« La maltraitance subie dans l’enfance laisse des traces durables et à l’âge adulte, ce passé impacte notre vie d’une façon ou d’une autre.
Nous projeter en relation avec des enfants voire en tant que parents peut soulever de multiples questionnements. Est-ce que je vais savoir faire ? Est-ce que je ne risque pas de transmettre de mauvaises choses ? La société fait peser tellement d’injonctions sur les adultes, dont les (futurs) parents que cela peut générer en nous angoisses et conflits.
En tant qu’ancienne victime de maltraitance, portant un regard critique sur les violences que j’ai subies, rien n’est plus important pour moi que de protéger les autres et parmi eux, les plus vulnérables, les enfants. Les adultes conscients des violences, les connaissant de l’intérieur et qui ne sont pas aveuglés par le déni, sont une mine de richesses. Leur connaissance leur permet de les dévoiler et les faire entendre pour qu’elles ne passent plus inaperçu. Ils doivent devenir des adultes protecteurs et lutter contre l’impunité.
Grâce à de nombreux ouvrages et à un travail thérapeutique en profondeur sur mon histoire, j’ai trouvé des ressources pour accompagner mes enfants avec bientraitance et les protéger des violences sous toutes leurs formes.
C’est un travail de tous les jours, surtout sur soi-même. Souhaitant partager mon expérience, je vous propose une liste d’ouvrages qui m’ont aidée tant dans ma parentalité que dans mon évolution personnelle, ainsi qu’un lien vers mon autobiographie. Je vous souhaite de pouvoir trouver des outils qui pourront vous aider au mieux, pour vous et votre entourage. »
Plume
ALVAREZ Céline « Les lois naturelles de l’enfant » Collection Proche, Paris, 2022
ANCELIN SCHÜTZENBERGER Anne « Aïe, mes aïeux ! » Éditions Desclée de Brouwer, 16è édition, 2015
FAVRE Daniel « Cessons de démotiver les élèves » Éditions Dunod, 3è édition, 2020
GUEGUEN Catherine « Pour une enfance heureuse » Éditions Robert Laffont, édition 2015
LAPORTE-DAUBE Sarah« Après la maltraitance, se libérer des blessures de l’enfance » Les Éditions de l’Homme, 2019
MILLER Alice « C’est pour ton bien, racines de la violence dans l’éducation de l’enfant » Éditions Flammarion, Collectoin Champs, édition 2015
MOLINIER Pascale « L’énigme de la femme active, Égoïsme, sexe et compassion » Éditions Petite Bibliothèque Payot, 2006
ROSENBERG Marshall B. « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) » Éditions La Découverte, édition 2016
SALMONA Muriel « Le livre noir des violences sexuelles » Éditions Dunod, 3è édition, 2022
TISSERON Serge « Vérités et mensonges de nos émotions » Éditions Albin Michel, 2005
Et le livre autobiographique de Plume, ancienne enfant victime de maltraitance
En 2014, Liza et Tom se rencontrent dans le cadre professionnel. Liza est infirmière en santé au travail et Tom est pompier industriel dans la même entreprise.
Au début, Tom est charmant, attentif et à l’écoute, partageant des intérêts communs avec Liza tels que le jazz, la philo et la politique.
Cependant, ni l’un ni l’autre ne sont libres à cette époque. Tom qui se plaint tout le temps de sa femme, décide de la quitter au bout de 11 mois de mariage, entamant une procédure de divorce compliquée. Liza quitte aussi la personne avec qui elle était en couple. Ils se mettent ensemble, débutant une relation idyllique comme souvent les lunes de miel. C’est l’entente parfaite. Trois mois plus tard, Tom s’installe chez Liza. Les choses évoluent doucement. Ils dénichent ensuite une maison et emménagent ensemble.
Étrangement Liza se sent fragilisée, elle ne se sent pas bien et ne réussit pas à défaire ses cartons. Pourtant à ce stade, leur relation est toujours fusionnelle même si Tom se montre contrôlant (il ne supporte pas l’ex de Liza). Ils voyagent beaucoup, assistent à des concerts de jazz… Tom développe beaucoup cette fusion de couple. Tellement que Liza s’éloigne de ses amis et de sa famille, tandis que Tom lui cache la sienne. Il la décrit comme marquée par des non-dits, des dépressions et des troubles bipolaires, dysfonctionnelle. Il lui confie qu’il a été maltraité enfant par un père tyrannique et violent.
En 2016, Liza tombe enceinte, ils sont ravis. Ils se pacsent et partent à New-York en voyage. La grossesse se passe bien.
Trois mois avant l’accouchement, Tom perd son portefeuille et s’énerve violemment.
C’est la première crise où Liza le voit exprimer sa violence verbale. Il s’excuse et puis l’arrivée de leur fille balaye cette crise, en février 2017.
Tom est présent et soutenant, mais assez vite, sa famille s’immisce dans leur vie, générant rivalités et jalousies.
Ils décident d’avoir un nouvel enfant. Mais quand Liza tombe enceinte, Tom est dépassé et commence à lui faire des reproches, se sentant frustré et contraint. Des conflits éclatent au sein de sa famille. Le frère jumeau de Tom reproche à sa famille des maltraitances subies dans l’enfance envers eux. Celui-ci décide de faire bloc avec son frère, et étrangement, ça retombe sur Liza, accusée d’être à l’origine du conflit familial. Cette situation perturbe la grossesse. En juillet 2018, leur fils naît. Liza allaite mais ne se sent pas soutenue et en souffre.
Tom devient distant, nerveux.
Il revoit ses amis et accuse Liza de tous leurs problèmes, dont son manque de libido (“tu es comblée par ton fils qui te bouffe les seins”). Tout est prétexte à crise, à dénigrements (dirigés même contre les enfants), parfois suivis d’excuses peu convaincantes et d’un retour à la normalité (par ex : elle offre des cadeaux à Tom, mais il l’accuse violemment de surconsommation, puis s’excuse, etc.).
Liza justifie encore souvent ses comportements délétères jusqu’en 2019, où elle commence à consulter un psy. Elle s’avoue enfin son envie de partir, bien qu’elle soit financièrement dépendante car en congé parental. La situation s’aggrave avec la pandémie. Les négligences s’accumulent, accompagnées de violences verbales qui génèrent l’effondrement de Liza.
Elle découvre de nombreux défauts de surveillance vis à vis des enfants. Elle perd 14 kilos en 3 mois, fait des insomnies, de la tachycardie. En sortie de confinement, Liza révèle tout à sa famille, et sa mère lui suggère que Tom est un pervers narcissique, ce qui résonne en elle.
En juin 2020, elle dépose une main courante pour les défauts de surveillance et envisage une séparation, ce qui déclenche des violences physiques.
Elle porte plainte en septembre, et son avocate lui conseille d’obtenir une ordonnance de protection. Liza découvre que Tom la trompe depuis des mois et obtient 7 jours d’ITT après une visite aux UMJ. L’ordonnance de protection est refusée malgré l’avis favorable du procureur. La magistrate accorde la garde principale à Liza et un week end sur deux à Tom malgré les éléments prouvant sa dangerosité.
Son avocate et l’OPJ conseillent de ne pas lui confier les enfants. En février 2021, la Cour d’appel reconnaît l’erreur judiciaire et retire les droits de visite à Tom. Cependant, il continue de miner le terrain en se rapprochant de la directrice de crèche, qui prend son parti et tente de discréditer Liza en l’accusant même de maltraitance.
Une enquête de l’ASE est lancée chez Liza, mais pas chez Tom. Il l’accuse d’aliénation parentale et cherche à récupérer la garde pour la détruire. Liza se retrouve devant le juge 15 jours plus tard, qui ne comprend pas la situation. L’audience se passe plutôt bien. Liza est mutée dans le sud ce qui provoque une réaction violente de Tom qui l’assigne en référé. En octobre, la juge accorde la garde à Tom, imputant à Liza les conséquences de sa mutation et réduisant ses droits à un week end par mois et la moitié des vacances.
Liza, effondrée, fait appel. Tom, dans sa toute-puissance, exige de prendre les enfants le week-end suivant. Liza temporise, estimant qu’il faut d’abord préparer les enfants à cette décision ultra violente, ce qui conduit Tom à l’accuser de soustraction d’enfant.
Convoquée en vue d’une garde à vue, un accord est trouvé pour que Tom revienne chercher les enfants dans quinze jours. Les enfants vont chez leur père et Tom en profite pour remplacer le psy de leur fille par un autre, pro-père. Il dit aux enfants que leur mère les a abandonnés, qu’elle ne les aime pas, fait de la rétention d’infos et leur demande de mentir.
En février 2022, la fille de Liza lui révèle que « papa m’a mis un doigt dans les fesses pendant la douche« . Une psy fait un signalement au procureur.
Cependant, le commissariat minimise la situation et l’audition de la fille est mal conduite (l’OPJ dit que sa fille veut rentrer le soir chez son père pour prendre sa douche). La consultation à l’UMJ accuse Liza de fausses déclarations.
La petite, obligée de retourner chez son père, s’effondre.
Pour ses 5 ans, Tom refuse que Liza la voie et demande à l’école d’éviter tout contact. Puis il invoque un état de nécessité (folie) pour ne plus rendre les enfants. Liza, épuisée et en burn-out, se retrouve en arrêt maladie, privée de ses enfants pendant quatre mois. Tom saisit le JAF pour demander le retrait de l’autorité parentale de Liza, une expertise psy, des visites médiatisées et une pension alimentaire, l’accusant de manipulation.
Le JAF le déboute heureusement de toutes ses demandes. En juin 2022, Liza récupère le droit de garde et met fin à l’impunité de Tom.
Tom exerce alors une violence financière, gardant l’argent de la vente de leur appartement sous séquestre.
Plus tard, lors d’une audience, une JDE rencontre les enfants seuls et conclut qu’il est indispensable de rééquilibrer les droits parentaux…
Liza obtient finalement la garde alternée, mais doit céder sur des tas de critères imposés par Tom (convention parentale à son avantage, le choix de l’école et des thérapeutes, pas de pension alimentaire…). La garde alternée ne fonctionne pas bien pour les enfants, qu’elle récupère toujours en détresse. En septembre 2023, Liza est convoquée à la suite de la plainte de Tom pour violence conjugale (déposée en 2022, quand il est accusé d’inceste).
Ça n’en finit jamais. Après 4 ans de cauchemars, de violence institutionnelle et d’impunité pour Tom, Liza attend toujours une véritable justice pour protéger au mieux ses enfants.
Vous pouvez trouver d’autres témoignages sur le site à la rubrique » Articles et témoignages « .
Quand on parle des personnes qui ont subi de l’emprise et des violences psychologiques, sexuelles, financière, etc… on les désigne comme « victimes« . Ce terme reconnait la gravité des préjudices. Il indique qu’une personne a été maltraitée (et dans le cadre de violences intrafamiliales, par un membre de sa propre famille). Il met aussi en évidence l’injustice de la situation et l’importance de soutenir la personne touchée. Cela permet une communication efficace et facilite la compréhension du problème.
Cependant, il est important de noter que le choix des mots peut varier en fonction du contexte et de la perspective.
Certaines personnes peuvent préférer utiliser le terme « proie » au lieu de “victime” pour mettre en lumière la vulnérabilité de la personne concernée.
Certains soutiennent que le terme « victime » peut être stigmatisant et accroitre les difficultés à demander de l’aide. On entend souvent l’expression « faire la victime« , pour reprocher à quelqu’un de se comporter de manière exagérée en mettant en avant sa souffrance. Et si la victime se “victimise”, ce qu’elle fait par essence, elle devient donc partie du problème, voire responsable aux yeux des observateurs.
