chargée de cette mesure a prôné un élargissements des droits de garde du père, qu’elle présente comme structurant envers les enfants. Juste avant les événements du 30 octobre 2018, cette éducatrice écrit dans son rapport que William est « très à l’écoute des consignes de son père et acceptant les limites posées par celui-ci ». Le père lui va reconnaître s’être énervé et avoir empoigné William par le T-shirt ce 30 octobre 2018, « parce qu’il refusait de lui obéir » !
Le père évoquera des « violences involontaires » lorsqu’il a empoigné William par le col et déchiré son T-shirt. C’est la version que retiendront les magistrats. Et la plainte sera classée. Cette plainte va même se retourner contre Lise, qui va être culpabilisée d’avoir osé « dénigrer l’image du père » en dénonçant ses violences. Et on va le lui faire payer très cher ! Jusqu’alors Lise était décrite comme une mère « chaleureuse et investie auprès de ses enfants » dans les rapports du service éducatif, qui va désormais la présenter comme « très engagée dans le conflit et la disqualification du père ».
Lise a informé l’éducatrice des événements du 30 octobre 2018 et de son dépôt de plainte. L’éducatrice les convoque dans les locaux du service éducatif, William et elle. Devant l’enfant, elle explique à Lise que « William s’est sûrement fait cela tout seul » et qu’elle « n’aurait pas dû se précipiter pour aller porter plainte et en parler », qu’elle « aurait dû en parler d’abord avec le père qui a sûrement de bonnes explications » ! William est profondément choqué que l’éducatrice ne le croit pas. L’éducatrice écarte le certificat médical hospitalier qui appuie la parole de William. Lise apprendra que l’éducatrice n’a d’ailleurs pas transmis ce certificat au Juge des enfants. L’éducatrice n’hésite pas à culpabiliser Lise : en emmenant son fils aux urgences et à la Brigade des mineurs, elle contribuerait à le « traumatiser » et à diffuser une image inquiétante de son père !
Lise découvre, sidérée, que l’image paternelle semble compter beaucoup plus pour cette éducatrice que la parole de l’enfant et l’origine des blessures de plusieurs centimètres qu’il présente autour du cou, au torse et à la joue. Le service éducatif, chargé de la sauvegarde de l’enfance, va en réalité œuvrer à la protection des intérêts et de l’image du père violent ! William ne veut plus aller chez son père et supplie Lise de ne pas l’y envoyer dans le cadre des droits de visite qui suivent ces événements. Quel parent aurait continué à confier ses enfants, après avoir vu des blessures de cette envergure sur son fils ? D’autant que, durant cette période où Lise ne présente pas les enfants au père, la pédopsychiatre de William écrit que l’enfant s’apaise et progresse bien.
Le 16 novembre 2018, Lise écrit au Procureur de la République pour l’alerter sur la situation. Elle ne recevra jamais de réponse à ce courrier. En revanche le Procureur sera présent à l’audience que convoque le Juge des enfants, alerté par l’éducatrice sur la non représentation des enfants à leur père. Il est exceptionnel que le Procureur soit présent à ce type d’audience. Il est là pour tenir un discours de minimisation de la condamnation du père pour violences conjugales, et de leur impact sur les enfants. Il n’hésite pas à affirmer – c’est dans le jugement – que les violences ont eu lieu « hors la présence des enfants » (malgré les témoignages des voisins, le certificat établi par le pédopsychiatre attestant que William est imprégné de souvenirs traumatiques des violences, le courriel que le père lui-même avait envoyé à Lise de son adresse de messagerie du Cabinet du Préfet et dans lequel il reconnaît ses « colères devant William »…).
Quant au certificat médical hospitalier du 30 octobre 2018, le Procureur le fait écarter, considérant que le père est présumé innocent. William est entendu par le Procureur et par le Juge des enfants. La parole de l’enfant, quand il explique que « son père lui a fait mal » n’est pas plus prise en compte que le certificat médical hospitalier.
En revanche, les magistrats considèrent que Lise porte gravement atteinte aux droits et à l’image du père, en dénonçant des violences et en ne lui présentant pas les enfants ! Cela ferait d’elle une mère « toxique » et aliénante ». Dans le jugement, on lui reproche aussi d’avoir « une conception militante de la protection de ses enfants ». On lui reproche même d’avoir « déscolarisé » William pour l’emmener à la Brigade des mineurs, alors que c’était pendant les vacances scolaires d’automne !
