Qu’est-ce que l’inversion des responsabilités ?
Chaque fois qu’on aborde le sujet des violences intrafamiliales, on rencontre un phénomène tristement universel : la mise en accusation des victimes. Ce mécanisme repose sur deux ressorts puissants. D’une part, une volonté d’esquiver une vérité insupportable : il n’y a aucun moyen infaillible de se protéger de la violence dans le cercle familial. D’autre part, une soumission à un ordre établi, qui considère la violence comme un fait normalisé, intouchable.
Cette inversion des responsabilités est un héritage millénaire. Elle renforce l’idée que si une femme ou un enfant subit des violences dans son foyer, c’est qu’ils n’ont pas su prévenir, fuir ou réagir : « Pourquoi n’est-elle pas partie ? Pourquoi n’a-t-il pas parlé ? Était-ce si grave ? N’as-tu pas, d’une certaine manière, déclenché sa colère ? »
Ces questions, posées aux victimes, traduisent une logique qui dédouane systématiquement l’agresseur.
Ce dernier, on le sait pourtant, agit en pleine conscience, profitant de son pouvoir, de son impunité, de l’intimité du foyer et des mécanismes d’intimidation pour exercer son emprise.
La culpabilité des victimes est alimentée par un discours de résignation. On leur fait croire qu’elles auraient dû mieux prévoir, mieux réagir ou mieux fuir. Mais est-ce vraiment aux victimes de se contorsionner à l’infini pour éviter la violence ?
Pourquoi ne questionnons-nous pas les agresseurs ? Pourquoi n’imposons-nous pas à ceux qui nuisent un changement de comportement ?
Les violences intrafamiliales ne sont pas des accidents ; ce sont des actes délibérés de domination et de dévalorisation, perpétrés par des individus en position de force. C’est une guerre silencieuse menée dans l’espace supposé être celui de la sécurité.
Comme le dit Mona Chollet dans Résister à la culpabilisation (1), il est plus facile de supposer que la victime a « déconné » plutôt que d’accepter que personne n’est à l’abri. Accepter cette réalité serait trop dérangeant, car cela signifierait remettre en cause un ordre établi où l’agresseur, qu’il soit conjoint, parent ou proche, reste intouchable.
Inverser cette logique revient à bouleverser des siècles de domination : remettre en question le droit du plus fort, demander des comptes à celui qui choisit d’agresser plutôt que de scruter la conduite de sa victime. C’est une révolution nécessaire, mais épuisante, car elle défie des schémas profondément enracinés.
En 2025, l’espace familial, comme tout autre lieu, devrait être un endroit où chacun peut évoluer en sécurité et en sérénité. Il ne devrait pas être nécessaire de « se défendre » pour exister.
La honte et les interrogations doivent changer de camp : elles appartiennent aux agresseurs, et à eux seuls. Il faut Mettre fin à l’inversion des responsabilités dans les violences intrafamiliales.
Ensemble, construisons un monde où la sécurité et le respect deviennent la norme, y compris – et surtout – au sein des foyers.
(1) Résister à la culpabilisation
Sur quelques empêchements d’exister
Mona Chollet
Harcèlement, humiliations, insultes : nous sommes bien averti.es de ces fléaux de la vie en société et nous nous efforçons de lutter contre eux. Mais il y a un cas de figure que nous négligeons : celui où l’agresseur, c’est… nous-même. Bien souvent résonne dans notre tête une voix malveillante qui nous attaque, qui nous sermonne, qui nous rabaisse ; qui nous dit que, quoi que nous fassions, nous avons tort ; que nous ne méritons rien de bon, que nous présentons un défaut fondamental. Cette voix parle particulièrement fort quand nous appartenons à une catégorie dominée : femmes, enfants, minorités sexuelles ou raciales…
Ce livre se propose de braquer le projecteur, pour une fois, sur l’ennemi intérieur. Quels sont ces pouvoirs qui s’insinuent jusque dans l’intimité de nos consciences ? Comment se sont-ils forgés ?
Nous étudierons quelques-unes de leurs manifestations : la disqualification millénaire des femmes et, notamment, aujourd’hui, des victimes de violences sexuelles ; la diabolisation des enfants, qui persiste bien plus qu’on ne le croit ; la culpabilisation des mères, qui lui est symétrique ; le culte du travail, qui indexe notre valeur sur notre productivité ; et enfin la résurgence de logiques punitives jusque dans nos combats contre l’oppression et nos désirs de changer le monde.
Vous pouvez trouver d’autres ressources sur ce site, ainsi que des témoignages. Vous pouvez également visualiser les préconisation de la CIIVISE. Il faut appliquer le principe de précaution « je t’écoute, je te crois, je te protège ». Et bien connaitre les stratégies des agresseurs afin de pouvoir les contrer. Les politiques doivent placer les droits de l’enfant comme une politique publique prioritaire, il y a urgence, tant d’enfants sont en grande souffrance. Et il faut protéger leur parent protecteur, souvent victime également.