Dès lors, ses difficultés ou ses problèmes passent en arrière-plan et l’interlocuteur pense qu’il ne s’agit que d’attirer l’attention, de susciter de la compassion ou d’éviter la responsabilité de ses actions. Et il intime d’arrêter de jouer un rôle de « victime » pour « faire face aux situations de manière mature et responsable ».
Comme si c’était le problème…
Comme si c’était la solution…
Au-delà du souci sociétal, c’est un point pour les partisans de l’utilisation du terme « proie » qui estiment qu’hélas « victime » peut renforcer un statut de passivité et de faiblesse, tandis que « proie » met davantage l’accent sur la non-responsabilité de la personne.
Opter pour le mot proie pourrait alors favoriser une meilleure compréhension de la situation en renforçant le fait que cette personne a été repérée, ciblée, qu’elle n’est pas responsable des agressions subies. L’agresseur l’a choisie pour son utilité et son intérêt unilatéral, il l’a harcelée, acculée. Se rendre compte de cela aide à mieux protéger les personnes qui souffrent de ces prédateurs. Le choix des mots influe sur la réception, l’écoute des situations et sur l’accompagnement qui en découle.
Autre argument : en utilisant le terme « proie », on met davantage l’accent sur l’agresseur en soulignant son rôle actif dans le fait de cibler une personne vulnérable au sein de la famille. On déplace la responsabilité /culpabilité vers le responsable/coupable de la nature abusive de du comportement.
Le terme « proie », perçu comme plus fort, plus accusatoire que le terme « victime », contribue à la condamnation sociale des auteurs de violences intrafamiliales.
Est-ce que si la victime se voit comme une proie, si la société aussi la voit en tant que telle, alors tout le monde admettra enfin davantage l’urgence de la situation, ce qui déclencherait, (on en rêve), des mesures de protection à la hauteur du problème ?
Car ces personnes ne sont pas faibles mais affaiblies !
Le choix entre « proie » et « victime » dépend souvent de la perspective de chacun, de la culture et des objectifs de communication. Mais ce débat nourrit une réflexion plus approfondie sur les motivations de l’agresseur et les facteurs qui le poussent à commettre des violences intrafamiliales. Cela contribue à une meilleure compréhension des causes sous-jacentes de ces comportements.
En changeant de langage et donc d’angle, on peut espérer changer la perspective de tous sur les violences intrafamiliales.
Dans tous les cas, l’essentiel est de mettre en lumière les violences intrafamiliales, de les condamner et de promouvoir des mesures pour les prévenir et soutenir les personnes touchées, quels que soient les termes utilisés.
Nous vous conseillons également la lecture des articles suivants :
« Je viens de parcourir votre site et je peux vous dire à quel point c’est aussi compliqué pour les personnes tiers de confiance face aux services sociaux, toujours prêts à essayer de sauver l’insauvable, c’est-à-dire le parent maltraitant, au détriment des enfants.
La parole de l’enfant n’est pas entendue et on ne tient pas compte des observations des tiers dignes de confiance. On menace même ces derniers de placer les enfants s’ils disent quoi que ce soit. L’enfant est constamment obligé de faire face à son bourreau lors des visites médiatisées. Comment peut-il évoluer sereinement en faisant confiance aux adultes (qui lui répètent que le parent maltraitant est gentil et que ce que l’enfant dit, c’est du mensonge) ? »
Notre association reçoit beaucoup de témoignages bouleversants comme celui-ci, provenant de personnes confrontées à leur incapacité d’aider leurs proches victimes de violences intrafamiliales.
Dans ce paysage complexe de violences psychologiques, physiques, sexuelles, financières etc, les tiers de confiance émergent comme des figures cruciales dans la protection des enfants. Leur rôle qui devrait être essentiel et déterminant est souvent confronté aux mêmes dysfonctionnements de la Justice.
Et ils souffrent de ne pas être pris en compte par le système. Leurs responsabilités, leurs attentes, et la manière dont ils peuvent soutenir les enfants victimes de violences ne sont pas respectées.
Pour eux aussi, la confiance en la Justice est trahie.
Pourtant, les tiers de confiance devraient émerger comme des acteurs clés dans la protection des enfants.
Ces amis, membres de la famille élargie, enseignants, voisins, professionnels de la santé, etc., ont une relation privilégiée avec ces enfants et les familles, ils ont une connaissance éclairée de leurs souffrances. De part leur proximité, ils ont la confiance, la disponibilité, l’écoute active et le respect de leurs interlocuteurs. Ils sont un réceptacle important de confidences car ils croient la parole des victimes.
Cette proximité émotionnelle et leur accès à l’histoire des victimes devraient être exploitées par la Justice. Leurs observations devraient être rangées dans la catégorie des preuves en fournissant des détails précis.
Tous les tiers de confiance doivent faire face aux attentes formulées ou non des victimes : détecter les signes de maltraitance, fournir un espace sûr pour les enfants, agir comme des observateurs attentifs, etc. Mais on sait aussi qu’ils peuvent être malmenés : pression de la part des parents maltraitants, craintes pour leur propre sécurité, dilemmes moraux.
La Justice devrait apporter un accueil encourageant et un soutien sans faille aux tiers qui s’engagent pour protéger les victimes.
Créer un environnement accueillant : offrir aux tiers de confiance un espace où ils se sentent écoutés et compris.
Formation et soutien continu : renforcer leurs compétences pour reconnaître et agir face à la maltraitance.
Les tiers de confiance ne sont pas tous des professionnels formés à la protection de l’enfance. Ils ont besoin d’aide et de collaboration bienveillante avec des intervenants compétents. C’est ce travail en équipe qui a une chance de garantir la sécurité et le bien-être de tous (victimes et proches).
Si on trouve cet équilibre entre le soutien crucial aux enfants que les tiers peuvent apporter, leur coopération avec les services sociaux pour maintenir la confiance tout en partageant les informations nécessaires, alors on les aidera à naviguer dans le contexte complexe des violences intrafamiliales.
Le double objectif de soutenir les enfants sans compromettre leur propre sécurité sera respecté et la Justice pourra faire son travail au mieux.
Les tiers de confiance jouent un rôle essentiel dans la vie des enfants victimes de violences intrafamiliales. Leur engagement envers la protection et le bien-être de ces enfants est une force vitale pour un avenir meilleur.
En reconnaissant leur rôle complexe, en les soutenant avec bienveillance et en renforçant leur capacité à agir, nous pouvons contribuer à créer un environnement où les victimes de tout âge se sentent en sécurité, entendues et soutenues dans leur chemin vers la paix et la guérison.
En 2020, Pierre dépose plainte pour viols, agressions sexuelles et maltraitances physiques et psychologiques contre ses deux parents.
Il ne se doute alors pas que des violences institutionnelles (policières et judiciaires) vont venir se rajouter aux violences qu’il a déjà subies.
En 2023, Pierre met formellement en cause l’État d’avoir failli à son devoir de rendre la justice dans des conditions acceptables, à savoir sans commettre de fautes lourdes et dans un délai raisonnable. Un signalement pour viols et maltraitances, pour lui et son frère, avait été fait il y a 20 ans. Celui ci n’a été suivi d’aucune audition des 2 frères ni d’aucune autre forme d’enquête, ce à quoi se rajoute un enchainement de dysfonctionnements sérieux depuis son dépôt de plainte fin 2020.
Il assigne l’état afin d’obtenir réparation des préjudices majeurs causés par la mauvaise administration de la Justice.
Pierre commence par porter plainte contre ses parents en novembre 2020, avec son frère.
Suite au dépôt de plainte, un harcèlement puissant, des pressions, du piratage se mettent en place de la part de ses géniteurs. La Justice, loin de lui tendre la main, prolonge la torture.
Rien n’avance. Pierre navigue entre attentes interminables et incohérence notoires de procédure. 2 ans et 3 mois après la plainte, c’est un véritable fiasco judiciaire.
La plupart des témoins importants n’ont toujours pas été auditionnés. L’expertise du plaignant sera faite 2 ans après son dépôt de plainte. Les mis en cause n’ont toujours été ni expertisés, ni interrogés. Pourtant les preuves sont abondantes, authentifiées. Mais plus de 20 ans après le 1er signalement, personne n’a été protégé. Pire, une plainte d’agressions sexuelles a été déposée par d’autres victimes mineures.
Pendant ce temps là, les mis en causes vivent la belle vie (lorsqu’ils ne sont pas en train de harceler les témoins ou les victimes)…
La mise en cause de l’État par Pierre porte sur le traitement que les autorités ont réservé à sa plainte (Police judiciaire, Parquet de Grenoble et Paris, Instruction de Grenoble). Ces services ont tous successivement failli dans leurs missions.
Pierre a donc décidé d’attaquer la responsabilité de l’État, qui est tenu de réparer les dysfonctionnements de la Justice.
Il invoque le droit d’être entendu dans un délai raisonnable (Art 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme).
Il soulève de nombreuses fautes lourdes des services de police judiciaire, des Parquets et de l’Instruction.
L’étude de la chronologie de l’enquête menée par le Parquet dans cette affaire démontre, d’une part, que celle-ci a connu de longues périodes d’inactivité et, d’autre part, que l’enquête, au regard de l’affaire, aurait pu être clôturée très rapidement. Et encore, les questions et les actions tenaces de Pierre ont permis parfois à l’enquête de faire de petits soubresauts. Sans elles, le dossier serait encore plus vide. Le préjudice moral et psychologique de Pierre dû aux défaillances et aux dysfonctionnements du service public est immense. Pire, ces derniers ont possiblement empêché la protection d’autres victimes.
Ces dysfonctionnements sont intolérables et en totale contradiction avec les injonctions de révéler les faits à l’autorité judiciaire, aux belles paroles des communicants de police et de justice qui mettent en avant une écoute particulière et un traitement diligent pour les plaintes pour violences intrafamiliales et en particulier pour inceste. La réalité est toute autre ! Voilà pourquoi Pierre met formellement en cause l’État d’avoir failli à son devoir de rendre la justice et de protéger les victimes. Voilà pourquoi nous le soutenons.
Les premiers souvenirs d’Ana remontent à ses 5 ans.
Pour elle, c’est à partir de là que son enfance est devenue une torture au quotidien, traversant toutes les formes de violences, physiques, psychologiques, sexuelles et même économiques. Elle se souvient des coups, des douches froides, des tirages de cheveux, des humiliations, des menaces… Et bien sûr de l’inceste. Quand son père rencontre sa mère, il a déjà un enfant d’un premier mariage. Mais il a abandonné cette famille sans se soucier de leur avenir. La maman d’Ana est une femme brillante, qui a réussi à s’extraire d’un milieu modeste, qui reste fragile, pleine de doutes, manquant de confiance en elle. Elle tombe enceinte rapidement d’Ana.
La petite fille grandit avec une maman travailleuse, un père très absent. Elle est couvée par des grands-parents aimants.
Son père manifeste toujours un comportement violent et sa maman finit par vivre sans lui.
Il s’agit d’une séparation un peu floue où il réapparait de temps à autre. Sa maman tombe à nouveau enceinte. Parallèlement, elle se retrouve mutée en Creuse et c’est à cette période que son père décide de revenir au foyer et de les suivre dans cette nouvelle région. Il culpabilise sa mère : « je quitte tout pour toi donc tu vas tout gérer« . Effectivement, il ne travaillera plus. Son rôle sera donc uniquement de s’occuper des enfants. C’est cela qui lui donnera les pleins pouvoirs pour se conduire de manière abjecte sous couvert de père modèle.