Victime du corporatisme de son ex mari violent
Lise fait l’expérience que tous les arguments sont bons pour culpabiliser une mère qui a osé dénoncer des maltraitances paternelles. William et Gisèle vont être confiés à leur père, et ce malgré sa condamnation pour violences conjugales, malgré le certificat médical attestant des lésions que présentait William au retour d’un droit de visite au domicile paternel, malgré la parole de l’enfant… La justice opère même une compète inversion des rôles par rapport au temps de l’ordonnance de protection : le Juge des enfants décide que Lise ne pourra voir ses enfants qu’en lieu médiatisé, en présence de l’éducatrice, le temps de bien comprendre que dénoncer les maltraitances du père de ses enfants fait d’elle une mère « toxique et aliénante ».
Peu de cas semble être fait, en revanche, de l’image qui est véhiculée de la mère dans ces décisions judiciaires. Et ni les éducateurs ni les magistrats ne s’intéressent à ce que William et Gisèle ont compris de la situation. Lorsque William voit la campagne d’information sur la lutte contre les violences faites aux enfants, il demande pourquoi les juges ont décidé de les envoyer chez leur père, sa sœur et lui, alors qu’il avait dit ce que son père lui avait fait… Quelques semaines après avoir été brutalement séparée de sa mère, Gisèle développe un eczéma sévère. A l’école, la dame chargée de surveiller la cantine et les récréations s’inquiète car Gisèle est triste, reste dans son coin, et réclame sa maman. Mais elle refuse d’en témoigner dans une attestation judiciaire, car le père est membre du Cabinet du Préfet, et elle ne veut pas avoir de problème…Dans ses rapports, l’éducatrice affirmera que le transfert de la garde des enfants au père s’est très bien passé.
Dès 2016, le 5ème Plan de lutte contre les violences faites aux femmes soulignait le caractère médicalement infondé de la théorie de l’aliénation parentale, et les graves conséquences de l’utilisation de cette approche. Il était demandé aux professionnels de la proscrire. Mais à Limoges, les professionnels auxquels Lise a affaire lui expliquent que c’est une recommandation trop « militante », qui ne fait pas partie de leurs outils… Cela permet sans doute de comprendre le positionnement qu’ils ont adopté.
Du temps de leur vie commune et au moment où Lise a fuit ses violences, Paulo n’hésitait pas à utiliser les enfants comme moyens de chantage et de pression. Il a désormais obtenu leur garde, et entend « faire payer » à Lise ce qu’il nomme son « abandon du domicile conjugal sous des prétextes fallacieux ». Lorsqu’il lui envoie ses reproches, c’est de son adresse de messagerie du Cabinet du Préfet, et en mettant en copie les éducateurs.
Mais ni les éducateurs ni les magistrats ne souhaitent, semble-t-il, envisager que le père puisse faire de la garde un outil de vengeance et de poursuite de son emprise, après la séparation. Il est apparemment hautement subversif d’imaginer cela de la part d’un père, de surcroît membre du Cabinet du Préfet. Pourtant de nombreux faits attestent que Paulo œuvre à disqualifier Lise auprès des professionnels du service éducatif. Il écrit aux éducateurs pour se plaindre que Lise aurait « fait une scène » à la fin du cours de judo de William, qu’elle se serait « roulée par terre » devant les autres parents et aurait refuser de lui rendre Gisèle. Il ne joint aucune attestation de témoins.
Lise doit demander au moniteur de judo de démentir ces accusations et de rétablir la vérité, ce qu’il fait dans une attestation judiciaire. Qui ne sera jamais citée ni dans les rapports des éducateurs ni dans les jugements. Dans cette attestation, le moniteur de judo souligne que c’est le père qui s’impatientait et supportait mal les marques d’attachement de Gisèle à sa mère… Suite à cet incident, qu’il a donc créé de toutes pièces, le père n’emmènera plus les enfants à leurs activités extra-scolaires.