Comme souvent avec les manipulateurs, il commence par isoler la maman et la retourne contre sa famille.
Quant à Ana, l’arrivée de son père dans son quotidien transforme sa vie en cauchemar.
En plus des nombreuses maltraitances psychologiques, les violences sexuelles font leur apparition.
L’inceste s’installe progressivement. Son père commence par s’occuper de sa toilette intime, il va lui mettre des doigts dans l’anus pour « bien nettoyer« . Il lui montre son pénis et a des questions manipulatrices : » tu regardes, ça te plait ? « .
Ana a conscience que ce n’est pas normal car aucun autre adulte n’agit ainsi. Mais il lui fait du chantage : « c’est notre petit secret« , ou la manipule pour l’inclure dans la responsabilité de ce qu’il se passe : « Faut qu’on arrête nos bêtises, ça ne se fait pas, faut que ça s’arrête, je compte sur toi.«
Il est donc très conscient du mal qu’il fait. Et il continue en passant à des gestes masturbatoires. La petite fille ne comprend pas ce qui lui arrive.
A côté de cette violence sexuelle, il tient des propos très toxiques sur le corps : « tu devrais moins manger pour être belle« .
Un peu avant l’adolescence, il impose les premières fellations. Il la « complimente » : « tu fais ça mieux que maman« , ce qui a pour conséquence de verrouiller encore plus la parole, par un effet de culpabilisation malsaine.
L’inceste quotidien ne cesse jamais de s’empirer. Il finit par sodomiser Ana, sans précaution aucune, de manière douloureuse et régulière. Et là encore, il rajoute : « Maman, elle n’aime pas ça« . Quand l’adolescente se plaint de blessures anales, il l’emmène chez un médecin. Il reste toujours présent pendant les consultations.
Le médecin ne voit que ce papa attentionné qui oriente le diagnostic vers des soucis de constipation et il lui dit qu’ « il faudrait qu’elle mange mieux« .
Vers les 15 ans de la jeune fille, son père finit par lui imposer des pénétrations vaginales (sans protection). Il se pose alors en professeur de sa sexualité « pour rendre son futur mari heureux« .
Il est possessif, parano, il cherche à tout contrôler et lui fait écrire une lettre où elle doit s’engager à ne parler à personne au lycée… Il va jusqu’à la surveiller pour vérifier. Et bien-sûr, les violences physiques ne sont jamais loin, toutes les semaines, Ana se fait taper dessus.
Vers 16 ans, Ana trouve le courage de s’opposer.
Un jour où ils se rendent ensemble au Maroc voir la famille de son père, il réclame des relations, parce qu’il se sent « nerveux » de retourner dans son pays. Elle lui dit « je n’ai pas envie, ça me dégoute, ce n’est pas bien ». Il rétorque : « Mais ce n’est pas le problème, j’en ai besoin là « .
Jusqu’à présent, Ana s’était protégée en se construisant une certaine logique de survie :
« Si j’accepte, il ne va pas me frapper. Il continue parce que je ne dis pas non… »
Elle réalise qu’il se fiche complètement de son « consentement » et que les rares gentilles phrases auxquelles elle se raccrochait pour supporter cet enfer n’étaient que des mensonges.
A la même époque, sa mère qui subissait également cette violence commence à se rebeller également.
Les humiliations constantes deviennent insupportables. Elle aimerait partir.
Pour Ana, ce sont les études qui la sauvent car en quittant le foyer pour la Fac, l’inceste cesse.
Mais elle tombe dans une forme d’hypersexualisation, elle tombe « amoureuse » facilement, elle est dans une performance sexuelle maladive et perturbante.
Son rapport à l’alimentation est aussi compulsif. Ana fait face au surpoids, aux cauchemars, à une maladie de la thyroïde…
Elle constate que ça ne va pas.
En 2013, sur une impulsion, elle en parle à un amoureux, qui la croit immédiatement et qui lui apporte son soutien.
Elle en parle ensuite à sa mère, qui tombe des nues devant l’indicible horreur. Sa mère la croit aussi. Entourée de gens aimants, en juillet 2013, Ana décide alors de porter plainte. Elle a besoin que ça se sache, besoin de réparation aussi.
Au commissariat, elle est entendue et crue (au bout de 8 heures d’audition, avec des policiers pas franchement aimables au début et désolés à la fin). Pourtant ils conseillent à Ana et à sa mère de faire comme si rien n’avait changé.
Ainsi la maman est incitée à rester chez elle et à protéger au mieux la sœur d’Ana pendant que les policiers montent un dossier.
Les délais judiciaires étant hyper longs, cette situation dure des mois. Puis en février 2014, le père est convoqué au commissariat où il est confronté à toute la famille. Ana et son frère témoignent, ainsi que la mère. C’est une épreuve pour tous car le phénomène d’emprise est toujours actif. Même la petite sœur se retrouve auditionnée, elle que sa famille avait tenté d’épargner. Elle sortira en disant : « on a mis papa en prison« . Effectivement, il est incarcéré dans la foulée pendant 2 ans. Et même si l’emprise continue sur la mère et la petite sœur de la prison, c’est une étape symbolique.
Hélas, il sort au bout de 2 ans, en liberté surveillée en février 2016.
Il doit pointer et ne jamais se rendre dans le département d’Ana.
Rapidement après, il tombe malade et meurt en aout 2017. Ana ressent des émotions complexes, avec une forme de tristesse, un grand soulagement mais aussi l’horrible frustration d’une absence de procès et par conséquent d’une terrible impunité.
Ana témoigne à visage découvert parce qu’elle souhaite passer des messages importants aux victimes :
Gardez espoir. Si vous vivez l’enfer, ce ne sera pas toute la vie. Survivre pour lutter plus tard est possible ;
Autant que possible, libérez votre parole.
Quant à l’entourage, croyez les victimes.
Acceptez leur parole et entrez en vigilance pour les aider. Soyez courageux pour ne pas rajouter de la violence à ce que ces personnes subissent déjà.
Si vous êtes un professionnel vous pouvez télécharger l’outil de formation de la Ciivise (Violences sexuelles faites aux enfants : repérer et signaler. » Livret de formation des professionnels « Mélissa et les autres »).
On estime que 160000 enfants sont victimes d’agressions sexuelles chaque année en France.(i)
8% seulement des jeunes victimes qui ont osé parler sont protégées et l’agresseur n’est éloigné de la victime que dans 6% des cas !(ii)
10% des français déclarent avoir été victime d’inceste (iii)
Moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet d’une plainte (iv) . 70% de celles-ci sont classées sans suite (v) selon le ministère de la justice.
En conclusion, la prise en charge des enfants victimes de violences sexuelles est gravement défaillante en France !
Si les enfants méritent sans conditions respect, bienveillance et protection, de nombreuses études pointent aussi le lien entre les violences subies dans l’enfance, les troubles graves de la personnalité et la criminalité. En conséquence, la protection de l’enfance est donc également un impératif pour prétendre vivre dans une société paisible.
Attention, un signe pris seul ne veut pas forcément dire qu’il y a maltraitance, mais un soupçon légitime reposera sur un faisceau d’indices concordants[vii].
Manifestations somatiques
Maladies répétées, fatigue, pâleur
Énurésie, encoprésie
Arrêt du développement physique (courbe de poids) ou intellectuel
Contractures musculaires entrainant des douleurs (fibromyalgie, névralgie…)
Interruptions de la pensée, car l’enfant est littéralement « envahi » psychiquement par son agresseur
Enfant harcelé (habitude à être dominé, à se dissocier) ou harceleur (identification à l’agresseur).
Évitement de certaines situations scolaires ou sportives
Mais aussi : hyper adaptation, Beaucoup d’enfants subissant des agressions sexuelles, vont être très bon à l’école (cf dans le chapitre Protéger les victimes).
Marques corporelles (traces de coups, brûlures, fractures, scarifications)
Difficulté à gérer les émotions
Violence ou agressivité envers les autres (Identification à l’agresseur) et notamment envers son parent protecteur. Effectivement, comme l’explique Dr Alvarez à la fin de l’interview de Hanna Dam Stokholm [viii], l’enfant maltraité va s’ajuster aux attendus parentaux. Il en va de sa survie. Si un enfant a vu son père frapper sa mère, il pourra reproduire ce schéma, d’autant plus si, après un long parcours judiciaire, le parent maltraitant est « gagnant » aux yeux de la justice.
Violence ou agressivité envers eux-mêmes : automutilation.
Désocialisation avec ses pairs, dérive anti-sociale
Mutisme, inhibition, repli sur soi
Mauvaise estime de soi
Quête affective systématique
Fugues répétitives
Peurs inexpliquées
Prise de risque (fugue, conduites addictives…)
Accidents domestiques à répétition
Comportement ou langage sexuel inadaptés à son âge
Pensées suicidaires
Difficultés scolaires
Absentéisme important
Désinvestissement
Échec
Manque de concentration
Problèmes de mémoire
Interruptions de la pensée, car l’enfant est littéralement « envahi » psychiquement par son agresseur – cela s’appelle l’identification à l’agresseur ou syndrome de Stockholm)
Enfant harcelé (habitude à être dominé, à se dissocier) ou harceleur (identification à l’agresseur).
Évitement de certaines situations scolaires ou sportives
Les conséquences des violences sexuelles sont désastreuses sur la santé mentale et physique
« Plus les traumatismes dans l’enfance se cumulent, plus les conséquences à l’âge adulte seront graves. » (xi)
TSPT : Trouble de stress post traumatique (xii) , expliqué par Murielle Salmona par la Mémoire Traumatique (xiii)
Ce trouble peut se manifester dès lors d’un traumatisme unique.
A cause des Flashbacks, les victimes peuvent revivre sans cesse l’agression passée comme si elle était en train de se reproduire, les obligeant à adopter des conduites d’évitement ou dissociantes, mettant parfois leur entourage ou elles-mêmes en danger, pour éviter ce nouveau trauma !
Troubles comorbides post-traumatiques
Souffrances physiques avec les troubles somatoformes (maux de ventre, nausées, maux de tête, douleurs pelviennes…),
Souffrances psychiques avec les troubles anxieux, les dépressions, les tentatives de suicide
Comportements addictifs (alcool, drogue…)
Troubles alimentaires (boulimie et anorexie)
Troubles dissociatifs (anesthésiant pour échapper aux reviviscences anxieuses ; anesthésie émotionnelle permettant le passage à l’acte)
Troubles de la personnalité « personnalité traumatique complexe »
-Violence envers les autres : Quand une victime est « envahie psychiquement » par son agresseur (identification à l’agresseur ou syndrome de Stockholm), il peut développer les mêmes violences sur les autres.
Cette identification à l’agresseur est également expliquée par Muriel Salmona avec la Mémoire Traumatique. Par exemple la victime peut garder les souvenirs de l’agresseur mélangés avec ses propres souvenirs. Cela peut donner lieu à des situations effrayantes telles que cette femme victime d’agression sexuelle, qui pendant une audience, s’est mise à produire un rire démoniaque, qui était en fait celui de l’agresseur (xiv) .
Certaines mères de l’association Protéger l’Enfant nous rapportent des faits troublants concernant leur enfant devenu jeune adulte. Les accès de violence des jeunes adultes, au prise avec une telle colère de ne pas avoir été protégé et ayant intégré la violence pendant toutes les années de construction psychique, mettent en danger leur parent protecteur.
Séparer la victime de son agresseur est donc important au-delà de mettre fin à la maltraitance.
Trouble de l’attachement (xv) : conséquences de la séparation mère-bébé sur le psychisme naissant des enfants
Un enfant subissant des conduites incestueuses n’a pas d’autre choix que s’attacher au parent agresseur. Nécessité adaptative comparable à celle d’un otage vis-à-vis de son agresseur (syndrome de Stockholm).
Ces pseudo-attachements alimentent le déni et la théorie de l’inceste heureux.
Les troubles de l’attachement précoces perturbent la structuration de la personnalité des enfants qui les subissent :
Age préscolaire : comportement adhésif à la figure d’attachement principale, phobie scolaire et/ou absence d’intérêt pour découvrir de nouvelles expériences infantiles
Adulte : troubles anxieux, états dépressifs
Certaines pathologies psychiques
Troubles limites de la personnalité, troubles dissociatifs
Cela complique les possibilités de reconstruction des survivants de l’inceste. Le thérapeute doit devenir une figure d’attachement suffisamment sécure.
La victime va développer des stratégies pour se protéger ponctuellement, mais qui sont néfastes à long terme si le traumatisme n’est pas traité
Le déni protecteur ou amnésie dissociative
D’après Isabelle Aubry de Face A l’Inceste : la victime va réprimer les faits traumatisants jusqu’à l’oubli total ou non. Effectivement, une victime peut être dans le déni tout en gardant la mémoire. Cette amnésie est parfois renforcée par le silence et le déni de l’entourage de la victime.(xvi)
C’est une sorte d’anesthésie émotionnelle qui se produit pendant l’évènement traumatique ou après l’évènement traumatique. Dans ce deuxième cas, cette stratégie de protection va se développer lorsque la victime va se sentir émotionnellement débordée par une situation rappelant le traumatisme. Pour provoquer cette dissociation, la victime peut développer des conduites à risque (troubles cités précédemment).
Dans le cas des mutilations, pour une personne de plus de 16 ans ou pour un enfant n’ayant pas atteint la puberté, si elle présente plusieurs types de lésions corporelles, rechercher systématiquement la maltraitance.
Le clivage (xviii) : pour Sigmund Freud, il s’agit d’un mécanisme de défense et de l’état du moi qui en résulte. Il consiste dans le maintien de deux attitudes contradictoires et qui s’ignorent à l’égard de la réalité en tant qu’elle contrarie une exigence pulsionnelle. L’une de ces attitudes tient compte de la réalité, l’autre la dénie.
Les victimes ont tendance à rejouer leur scénario traumatique,
-soit en tant que victime (les personnes continuellement agressées dans leur couple, au travail, par les institutions ; prostitution),
-soit en tant qu’agresseur (d’où les lignées d’agresseurs avec l’identification à l’agresseur)
Remarque : les femmes violées dans leur enfance ont fréquemment des relations sexuelles avec leur thérapeutes !
Contre attitude de rejet
Les victimes vont provoquer dans leur entourage une « contre-attitude de rejet », que ce soit dans un univers privé, professionnel, médical, social, avec la justice. Il faut reconnaitre ce type de réaction pour ne pas rejouer le scénario traumatique avec une victime et éviter les maltraitances institutionnelles.
Les traumatismes de l’inceste vont provoquer l’exacerbation de certains sentiments néfastes à une vie sereine
– La colère les victimes d’agression sexuelle sont souvent irritables
– La culpabilité : retournement de la colère contre soi, ou sentiment d’être acteur et non objet. Ce sentiment est provisoire et protecteur, mais sera destructeur à long terme.
Attention à la culpabilisation qui est une manipulation perverse consistant à reporter la faute sur la victime. Cela encourage la culpabilité ! Le violeur peut transmettre sa culpabilité à sa proie !
-La honte : est liée à la peur du rejet social.
-Le sentiment d’être vulnérable et qu’aucune aide n’est possible pour eux. Ils n’ont aucune confiance en eux
–La peur : le monde leur paraît dangereux et les gens peu fiables. Grandir dans un environnement hostile provoque la peur des autres, ce qui est un lourd handicap social, impactant la vie professionnelle et personnelle.
-Difficulté de se projeter dans l’avenir
La grande majorité des toxicomanes, des personnes qui se prostituent, les SDF, les chômeurs longues durées, les délinquants multirécidivistes, ont subi des maltraitances dans l’enfance. Comme précédemment dit, de nombreuses études font le lien entre les violences subies dans l’enfance, les troubles graves de la personnalité et la criminalité.
Conséquences des violences sexuelles sur les survivants de l’inceste versus population générale selon le sondage IPSOS pour l’AIVI (FAI)
D’après la psychologue Evelyne Josse (vi) , dans de nombreux cas, les agressions sexuelles n’entrainent pas de séquelles physiques et dans plus de 30% des cas, les enfants ne manifestent pas de réactions préoccupantes au moment des faits (l’enfant peut même montrer des capacités de développement accrues, en matière de langage, à l’école, dans les relations sociales).
Cependant si des signes préoccupants apparaissent brusquement ou si un enfant se confie à vous au sujet des agressions qu’il subit, la Haute Autorité de Santé (vii) recommande de faire un signalement (viii) auprès du procureur de la République. On peut aussi demander une hospitalisation, avec ou sans l’autorisation des parents, si la situation le nécessite, afin de démarrer la chaine de protection de l’enfant. Si les parents refusent l’hospitalisation, le médecin peut demander une Ordonnance de Placement Provisoire (OPP) au procureur de la République.
Sinon, dans le doute, on peut également appeler la CRIP (Information Préoccupante, moins rapide que le signalement) ou le 119.
Quels recours ont les victimes pour s’en sortir ?
D’après Muriel Salmona, (xx) les troubles psycho traumatiques représentent au moins 70% de la psychiatrie et malheureusement, les psychiatres ne sont pas toujours formés à la traumatologie. Cela limite grandement les chances des victimes de s’en sortir !
Soins psychothérapeutiques et soutien socio-juridique, intimement liés !
Le principal enjeu pour s’en sortir est l’accès aux soins psychothérapeutiques, en plus des soins médicaux concernant les soins du corps. La victime aura besoin d’un thérapeute formé aux psychotraumatismes et à la victimologie.(xxi)
Les soins psychothérapeutiques doivent être accompagnés d’un bon soutien sociojuridique. Effectivement, une victime qui ne serait pas protégée ou pas reconnue comme victime, aura peu de chance de guérir ou soulager ses traumatismes par les soins psychotérapeutiques.
La victime et son parent protecteur doivent donc être crus. Sachant que les fausses allégations d’agression sur enfant sont marginales (cf plus loin, stratégie de l’agresseur, SAP), il faut garder en tête la présomption de crédibilité du parent protecteur.
La protection passe par la séparation de la victime d’avec son agresseur. J’insiste sur ce point car en cas d’inceste, cela ne semble pas évident pour tout le monde. D’ailleurs il est bien précisé par la CIIVISE (xii) qu’il n’est pas envisageable de prodiguer utilement des soins à un enfant victime encore contraint de rencontrer son agresseur. De plus, d’après le juge Durand, il faut interdire d’imposer à l’enfant d’aller voir son parent agresseur. (xiii)
Une victime qui aura subi une agression sexuelle unique (un traumatisme unique) aura besoin de traiter principalement un Trouble du Stress Post Traumatique.
La HAS recommande dans ce cas d’utiliser certaines techniques comme :
-La thérapie médicamenteuse (pharmacologique), qui sera également utile en cas de dépression
-Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) : thérapies psychologiques à court terme basées sur l’observation et la régulation des liens entre les pensées, les émotions et les comportements (xxiv) ; pratiquées par les psychiatres ou psychologues formés.
-Les thérapies psychodynamique : issue et principalement influencée par la psychanalyse.
-L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) : désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.
Ce sont des thérapies brèves qui vont traiter les symptômes comme les troubles intrusifs ou les stratégies d’évitement.
Dans le cas d’une victime ayant subi des agressions répétées sur un temps long, il faudra en plus un suivi sur le long terme pour prendre en charge les autres traumatismes complexes. Il faut donc une thérapie « relationnelle ». Et là, la qualité de la relation qui s’installe entre le survivant et son thérapeute sera un facteur déterminent de réussite, plus que le savoir-faire technique du thérapeute. Le thérapeute va négocier un cadre thérapeutique avec son patient. Il va utiliser des techniques de gestion des émotions pour subvenir aux réactions liées à l’évocation du scénario traumatique. « Le traitement par la parole ne sera possible que lorsque le cerveau émotionnel sera suffisamment reconnecté au cortex frontal »
La résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir, en présence d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères. Cette résilience n’est jamais acquise définitivement. Il s’agit d’une capacité qui résulte d’un processus dynamique, évolutif, au cours duquel l’importance d’un traumatisme peut dépasser les ressources du sujet.
Les facteurs de protection déterminant la résilience sont :les relations affectives, (…)la possibilité de créer des réponses positives avec son entourage, l’approche active pour mieux résoudre les problèmes, et enfin que la vie a un sens et que ce sens est positif. (xvi) On peut aussi rajouter tout ce qui favorise les liens sociaux (cohésion, groupe, forte idéologie).
D’après Michel Manciaux, le premier (risque d’utiliser ce concept) est un manque de rigueur dans l’interprétation des faits observés, amenant à voir la résilience là où il y a seulement déni d’un traumatisme,…Désormais à la mode, le concept de résilience pourrait souffrir de se voir mis en avant sans assez de capacité de discernement, de finesse clinique. Le risque d’utilisation de ce concept est le désengagement des pouvoirs publics. Puisque certains se « tirent d’affaire » par eux-mêmes, point n’est besoin de les aider. Quant aux autres, ce sont des incapables ou des paresseux
Il suffit d’assister à une rencontre de victimes d’agressions sexuelle et d’inceste (par exemple avec la CIIVISE) pour se rendre compte que beaucoup de victimes, sous couvert de résilience, n’ont souvent pas été écoutée et donc pas protégée lorsqu’elles ont subi leur traumatisme.
Comme le souligne Isabelle Aubry et Gérard Lopez, le concept de résilience peut être confondu avec la résistance ! Effectivement, une personne traumatisée peut « devenir un sujet dépourvu de sensibilité ou un brillant intellectuel dissocié de ses émotions ». On peut effectivement apprécier la résilience « à la mesure de l’efficacité sociale », celle-ci pouvant se faire au détriment de la vie personnelle.
La parole de l’enfant
D’après le juge pour enfants, coprésident de la CIIVISE, Edouard Durand « Les enfants (victimes) sont des gens sérieux, qui vivent leur vie sérieusement (xxvii) . Croire l’enfant est un principe de précaution (xxviii) . » « Les enfants sont une source d’information fiable (xxix) ». Si un enfant ne dit pas toute la vérité, il aura tendance à minimiser les violences qu’il a subies, voire à se taire, pour ne pas dénoncer la figure parentale ou autre, plutôt qu’à les accentuer et les inventer. Par exemple, dans l’affaire d’Outreau, les enfants ont bien été reconnus comme victimes, même si leur version avait des lacunes à cause de l’emprise parentale qu’ils subissaient.
Il existe deux protocoles très efficaces pour aider les enfants à mieux répondre aux interrogatoires pour le premier et à lui donner confiance pour le deuxième :
-NICHD (National Institute of Child Health and Human Development) : l’objectif du protocole NICHD est de diminuer la suggestibilité des intervieweurs et d’adapter leurs questions en fonction des capacités des enfants et d’aider ceux-ci à fournir un récit plus riche et plus détaillé tout en étant exact.