Il reproche ensuite à Lise la prise en charge thérapeutique de leur fils et affirme sa volonté de « sortir » William de son suivi pédopsychiatrique. Dans un courriel dont les éducateurs sont en copie, il se présente comme celui « qui guide les enfants vers leur liberté »… Il se vante « d’accorder gracieusement » à Lise « le droit de voir leurs enfants » pour la Fête des mères en 2019, et lui refuse – moins gracieusement – en 2021. A l’hiver 2021, les enfants appellent Lise jusqu’à 12 fois par week-end lorsqu’ils sont chez leur père. Ils réclament leur mère, ils lui demandent aussi où elle est et avec qui. Les éducateurs demandent alors au père de ne plus laisser le téléphone aux enfants, en dehors des rendez-vous téléphoniques mère-enfants.
Et les magistrats, à l’appui des rapports du service éducatif, reprochent à Lise d’être « dans un combat contre le père », lorsqu’elle s’inquiète des comportements de contrôle et d’emprise de Paulo. Le psychologue-référent auprès de la protection de l’enfance, que Lise a demandé à rencontrer, atteste qu’elle n’a pas du tout le profil d’une mère aliénante. Ce courrier, en date du 22 mars 2019 est transmis aux éducateurs et aux magistrats ; il n’est pas cité dans les jugements.
En janvier 2020, lors d’un de ses week-ends de garde, Lise voit que William porte un énorme bleu au bras. William lui explique que le mercredi précédent, son père s’est énervé parce qu’il avait vomi dans sa voiture. D’après les dires de l’enfant, son père lui a serré le bras très fort en le traitant de « salaud ». Mais il demande de ne surtout pas en parler, car « papa serait très en colère ».
Lise fait un signalement auprès de la responsable du service éducatif, en insistant sur la peur exprimée par William. L’éducatrice parle de ce bleu avec l’enfant au domicile du père et en présence de celui-ci ! William se sent trahi, il dit à sa mère qu’il ne parlera plus jamais aux éducateurs de ce qui se passe chez son père ! Lise se plaindra de ne pas avoir de retour du service éducatif concernant son signalement. La cheffe du service éducatif lui expliquera alors que l’énorme bleu et les insultes faits à William sont le « signe d’un père en souffrance ». Toujours cette logique d’inversion des rôles : les professionnel s’intéressent à la « souffrance » de l’auteur des violences, pas à celle de l’enfant maltraité ! Le Juge des enfants, lui, reprochera à Lise de s’inquiéter au moindre bleu.
William et Gisèle, entendus par le Juge des enfants le 8 décembre 2020 se plaignent des « cris et des propos rabaissants » auxquels ils sont exposés au domicile paternel, et de ce que le Juge des enfants nomme pudiquement les « réactions excessives » du père. Les éducateurs n’avaient pas fait état de ces éléments dans le rapport remis au Juge des enfants quelques jours plus tôt. Ils avaient considéré que les enfants étaient « globalement apaisés au domicile du père ». Avant la remise de leur rapport au Juge, le père avait pris soin d’écrire aux éducateurs, pour affirmer que les enfants étaient avec lui « dans une belle dynamique, apaisés et sereins » (Ce courriel est envoyé de son adresse de messagerie du Préfet, avec les symboles républicains).
Les éducateurs expliqueront ensuite à Lise que les « cris, propos rabaissants et réactions excessives » sont « inclus dans le ‘globalement’, lorsqu’ils écrivent que « les enfants sont globalement apaisés au domicile du père » ! Ils lui expliquent également que « cela fait partie du style éducatif paternel ». Le Juge des enfants considère d’ailleurs que le père progresse, et que cela justifie de renouveler pour une quatrième année la mesure éducative.
La situation d’Lise et de ses enfants relève de TOUT ce qui a été dénoncé dans le rapport des experts du Conseil de l’Europe (GREVIO) concernant la France : le transfert de résidence des enfants au domicile du père condamné pour des violences conjugales, l’absence de prise en compte de la parole des enfants et des raisons de leur non représentation au père, la disqualification de la mère qui se voit restreindre ses droits de garde au profit de l’auteur des maltraitances.