(cf dans le paragraphe « formation aux violences sexuelles)
-CALLIOPE (xxx) : Ce projet est soutenu et importé du Canada par le comité Alexis Danan de Bretagne. Calliope est un programme d’accompagnement de la parole de l’enfant, victime ou témoin, dans les procédures judiciaires afin de l’outiller pour lui donner confiance, le rassurer et faciliter son témoignage devant la justice.
Les stratégies de l’agresseur
D’après le juge Durand, Si on veut lutter contre la violence, il faut la penser. Si on veut lutter contre la stratégie des agresseurs, il faut la connaître, l’identifier. (xxxi)
L’agresseur va effectivement utiliser des ressources qui sont maintenant bien connues :
1 – Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP) et Aliénation Parentale
Le SAP utilisée comme stratégie de défense
Le parent incestueux (souvent le père), acculé par une révélation publique, va chercher à décrédibiliser la parole de l’enfant et celle du parent protecteur en se faisant passer pour la victime. Il accusera l’enfant de mentir sous l’influence et la suggestion du parent protecteur. L’exemple le plus courant est celui de la mère accusée par le père d’avoir mis en tête de l’enfant une histoire d’abus sexuel pour obtenir sa garde exclusive.
Cette stratégie de contre-attaque s’avère encore malheureusement très efficace.
L’idée de la mère menteuse et manipulatrice a été théorisée par un pseudo scientifique sous le terme de « Syndrôme d’Aliénation Parentale » (SAP) et elle a trouvé depuis beaucoup d’écho dans les salles d’audience. Ce procédé de défense de l’agresseur étant, par ailleurs, largement exploité par certains avocats peu scrupuleux ou peu instruits, avec succès.
Le SAP est devenu une parade infernale pour museler la parole de la victime et de son parent protecteur, nier les faits et échapper aux sanctions. Pire, elle va permettre à l’agresseur de retourner la situation. Il y aura inversion de la culpabilité !
Aux yeux de la justice, le parent protecteur (souvent la mère), traumatisé et déstabilisé par la révélation de l’enfant, va paraitre fragile, toxique et malsain alors que le parent agresseur, nullement déstabilisé par les révélations de son enfant, va sembler équilibré, de confiance, de telle sorte qu’on va souvent finir par lui donner la garde exclusive de l’enfant !
L’origine du SAP
On parle d’aliénation parentale lorsqu’un des parents influence l’enfant afin de favoriser chez lui son rejet ou sa désaffection à l’égard de l’autre parent. C’est un phénomène marginal dans les affaires de violences intrafamiliales (xxxii) . Effectivement, selon Mémoire Traumatique et Victimologie (xxxiii) :
« … les fausses allégations de violences sexuelles chez les personnes qui portent plainte sont rares.Une étude conduite aux États-Unis en 2010 les estime à moins de 6 %, une autre de Rumney en 2006, les estime de 3% à 8%, et une étude de Trocmé qui analyse les fausses allégations de violences sexuelles commises sur des enfants les évalue à 6%, ces dernières ne sont pas le fait des enfants mais surtout de proches voisins et de parents qui n’ont pas la garde de l’enfant. »
Il faut donc toujours garder en tête la présomption de crédibilité du parent protecteur dénonçant l’inceste.
Le pseudo « Syndrome d’Aliénation Parentale » ou SAP, a été inventé par Richard Gardner (xxxiv) , un psychologue américain qui soutenait ouvertement la pédocriminalité (xxxv) .
Il gagnait sa vie comme expert psychologue, soutenu par des avocats qui défendaient principalement des pères accusés d’abus sexuels sur leurs enfants. Il était grassement payé à chaque victoire.
Le SAP a longtemps été enseigné à l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) par des psychologues suiveurs de Gardner, d’où sa large diffusion et son influence dans le monde de la justice et du social.
Le SAP n’est reconnu par aucune instance scientifique sérieuse (ni le DSM5 aux Etats-Unis, ni l’OMS, ni aucun état, ni le monde de la recherche internationale) et n’a jamais été édité dans une revue scientifique sérieuse (uniquement à compte d’auteur).
Le SAP est donc infondé et souvent utilisé pour décrédibiliser les parents protecteurs d’enfants incestés (en général les mères), au même titre que le syndrome de Münchhausen, le syndrome des faux souvenirs, le complexe d’Œdipe, le référentiel « Outreau », parents souvent injustement accusés d’être manipulateur, toxique, menteur et également d’entretenir un conflit parental, alors qu’ils ne sont que sidérés ou traumatisés par ce que subit leur enfant.
Il semble qu’il y ait une corrélation très fréquente entre accusation de SAP et les révélations d’inceste ou de violences en général, car sinon, dans les affaires portées à la connaissance des associations de protection des enfants, cette accusation serait utilisée beaucoup plus tôt dans les procédures notamment en matière de violences conjugales.
D’ailleurs, selon l’action 58 du 5ème plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes 2017-2019, mis en place par le gouvernement, le syndrome d’aliénation parentale est ainsi critiqué :
Informer sur le caractère médicalement infondé du « syndrome d’aliénation parentale » Dans les cas de violences conjugales ou de violences faites aux enfants, l’allégation du « syndrome d’aliénation parentale » soulève de réelles difficultés. Elle conduit à décrédibiliser la parole de la mère, exceptionnellement du père ou de l’enfant, et par conséquent à en nier le statut de victime en inversant les responsabilités.
Or, aucune autorité scientifique n’a jamais reconnu un tel « syndrome » et le consensus scientifique souligne le manque de fiabilité de cette notion. Il n’est reconnu ni par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM5) ouvrage de référence de l’association américaine de psychiatrie (APA), ni par la classification internationale des maladies publiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La recherche démontre que les fausses allégations de maltraitance ou de négligences sur les enfants sont marginales (xxxvi).
2 – La Projection
Selon la psychothérapeute et psychanalyste Caroline Bréhat, lorsqu’un homme violent accuse son ex-conjointe « d’aliénation parentale », il importe d’investiguer la situation car les personnalités violentes ont souvent développé des mécanismes de défense archaïques tels que l’identification projective appelée projection.
La projection est, selon la psychanalyse, un mécanisme de défense inconscient qui permet de rejeter la faute (craintes ou désirs vécus comme interdits) sur l’autre. Les pères violents, adeptes de ces mécanismes de défense, accusent les femmes d’être fusionnelles et aliénantes parce qu’ils ne peuvent reconnaître consciemment que ce sont eux qui ont un comportement fusionnel et aliénant. Selon l’American Psychological Association : « Les agresseurs intrafamiliaux projettent très habilement la faute sur leurs victimes. » (xxxvii)
3 – L’emprise
D’après le juge Durand, Ce que cherche l’agresseur (intrafamilial), c’est le pouvoir sur l’autre, c’est créer une emprise. Il ne supporte pas l’autonomie de sa conjointe ou de ses enfants.(xxxviii)
La psychiatre Marie-France Hirigoyen parle de l’emprise en ces termes :
« L’emprise est un phénomène de violences psychologiques qui s’installent dans le temps… Un brouillage s’opère (car) des choses agréables sont dites, suivies par des choses déplaisantes…La personne sous emprise qui reçoit ces dénigrements va les intégrer, se dire « c’est vrai ». Sur le registre cognitif, ces messages contradictoires ont un effet paralysant sur le cerveau. Ce brouillage entraine la perte de l’esprit critique. Les personnes sous emprise ne savent plus à quel moment réagir. Vulnérables, ça les amène à se laisser soumettre. » (xxxix)
4 – Pour empêcher la victime de parler, l’agresseur utilisera facilement le chantage, les menaces, le mensonge…
…avec des paroles du type « si tu parles…cela va détruire la famille, je risque d’aller en prison, tous les parents font ça quand on aime ses enfants (confusion entre sexe et amour filial), c’est un secret entre nous, personne ne te croira… »
Une stratégie courante de l’agresseur intrafamilial
D’après le juge Durand : (L’agresseur) recherche sa proie. Il l’isole, il crée un climat de tension et de peur. Il inverse la culpabilité. Il impose le silence. Il recherche des alliés. Et finalement il assure son impunité. (xl)
D’après Faller, Les agresseurs familiaux font généralement preuve d’une grande habileté à impressionner les administrations, ils sont souvent charmants, et difficiles à démasquer.(xli)
Le parent maltraitant présumé est (considéré comme) le plus stable et la mère comme la cause des troubles plutôt que comme une femme qui réagit à la détresse de ses enfants (xlii) .
Le pouvoir de l’agresseur et la possibilité de passage à l’acte criminel sont accentués par la proximité avec l’enfant. (xliii) Ce qui explique, entre autres, le fort taux d’inceste.
D’après Cyrulnik, quand l’attachement ne se fait pas ou mal (séparation durable ou proximité trop grande provoquant une fusion-confusion des sentiments), l’interdit de l’inceste n’empêche pas la réalisation des désirs sexuels. De plus, il estime que les discours sociaux ne sont pas clairs et les interdits ne sont donc pas clairs non plus !
Comme l’expliquent Isabelle Aubry et Gérard Lopez (xlv) ,l’inceste heureux est parfois plaidé lors des procès mais cette théorie ne tient pas la route quand on examine les survivants : ils présentent quasiment tous « des troubles de l’attachement et des problèmes psychologiques, somatiques et sociaux, caractéristiques de l’emprise psychologique ». « Il serait criminel d’aider un enfant à s’adapter coûte que coûte à une famille maltraitante. Il faut au contraire l’encourager à trouver des facteurs extra-familiaux favorables » et l’aider à fabriquer du lien social. Un bon accompagnement social et judiciaire constitue un facteur de protection.
Dorothée Dussy (xlvi) , anthropologue et directrice de recherche au CNRS, explique également que « l’argument du bonheur est l’apanage des violeurs ». Effectivement, les témoignages de relations sexuelles vécues dans l’enfance sont toujours exprimés sous forme de plaintes. Il n’y a que les fictions pour mettre en scène un inceste heureux. Elle n’a d’ailleurs jamais rencontré quelqu’un qui ait subi un inceste et qui aille bien (xlvii) .
Même si beaucoup d’agresseur d’enfants aiment s’en vanter, non il n’existe pas d’inceste heureux.
La formation aux violences sexuelles
Toute personne réalisant des enquêtes, expertises, entretiens ou auditions d’enfants victimes, peut se former au protocole NICHD (National Institute of Child Health and Human Development) pour aider à la révélation des violences subies. C’est une technique canadienne, expliquée par l’ONPE ou Mireille Cyr, actuellement enseigné dans la police et la gendarmerie pour qu’il soit utilisé dans les salles Mélanie entre autres. D’après la CIIVISE, cette technique permet d’obtenir des témoignages particulièrement fiables et de grande qualité car elle évacue le faible risque de fausses allégations. (xlviii) : http://nichdprotocol.com/french.pdf
Il existe aussi le protocole CALLIOPE enseigné par le comité Alexis Danan de Bretagne. (cf la parole de l’enfant)
Toute personne désirant mieux connaître les bases de la connaissance en matière de violence sexuelle, peuvent suivre une formation gratuite sur deux jours avec l’association Stop aux Violences Sexuelles (SVS). Des formations destinées aux professionnels sont également proposées avec cette association : https://www.stopauxviolencessexuelles.com/formations-2/
Toute personne désirant approfondir ses connaissances en matière de violence au sein du couple, l’impact sur les enfants et les violences sexuelles, peuvent se procurer gratuitement les 4 kits de formation proposés par le gouvernement et réalisés par la MIPROF (mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains). : https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/outils-violences-au-sein-du-couple
Beaucoup d’associations proposent des formations en lignes :
-Lumni : l’audiovisuel public au service de l’éducation pour les élèves (les enfants de 3 à 20 ans) mais aussi les enseignants et les éducateurs (Arte, France Médias Monde, France Télévisions, INA, Radio France et TV5 Monde)
Plusieurs associations de soutien (liste non exhaustive) sont recensées sur le site Sous le Regard d’Hestia : https://sousleregarddhestia.com/[l] (Suspicion de Violences Intrafamiliales/ se renseigner)
Le très complet et aidant guide du parent protecteur réalisé par Face à l’Inceste (téléchargeable sur le site pour les adhérents) :
-La CIIVISE : Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Témoignages possibles aux 0 825 802 804 depuis la métropole et 0 800 100 811 depuis l’outre-mer et l’étranger ou par mail temoignages@ciivise.fr ou par courrier à CIIVISE, 14 av Duquesne, 75007 Paris
Brochure écrite par Fleur Delaunay, éditée par « Protéger l’enfant » et « sous le regard d’Hestia »
Merci à Caroline Bréhat pour son regard professionnel de psychothérapeute et son aide précieuse.