Ce rapport est paru en 2019, au moment où Lise a fait appel de l’ordonnance judiciaire qui a confié ses enfants à la garde principale du père. Lise vient juste d’avoir la décision de la Cour d’appel de Limoges, en ce début 2022 (au bout de plus de 2 ans d’attente). William a demandé à être entendu par les magistrats de la Cour d’appel et s’est prononcé en faveur d’un changement du système de garde ( c’était le 24 juin dernier, il avait alors presque 11 ans). Mais la Cour d’appel n’a pas souhaité remettre en cause le système de garde et a même condamné Lise à payer des dommages au père, au titre de la multiplication des procédures à son égard ! Quelle idée aussi de dénoncer ses violences et d’oser chercher à les faire protéger, elle et ses enfants ! La jurisprudence ainsi créée est inquiétante, et profondément contraire aux recommandations visant à mieux protéger les femmes et les enfants victimes de violences !
Pour certains magistrats, il semble qu’une « bonne mère » soit une femme qui se tait. En dénonçant des violences, elle peut être accusée de dénigrer l’image du père et d’alimenter le conflit parental, et se voir durablement restreindre l’accès à ses enfants. Ce jugement de la Cour d’appel de Limoges apparaît comme une douloureuse et choquante illustration de ce que le Parlement européen dénonce dans sa résolution du 6 octobre 2021 : des « décisions prises contre la mère », qui ne tiennent pas compte de la « continuation du pouvoir et du contrôle » sur leur ex-conjointe par des pères auteurs de violences.
Entre temps, l’avocate de Lise a tenté de faire rouvrir la plainte concernant les violences qu’avaient subies William le 30 octobre 2018. La plainte étant classée par le Procureur, elle écrit au Procureur général pour lui demander de réexaminer les faits. On est en juillet 2019. Le Procureur général ne répondra qu’en novembre 2020, expliquant que le dossier s’est perdu (comme cela avait le cas de la plainte qu’avait déposée Lise en 2014 pour violences conjugales). L’avocate de Lise a heureusement gardé une copie du dossier qu’elle renvoie aux services du Procureur général. Il répond au début de l’année 2021 qu’il n’entend pas rouvrir la plainte, considérant qu’il s’agit de « violences involontaires ». C’est donc de nouveau et toujours la version du père, qui est retenue. En effet, ce dernier reconnaît seulement avoir poursuivi William, l’avoir empoigné et lui avoir déchiré son T-shirt. Cela n’explique pas les lésions de plusieurs centimètres que l’enfant présentait autour du cou, au torse et à la joue, lésions constatées dans le certificat médical hospitalier, que les magistrats écartent apparemment volontiers de leur approche de la situation.
Lise est épuisée par ce combat, qui dure depuis 7 années et dans lequel elle a également laissé toutes ses économies : depuis son ordonnance de protection, elle a dépensé plus de 23 000€ en factures d’avocat. Elle envisage de vendre sa voiture pour se pourvoir en cassation. Cela fait plus de 6 ans qu’elle a demandé le divorce pour faute, suite à la condamnation pénale de son ex-conjoint et père de ses enfants. Pour l’instant elle n’a eu qu’un euro symbolique de dommages et intérêt pour les violences subies.
Parallèlement, elle a constitué un dossier pour saisir le Défenseur des droits de l’enfant, qui a affirmé des engagements forts concernant la lutte contre les violences sur mineurs et la prise en compte de leur parole.
Les Centres Médiatisés, également désignés comme « Espaces neutres », sont des structures où parents et enfants peuvent se rencontrer, sous le contrôle de médiateurs, qui sont là pour garantir l’application des décisions de justice mais également veiller à la sécurité de tous.
Les personnes accueillies sont principalement des familles dans des situations de conflits conjugaux. Alors le temps que les choses évoluent en mieux, c’est dans ces espaces que les membres de ces familles se croisent et se parlent.
Ces familles y sont dirigées souvent par un Juge aux affaires familiales et leur accueil ne dépasse pas 6 mois, renouvelable une fois. Il s’agit donc d’une médiation temporaire. Nous ne remettons pas en question cet aspect des centres médiatisés, dans ce cadre précis.
En revanche, cet accueil qui est vertueux pour une famille dont les parents sont dans une situation de conflit post séparation ne l’est PAS DU TOUT dans le cadre où il existe de la violence intra-familiale.
Les centres médiatisés apportent de la violence supplémentaire
En effet, quand le juge suspecte un danger potentiel au cours de son enquête, confronter un enfant, même une heure, au parent qu’il accuse de comportements malfaisants est très dommageable psychologiquement et également dangereux, même pour l’autre parent. Or c’est une réalité bien trop courante. Les enfants qui dénoncent un parent violent se voient contraints de revoir ce dernier dans les centres médiatisés. La situation n’est pas réglée, leur peur est toujours très présente… Pourtant on les oblige à recroiser la personne qui les a maltraités.