La problématique des centres médiatisés, dans un cadre de violences intrafamiliales est méconnue. Pourtant il faut la comprendre pour protéger les victimes.
Qu’est-ce que les centres médiatisés ?
Dans un cadre de relations familiales conflictuelles, les centres médiatisés sont des lieux de rencontres instaurés par la justice où tous les membres d’une famille peuvent se retrouver de manière encadrée. (On les confond avec les lieux neutres mais ce sont 2 procédures différentes). Les objectifs des centres sont de développer les actions de prévention, soutenir la coparentalité, renforcer les coopérations entre les différents acteurs et limiter leurs impacts sur les liens parents-enfants.
Sauf que si ces rencontres sont probablement bénéfiques dans le cadre de conflits simples, elles deviennent très problématiques dans un contexte de violences conjugales. Quand on force des enfants qui dénoncent des faits de violences à revoir régulièrement le parent accusé ou condamné, la justice ne fait que rajouter de la violence dans leur vie.
La problématique des centres médiatisés en cas de violences intrafamiliales
Pourquoi imposer à des enfants qui dénoncent un parent violent (parfois reconnu coupable et condamné) de le revoir ? L’argument de maintenir à tout prix le lien parent-enfant n’est plus recevable quand l’adulte est malveillant. Un parent maltraitant n’est pas un bon parent. Le revoir, c’est perpétuer la torture. Comment peuvent-elles guérir de leurs traumatismes si on oblige les victimes à revoir leur bourreau tous les mois ?
Le droit de l’enfant doit absolument primer sur le droit à l’enfant. Or actuellement, pour les juges français, le droit du parent accusé prime tandis que le témoignage des parents protecteurs est systématiquement remis en question. Il est grand temps de privilégier le principe de précaution à la présomption d’innocence, qui permet au parent violent de perpétrer son emprise. Cela fait donc partie de la problématique des centres médiatisés.
Quelle neutralité ?
Quand il s’agit de protéger les enfants victimes de violence psychologiques, sexuelles, etc, la neutralité n’existe pas. La justice ne doit pas maintenir des liens néfastes mais prendre partie pour les victimes et les éloigner à tout prix de leurs bourreaux. Les centres médiatisés ne sont pas des espaces protecteurs actuellement, ils ne font qu’alimenter des traumatismes.
Pire. De par leur mission, ils doivent signaler à la justice les incidents et transmettre une note de fin de mesure. Sauf que le jeu est faussé. Le personnel est rarement formé et se laisse facilement influencer par les parents violents, habitués à faire illusion. Notre association ne compte plus le nombre de rapports remis à la justice inexacts et ne reflétant pas la réalité des victimes. Ce n’est pas cela veiller à la sécurité des enfants et du parent protecteur.
La problématique des centres médiatisés est que cette neutralité affichée incongrue aboutit à de la complicité. Si les intervenants étaient plus présents et formés, ils entendraient les dénigrements, les interrogatoires, les critiques systématiques sur l’autre parent.
Le parent dysfonctionnel l’a bien compris. Si le centre médiatisé ne fait pas de rapport au juge, alors c’est la preuve que tout se passe bien. Et cela amène le juge à lui accorder un droit de visite où la violence pourra se reproduire à nouveau. Les enfants perdent confiance dans les intervenants, ils les sentent alliés de leur bourreau. Ils ne se confient plus. Et ils ne sont pas protégés.
Lutter contre les silences est capital. Il faudrait travailler étroitement avec le parent qui a dénoncé les violences et mieux prendre en compte la parole des enfants, même ceux sous emprise. Et si la parole advient, venir en aide, pour ne pas être complice.
Propositions d’amélioration :
On l’a vu la problématique des centres médiatisés englobe de nombreux domaines. Voici quelques points essentiels à améliorer.
– Aucun droit de visite en centre médiatisé pour les parents violents. Les juges doivent prendre en compte tout incident connu de violence et donner la priorité à la sécurité des victimes. Au moindre soupçon, les visites sont stoppées.
– Faire des centres médiatisés un lieu de bienveillance pour les victimes. Un lieu sans menace, pour stopper le cycle des violences. Ne pas laisser seuls les enfants avec les parents.
– Mieux former les éducateurs sur les mécanismes d’emprise, de manipulation, sur le contrôle coercitif mais également sur les psycho-traumatismes et la variété des comportements possibles chez les victimes. Parfois il suffit d’un regard d’un parent pour réduire au silence un enfant.
– Améliorer la circulation des infos vitales. Les centres médiatisés doivent être notifiés des poursuites pour violences et y porter une attention particulière. Inversement, ils doivent remonter les attitudes toxiques des adultes, les craintes des enfants et leurs refus d’interactions avec le parent accusé. Mettre à disposition du juge les vidéos des rencontres au besoin.
– Respecter la volonté de l’enfant. Si ce dernier refuse de voir un de ses parents, ne pas accuser l’autre adulte de manipulation. Trop souvent, un enfant qui a envie de voir un de ses parents = bon signe relationnel, alors qu’un refus = enfant manipulé… Soutenons la parole des mineurs, redonnons-lui sa valeur. C’est hyper important dans cette problématique des centres médiatisés mais c’est valable partout !
– Lutter contre la loi du silence. Souvent, au nom de la neutralité, la notion de violence n’est pas abordée, renforçant les mécanismes du déni, de la loi du silence et la souffrance.
– Interdire l’accusation d’aliénation parentale. La théorie du SAP ne permet pas de protéger la mère et ses enfants contre la violence car son vrai objectif est de permettre à l’agresseur de maintenir le contact avec ses victimes, mère et enfants. Tout espace rencontre qui n’est pas clair sur cette réalité ne peut pas continuer à exercer son activité.
– S’alerter des critiques systématiques du parent accusé envers le parent protecteur. Il faut s’interroger si il ne cesse de se victimiser ou de parler avec les intervenants au lieu de se concentrer sur les moments avec les enfants.
– Obliger l’embauche d’un psy formé aux violences intrafamiliales et aux abus sexuels sur les enfants. Ses rapports doivent rendre compte de l’état psychique de l’enfant, de celui de ses parents, sans déformations, interprétation ou omission d’informations essentielles.
– Respecter la décision des juges. Si ils n’écrivent pas que les sorties en extérieur sont autorisées, cela vaut pour les centres médiatisés. Les enfants restent sous surveillance. Les intervenants n’ont pas à s’allier au parent violent pour convaincre les enfants de suivre les demandes de celui-ci.
– Sortir de l’illusion de la repentance sanslong suivi psychologique avéré : un parent violent ne va pas frapper ses enfants dans un centre médiatisé, cela va de soi. Le centre n’apporte donc aucune garantie.
– En parallèle à une réforme en profondeur pour que les centres médiatisés deviennent ENFIN des endroits protecteurs, il faut interdire les Lieux neutres où les rencontres décidées par le JAF se font sans surveillance !!!
Les centres médiatisés savent peut-être régler des conflits mais ne sont pas adaptés en cas de violences intrafamiliales. Car la problématique est différente : les victimes ne recherchent pas la construction d’une coparentalité mais la protection. Pour trop d’intervenants, les violences sont du passé et il faut construire la suite. Or l’avenir n’est pas le « vivre ensemble » mais bien le soin des victimes.
Ce soin ne pourra advenir que par la conscience et la reconnaissance des violences à l’œuvre par tous (centre médiatisé inclus). Un problème non nommé ne peut jamais être traité. Les violences intrafamiliales, inceste inclus, ne s’arrêtent pas avec la fin du couple, elles continuent de s’exercer dans le lien forcé maintenu par la justice. Il faut en finir avec la neutralité et s’engager contre, requestionner les postures idéologiques sur la parentalité dans l’intérêt des enfants et de la société entière.
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Discours du Dr Jean-Marc Ben Kemoun, Pédopsychiatre
Soirée Inauguration Association WeToo, 27 novembre 2021
Je vous remercie de me donner la parole pour vous parler de la bientraitance de nos enfants.
Vous remarquerez que nous sommes un pays où la prévention ne fait pas naturellement partie des modes d’action quelle que soit le sujet.
Alors nous parlons sans cesse de maltraitance,
car effectivement nos enfants,
en tous les cas un nombre impressionnant de nos enfants sont victimes de maltraitance,
ce que nous savons depuis des dizaines d’années, dans notre pays encore démocratique, et encore développé,
mais qui n’engage aucune action réelle pour qu’en fait il soit juste question de bientraitance.
Sans les associations, et notamment sans vous, WeToo, rien ne serait fait dans notre pays pour protéger nos enfants.
Lorsqu’un enfant présente une symptomatologie, il est déjà trop tard. Cela veut dire que nous avons failli.
Alors nous pouvons considérer que nous avons failli de longue date et pour de trop nombreux enfants.
Mon ami Pierre Lévy-Soussan vous a brossé le tableau des conséquences de la maltraitance sur nos enfants,
alors que nous savons les prévenir si tant est que nous les prenions en charge le plus rapidement possible
voir que nous intervenions précocement pour enrayer le cercle vicieux de la maltraitance. On ne nous en donne pas les moyens.
Pour cela, il faut une volonté politique, il faut des moyens.
Sur le terrain où je suis depuis une quarantaine d’années je ne vois rien venir du ruissellement si cher à notre génération de responsables politiques.
J’entends bien les « tout va très bien madame la marquise » des relais nationaux, régionaux, départementaux qu’ils soient administratifs ou élus, lorsqu’il s’agit de parler des actions engagées par nos gouvernements successifs,
alors qu’en fait on est dans un saupoudrage de mesures, une sorte de cautère sur une jambe de bois.
Le gouvernement et le président de la République nous ont montré qu’ils étaient capables du quoiqu’il en coûte !
Je ne suis pas spécialiste, mais il semble que cela a permis de prévenir l’impact de la pandémie sur l’économie.
En matière de bientraitance de nos enfants, ils seraient bien inspirés de conjuguer ce quoiqu’il en coûte.
En sauvant les vies de nos enfants, ils sauveront l’économie de demain,
grâce à des futurs adultes qui ne seront pas atteints dans l’estime de soi, dans la confiance en soi, qui ne présenteront pas des troubles relationnels, des troubles affectifs, les gênant dans l’insertion affective, sociale, professionnelle et qui participeront au partage républicain : leur retraite, leur sécurité sociale etc.
Je sais que c’est un langage cynique,
mais que malheureusement il nous faut tenir,
pour que nos politiques sachent que l’argent qu’ils mettront maintenant dans un quoiqu’il en coûte pour éviter les conséquences de cette pandémie qu’est la maltraitance dans notre pays, permettra de sauver outre la santé de nos enfants, des futurs adultes, l’économie de notre pays.
La bientraitance des enfants est indissociable de la bientraitance des figures primaires d’attachements, des caregiving.
Maltraiter une mère, c’est maltraiter un enfant.
Maltraiter un enfant dans le contexte domestique, c’est maltraiter une mère.
Ceux-là, femme et enfants représentent pourtant près de 70% de la population mondiale. C’est un autre sujet, mais certaines options politiques voir juridiques, instrumentalisées par le patriarcat en perte de pouvoir, sont des outils insidieux, et masqués de cette maltraitance : le syndrome d’aliénation parentale, qui n’existe que dans leur réalité, et la résidence alternée pour les petits qui permet la poursuite du contrôle et de la maltraitance.
C’est un autre sujet mais un clin d’œil à notre 3ème larron Maurice Berger.
Je voulais vous parler aujourd’hui d’un outil de bientraitance qu’est le recueil de la parole de l’enfant,
pour lequel je suis reconnu spécialiste, grâce à mon amie le Pr Mireille Cyr, professeure de psychologie au Canada,
que j’ai fait venir en France aidé de mon ami Gérard Lopez à qui je souhaite un prompt rétablissement,
pour convaincre (nul n’est prophète en son pays) nos professionnels, nos politiques, que l’enfant n’est pas un pervers polymorphe, ni un menteur pathologique.
Sortir les mots, les idées, les concepts, de leur contexte, aboutit immanquablement dans notre société superficielle, à des contre sens lourds de conséquences, et nous en payons encore le prix.
Le protocole NICHD : je me lance
the National Institute of Child Heath and Human Development Protocol
est un protocole non suggestif de recueil de la parole de l’enfant, porté par la recherche et des études scientifique, le seul,
et qui permet de ne pas décrédibiliser la parole de l’enfant.
Lorsque l’enfant dévoile des faits, les études montrent que ce qu’il dit s’inscrit dans la réalité dans plus de 95% des cas.
C’est l’intervention inadéquate des adultes et notamment des professionnels qui reçoivent cette parole, qui va aboutir à influencer l’enfant, aux fausses allégations, à rendre sa parole non crédible.
Protéger les enfants est l’affaire de tous.
Mais ne pas être formé, risque d’aboutir à ajouter de la maltraitance institutionnelle à la maltraitance subie.
C’est aussi une des raisons du silence des enfants maltraités.
Car ils ont malheureusement déjà fait les frais de ces interventions au mieux maladroites, par des adultes qui pensaient surement bien faire (pour rester politiquement correct) mais qui sur-victimisent les enfants, qui perdent alors encore plus la confiance en l’adulte.
Nos actions inadéquates créent ces enfants dont on dit qu’ils refusent toute aide, alors qu’ils se protègent parce qu’ils ont vécu la souffrance de l’abandon, car cela correspond à une forme d’abandon.
La majorité du temps quand un enfant a parlé, et qu’il s’engage dans le train fantôme qu’est la procédure judicaire, cela abouti à un classement sans suite.
70% de sans suite en moyenne, c’est une catastrophe,
quand on sait que dans 95% des cas, les faits s’inscrivent dans la réalité.
Nous en sommes pour partie responsables et personnellement je pense pour une grande part, car nous avons contribué à le rendre non crédible.
En tant que médecin légiste je puis vous affirmer que dans la majorité des cas nous ne retrouvons pas trace physique des maltraitances, même lorsqu’elles ne sont pas uniquement concentrées dans les domaines verbaux, psychologiques, ou de la négligence. Il n’est pas rare que les violences sexuelles, les violences physiques n’engendrent aucun stigmate. Et que l’enfant victime de violences conjugales, est un enfant maltraité qui ne présentera jamais aucune trace physique de ce qu’il a vu, entendu, senti, ressenti…
Alors que reste-t-il à la justice pour pouvoir assoir son intime conviction ? Il reste un faisceau d’arguments qui finira par avoir valeur de preuve.
Et dans ce faisceau d’arguments il y aura
le signalement ou l’information préoccupante du professionnel à qui l’enfant s’est confié
l’audition judiciaire qui doit être au plus proche de la révélation. Il faut ainsi éviter que l’enfant soit interviewé par de nombreux intervenants avant les professionnels de l’audition judiciaire, pour éviter justement la pollution de son discours
l’expertise médico psychologique ou psychologique
Bien sûr, il y aura aussi lorsque cela est ordonné
la mesure judicaire d’investigation éducative
l’enquête sociale
qui sont des évaluations sur le temps, lorsqu’on donne le temps.
Mais lorsque les professionnels
ne sont pas formés
ne sont pas supervisés, ni dans la qualité de leurs interventions
ne savent pas ce qu’est un enfant
ne savent pas grand-chose du développement de l’enfant
n’ont pas de notion de ses capacités cognitives à son âge
n’ont pas de notion de l’impact de la maltraitance et donc sont gênés dans l’analyse des troubles du comportement, ou de la désorganisation psychique
travaillent chacun dans leur coin, sans jamais confronter leurs points de vue
ne connaissent pas le rôle, la fonction, la limite des interventions de l’autre professionnel, de l’autre institution
voir même par méconnaissance, mais aussi parfois dans une sorte de sentiment de toute- puissance, sortent de leur rôle en ayant le sentiment de pouvoir mieux assurer celui de l’autre
On aboutit à ce que l’on voit trop souvent en France, la décrédibilisation de la parole de l’enfant. C’est pourquoi non seulement les professionnels
doivent être des professionnels de l’enfance et de l’adolescence
ils doivent être formés et notamment aux techniques non suggestives de recueil de la parole, et jusqu’au psychothérapeute dont on sait qu’ils peuvent transformer la parole des personnes, qui viennent les voir, par la recherche de sens nécessaire à la réparation
Les professionnels doivent être formés à travailler ensemble, en complémentarité, et le législateur doit nous aider à trouver un lieu commun pour qu’on ne nous renvoie pas à chacun à notre secret professionnel, ou que d’autres l’utilisent comme camouflage pour ne pas agir, pour ne pas protéger.
C’est ainsi que le recueil de la parole de l’enfant doit être fait dans des lieux uniques.
Certains vous diront, et je vous rappelle que c’est ce que préconise le secrétaire d’État Adrien Taquet, de créer des unités dans les services de pédiatrie,
mais vous savez que d’autres unités sont dans des services d’urgence, dans des services de pédopsychiatrie, dans des unités médico judiciaire, car comme souvent en France nous sommes dans une guerre des égos, et la médecine n’est pas indemne de cette guerre.
Mais nous savons très bien que les forces de police ou de gendarmerie, le parquet, auront du mal à investir ces unités car elles sont un lieu de travail inhabituel, déconnectés de leur réalité.
Alors nous préconisons un lieu unique, neutre, sans stigmatisation, comme l’ont déjà fait d’ailleurs les anglo-saxons, mais aussi les pays nordiques, où c’est le professionnel qui vient à l’enfant et non l’inverse, pour diminuer le labyrinthe du parcours des victimes lorsqu’ils sont confrontés à la recherche de la preuve.
Ce lieu unique doit être un lieu adapté à l’enfant, un lieu d’accueil, un lieu où il va se sentir bien, un lieu d’alliance avec le professionnel formé, car moins l’enfant ressentira du stress, plus son discours s’inscrira dans la réalité.
Ce lieu unique doit regrouper tous les professionnels qui doivent prendre l’habitude de travailler ensemble, de se connaître, de connaître et respecter le rôle de chacun, ses limites, afin de rendre optimale le faisceau d’arguments qui va entraîner la conviction des magistrats.
Les professionnels intégrés à ce lieu doivent être
les professionnels de la santé bien sûr, pédiatres, pédopsychiatres, psychologues de l’enfant et de l’adolescent, infirmières,
les travailleurs sociaux
mais aussi et surtout
les officiers de police judiciaire
le parquet mineur
voir le juge des enfants, le juge aux affaires familiales, le juge d’instruction, pour qu’ils aient chacun une notion de ce qu’est un enfant, de comment les preuves sont recueillies, et une juste appréciation de la valeur de cette preuve
sans oublier les professionnels de la prise en charge de l’entourage, mais aussi comme au Canada, en Australie de la prise en charge des victimes, au plus proche de la révélation, par des professionnels présentés au moment de ce parcours judiciaire, ce qui aboutit à une meilleure observance.
Et tout cela en lien avec les professionnels de l’éducation nationale, car un enfant victime est un enfant qui doit être accompagné dans l’insertion sociale, affective et scolaire.
Et ce réseau ne doit pas être et ne peut pas être délié.
Les professionnels doivent se connaître, travailler ensemble, autour de l’enfant, avec l’enfant, avec son entourage protecteur.
Bien sûr en parallèle il faut assurer la prise en charge de l’auteur présumé. Mais il n’est pas le lieu en parler ici
Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, lorsque nous recevons un enfant victime, il est impossible de l’adresser dans le tissu territorial de la prise en charge globale,
la santé n’a pas de place,
et les autres professionnels sont trop dissociés et en deviennent dissociant.
Bientraiter un enfant passe ainsi par bien accueillir et recueillir sa parole pour lui donner la meilleure chance d’être cru.
Alors merci à Wetoo de participer à faire bouger les lignes et de convaincre nos dirigeants,
ceux qui ne sont pas inscrits dans des dynamiques de violences et qui se protègent pas un blocage institutionnel,
d’etre dans la prévention de la maltraitance, et comme pour l’économie, en changeant de paradigme, dans le quoi qu’il en coute, car les deux sont liés, même s’ils n’en ont pas conscience. Je rappelle d’ailleurs ce que j’enseigne à mes étudiants en droit, en médecine, en psychologie que la délinquance est jusqu’à preuve du contraire un symptôme de la maltraitance, et bien traiter notre jeunesse, aboutira à terme à une diminution des conséquences sur la société tout entière du traitement de la délinquance, et de la transmission transgénérationnelle de la maltraitance.
Dr Jean-marc Ben Kemoun Psychiatre, pédopsychiatre, médecin légiste Médecin des Hôpitaux Honoraire Expert près la CA de Versailles
Romancière, psychanalyste et psychothérapeute française, Caroline Bréhat a travaillé quinze ans à l’ONU et dix ans comme journaliste à New York. Son roman autobiographique « J’ai aimé un manipulateur » (Éditions des Arènes), traduit en douze langues et son livre témoignage « Mauvais Père » (Éditions des Arènes) traitent tous deux du sujet des pervers narcissiques et des parents destructeurs. Enfin Caroline Bréhat a publié récemment ‘Les mal aimées‘. Elle y aborde sous un autre angle la violence familiale transgénérationnelle, nous avions rédigé un article.
Le « SAP » (Syndrome d’Aliénation Parentale) ou « AP » (Aliénation Parentale), stratégie judiciaire employée par des pères maltraitants pour occulter les violences faites aux enfants, a le vent en poupe en France.
La lourde porte vient de se refermer derrière la jeune femme. Un claquement sourd, qui, une fois encore, lui a brisé le cœur. La rue grouille de vie sous le soleil de midi, mais elle, elle est seule au monde, glacée. Elle s’appelle Julie, et son visage, qui devait être joli, est ravagé par un torrent de larmes, figé dans une grimace atroce, un hurlement silencieux. Ne pas se retourner, ne pas se précipiter vers cette porte, vers l’interphone, ne pas supplier de pouvoir entrer à nouveau, « juste cinq minutes encore », ne pas être cette femme qu’ils imaginent, dont ils doivent parler avec condescendance, « immature », « théâtrale », « démonstrative », « intolérante à la frustration »… «manipulatrice », en fait. Il y a deux heures à peine, Julie se présentait à cette même porte, en avance, bien sûr :
– Bonjour, je suis… la maman de Lili !