Jamais on obligerait une victime d’agression ou de viol à aller rencontrer son agresseur toutes les semaines. L’intérêt DE l’enfant doit primer sur le droit A l’enfant !
On le sait, un adulte violent ne peut pas être un bon parent. On aimerait bien que ce soit le cas, mais l’histoire de la violence intra-familiales prouve l’inverse. Et aucune rencontre parent/enfant en centre médiatisé ne changera cela, par magie. Seul un travail psychanalytique long et profond peut briser le cycle de la violence. Les visites imposées par la Justice ne font qu’apporter d’autres traumatismes et rajoutent à la violence déjà subie.
Les enfants ont déjà payé. Continuer de leur demander l’obéissance et le respect envers leur parent toxique, c’est de la maltraitance psychologique, juridique, de l’âgisme, de la discrimination et un manque cruel d’humanité. C’est nourrir un dogme éculé sur le besoin de maintenir un lien parent enfant à n’importe quel prix. Non. Le droit à la parentalité ne peut être supérieur à ses devoirs. Le parent violent “mériterait “ ces visites dont on ne peut pas le priver!!! Ses droits sont inaliénables, inscrits dans le marbre tandis que ses enfants n’ont pas d’échappatoire. Ils doivent subir, subir et re-subir.
Même dans les cas de violence avérée, où la justice a tranché et a mis l’autre parent sous protection, les enfants doivent encore rencontrer le parent violent. Si on protège l’autre parent, alors les enfants doivent également être protégés. Pourquoi on interdirait un parent d’approcher l’autre parent mais on l’autoriserait à voir ses enfants et maintenir son emprise ?
Neutres, vraiment ?
De plus, les centres médiatisés ne sont pas des lieux neutres. Bien au contraire, ils ont du pouvoir car ils font partie des rouages de la justice. Ils peuvent émettre un rapport destiné au Juge aux Affaires Familiales. Dans celui-ci, les médiateurs rédigeront un compte rendu détaillé du déroulement des visites, des éventuels dysfonctionnements, des améliorations constatées… Et c’est à partir de ce rapport que le juge, souvent débordé, rendra son jugement et prendra des décisions cruciales. Ils sont l’oeil du Juge et leurs propos ont un grand pouvoir d’aide à la décision.
Or les médiateurs ne sont pas assez bien formés. Ils manquent d’expertise sur les mécanismes d’emprise, de manipulation ou sur les mécanismes de contrôle coercitif. Pas de chance, c’est justement le point fort des parents violents ou incesteurs.
Nous ne comptons plus les rapports des médiateurs expliquant au juge que le parent toxique semble très gentil, très aimant alors qu’ils dénoncent le parent protecteur comme… surprotecteur. Ce dernier finit par devoir prouver son innocence, gérer ses enfants paniqués qui ne veulent pas venir, éviter de croiser l’autre parent qui les effraie tous, faire comprendre qu’il est le parent qui protège… Mission presque impossible, surtout quand on est déjà bien fragilisé, qu’on a perdu ses repères et sa confiance en soi. Et quand en face, on a des gens manipulés car pas du tout formés à l’emprise.
La France est en retard sur les bonnes pratiques pour protéger l’enfant et le parent victimes notamment dans le cadre de l’appréhension de la violence intra-familiale. Plusieurs pays européens ont ratifié la Convention d’Istanbul depuis des années. Celle-ci exige des juges de prendre en considération tout incident connu de violence domestique lors de la décision des droits de garde ou de visite ET de donner la priorité à la sécurité des victimes de violence. En Espagne, la loi de juin 2021 interdit tout droit de visite à un parent condamné pour violence. Suivons son exemple !
Nous demandons la fin des espaces neutres pour les familles au cœur de violences intrafamiliales, car en matière de protection de l’enfance, la neutralité pénalise toujours les victimes.
Il faut prendre parti et se placer du côté des victimes. Les centres médiatisés doivent devenir des espaces protecteurs, qui prennent en compte la dangerosité physique et psychologique du parent toxique. Les professionnels formés à l’emprise et au contrôle coercitif pourront annuler les visites en cas de souffrance ou d’instrumentalisation de l’enfant.