Un grésillement électrique, et « clac », la porte qui s’entrouvre sur un couloir vide, où Julie s’engouffre, heureuse et terrifiée à la fois. A l’intérieur, des bruits carcéraux : des portes, des clés, des chaises qui tombent, des cris d’enfants étouffés derrière les murs. Des bâtiments jaunes ferment la cour. Derrière les hautes fenêtres, les salles monacales où se déroulent les « rencontres médiatisées » ne contiennent que des chaises et des tables en métal. Aucune décoration, pas de dessins sur les murs, pas un jouet, pas même un sapin pour Noël. Julie attend, la gorge serrée. Soudain, un bruit de course, effrénée, puis un cri : « MAMAN ! ». Une petite fille blonde d’environ 4 ans apparaît bientôt, accompagnée d’un éducateur.
La jeune femme tombe à genoux, ses bras se tendent, et elle ne sait plus si elle pleure ou si elle rit. L’enfant se jette sur elle, et les petits bras et les petites jambes se serrent si fort autour du cou et du torse maternels que c’en est douloureux. Leurs voix se mélangent : « Maman… Lili… maman… Lili… Que tu es belle… Et toi aussi »… Julie respire son enfant, la tête enfouie dans ses cheveux, pour mémoriser cette odeur qui lui a tellement manqué ces deux dernières semaines. Lili ne se décrochera de sa maman que quelques minutes pour dessiner leur « maison » à la craie sur le sol de la cour dans laquelle elle demandera à sa mère de s’asseoir et de l’enlacer, les yeux fermés. Les deux heures accordées passeront en un instant, et l’éducateur devra intervenir, comme il s’y attendait, pour arracher Lili à sa maman. La fillette hurlera de désespoir, les murs étoufferont ses cris, et Julie ressortira comme d’habitude, seule, chancelante.
Voilà bientôt deux ans que Julie ne voit Lili que 2 heures tous les 15 jours, de 10 h à midi, dans un centre de médiation familiale. Elle n’a fait l’objet d’aucune condamnation ni poursuite. Pourtant, elle est considérée par la justice comme une mère « hautement toxique » dont il faut protéger l’enfant. Son crime ? Avoir cru sa fille lorsque celle-ci lui a raconté le « secret de papa ». Une mécanique infernale s’est alors enclenchée malgré les signalements de professionnels de la santé alarmés par les jeux sexualisés de l’enfant aux autorités compétentes comme la loi les y oblige. La partie adverse a brandi le « Syndrome d’Aliénation Parentale » (SAP), et, par un incroyable retournement, c’est Julie qui a été immédiatement suspectée, car, de plus en plus, pour de nombreux intervenants judiciaires, les accusations de maltraitances sexuelles, mais aussi physiques, sont perçues comme des tactiques maternelles pour priver les pères de leurs enfants.
Aussi, en décembre 2013, Lili a, dans un premier temps, été confiée à son « père », Julie obtenant des droits de visite classiques (deux week-ends par mois et la moitié des vacances). Mais les jeux sexualisés de Lili ont alerté Hélène Romano, Docteure en psychopathologie clinique, spécialisée dans le psychotraumatisme, qui a immédiatement fait un nouveau signalement à propos d’une « petite fille d’environ 2 ans présentant via un jeu traumatique, des manifestations très spécifiques d’enfant agressée sexuellement ». Une expertise, réalisée par un praticien aujourd’hui gravement remis en cause par ses pairs, concluant que « Julie trouvait sa satisfaction dans l’utilisation de l’enfant contre le père, ce qui entre dans le cadre des syndromes d’aliénation parentale », a valu au signalement d’être classé sans suite. La pathologisation de la mère prenant soudain toute la place, les accusations de violences paternelles ont disparu du radar de la justice, et Julie est devenue en octobre 2014 la « visiteuse » de son enfant.
Le « SAP » a été inventé en 1985 par un sulfureux psychiatre américain nommé Richard Gardner dans un contexte de levée du tabou de l’inceste et de multiplication des plaintes.
Persuadé que la grande majorité des enfants qui refusaient de voir le parent non gardien, généralement le père , et qui alléguaient des violences paternelles avaient subi un « lavage de cerveau » par leur mère qui entretenait avec eux un lien pathologique, Gardner a déployé une énergie plus que suspecte à diffuser ses thèses douteuses, toutes d’ailleurs publiées à compte d’auteur et jamais soumises à la moindre évaluation par ses pairs. Malgré une levée de boucliers de la part de chercheurs sérieux, ses influentes théories ont provoqué une multitude de catastrophes judiciaires conduisant même des enfants au suicide [I]. Gardner, qui avait obtenu un titre de professeur honorifique à la faculté de médecine de Columbia, titre accordé à des cliniciens qui acceptent des étudiants à leurs consultations, n’avait pas hésité à usurper le titre de professeur de psychiatrie, même si ses revenus provenaient exclusivement de ses expertises qu’il facturait 500 dollars de l’heure à des pères accusés d’abus sur enfant [II].
De nombreux chercheurs ont conclu que la plupart des écrits de Gardner étaient fortement misogynes, axés sur la malveillance et la pathologisation des mères. Mais Gardner considérait aussi que la société avait « une attitude excessivement punitive et moralisatrice envers les pédophiles » [III], et estimait que la société devait reconnaître leur « rôle fondamental pour la survie de l’espèce humaine » [IV]. Gardner a notamment soutenu Woody Allen contre Mia Farrow dans le cadre de leur litige de garde en 1992 affirmant à Newsweek qu’ « invoquer des maltraitances sexuelles était un moyen très efficace pour se venger d’un mari détesté ». Ultime preuve de son déséquilibre, Gardner s’est suicidé en se lardant de coups de couteau en 2002. Malgré de nombreuses tentatives et un lobbying effréné, représenté en France par l’expert psychiatre auprès de la Cour de Cassation, Paul Bensussan, le « SAP/AP » vient à nouveau d’être refusé d’inclusion dans la nouvelle mouture du DSM V (Manuel diagnostique et statistique international des troubles mentaux ) et n’est PAS reconnu par l’ Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Considéré par l’avocat américain, Richard Ducote, comme « un cancer dans les tribunaux américains » , et par l’expert des violences sur mineurs, Jon Conte, comme « la pire saloperie pseudo scientifique rencontrée pendant sa carrière » , qui a ajouté « qu’élaborer des politiques sociales sur quelque chose d’aussi inconsistant était follement dangereux » , le « SAP/AP » n’en a pas moins le vent en poupe dans les prétoires Français.
En 2013, la Cour de Cassation a même approuvé le jugement de la cour d’appel de Rennes, qui avait ordonné le transfert de résidence de l’enfant chez le père en raison du « SAP »[V]. « La sensibilité des professionnels à ce concept conduit ainsi à déplacer le questionnement juridictionnel de l’auteur des violences conjugales vers la mère suspectée de nuire à la relation entre le père et l’enfant, occultant ainsi les violences et leur impact sur l’enfant. Ce déplacement de la problématique conduit aussi à culpabiliser la mère et à négliger la protection de l’enfant », affirme le magistrat Edouard Durand. D’abord utilisée uniquement pour contrer des accusations d’inceste, l’« aliénation parentale » est devenu une stratégie judiciaire à la mode, de plus en plus souvent brandie comme « diagnostic » dès lors qu’un enfant refuse de se rendre chez un parent, le rejette ou invoque des violences paternelles selon les associations de défense des droits des mères et des enfants.
Le « SAP/AP » suscite pourtant de vives polémiques.
Le Professeur Bernard Golse pédopsychiatre et chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants Malades, considère le « SAP » comme un « pur fantasme d’une nosographie psychiatrique prétendument moderne qui ne repose sur aucune base scientifique, et ne fait que recouvrir l’agressivité et les carences des adultes sous les oripeaux d’une fallacieuse scientificité » . Le docteur Gérard Lopez, psychiatre Expert près la Cour d’Appel de Paris et Président fondateur de l’institut de Victimologie de Paris, considère le « SAP » comme un outil favorisant la non-assistance à personne en danger .
Comment expliquer qu’un concept fumeux qui brille avant tout par son manque de rigueur scientifique, promu par un psychiatre déséquilibré, connaisse un tel succès au pays de Descartes ? « Le SAP est un concept séduisant pour des spécialistes non formés ou insuffisamment formés aux conséquences du divorce sur les enfants, qui trouvent une explication simpliste à tout problème de contact entre un parent et son enfant, lequel s’explique le plus souvent par les carences parentales du parent rejeté ou la violence d’un conflit parental qui amène l’enfant émotionnellement vulnérable à prendre parti pour un parent contre l’autre », explique la présidente de l’Enfant d’abord, Jacqueline Phélip qui a étudié la question durant un an avec l’aide de chercheurs américains connus internationalement.
Car l’aliénation ou l’emprise existent bien, mais ils sont rares : « Ils sont le fait d’individus déséquilibrés présentant des troubles psychiatriques », poursuit Phélip. Cependant le « SAP » commence à subir quelques revers de fortune dans d’autres contrées. En 2016, trois psychologues (2 américains dont Douglas Darnall, souvent cité par les pro-SAP, et 1 australien) ont été sanctionnés pour la nature « non professionnelle » de leurs expertises. L’une d’entre elles était accusée de « ne faire aucune différence entre les faits, la rumeur, l’ouï-dire et l’opinion personnelle et d’utiliser le « SAP », en postulant à tort que ce syndrome était une classification psychiatrique reconnue et fréquemment employée » [VI].
La lutte contre la violence faite aux femmes a été déclarée grande cause nationale en France en 2010, une femme meurt tous les trois jours (2,5 jours) sous les coups de son conjoint ou de son partenaire, deux enfants meurent chaque jour sous les coups de leurs parents [VII]. Selon l’Association internationale des victimes d’inceste (AIVI) et le Collectif féministe contre le viol (CFCV), il y aurait deux millions de victimes en France, un enfant par classe, des « crimes » majoritairement commis par des hommes. Pourtant, les tribunaux aux affaires familiales rechignent à faire le lien entre le fléau des violences intrafamiliales et l’utilisation manipulatoire, par les pères incriminés, du « SAP ». C’est d’ailleurs ce qu’a constaté en 2004 le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, Juan Miguel Petit : « De nombreux individus occupant des positions de responsabilité dans le domaine de la protection de l’enfance, plus particulièrement dans la magistrature, refusent encore de reconnaître l’existence et l’ampleur de ce phénomène, incapables d’accepter le fait que beaucoup de ces accusations de violence sexuelle puissent être vraies »[VIII].
Malgré les affirmations d’associations telles que l’Association contre l’aliénation parentale (ACALPA), qui emploient des formules propres à frapper l’imaginaire telles que les « enfants-soldats » ou la « parentectomie »[IV], toutes les enquêtes prouvent que les fausses allégations sont marginales. La prise de conscience des ravages causés par le « SAP/AP » aux Etats-Unis est à l’origine du rapport de DV LEAP-OVW , financé par le Ministère de la justice américain, intitulé « Crises au tribunal de la famille : leçons sur des renversements de situations », qui présente la situation de 27 enfants, confiés au parent protecteur après avoir été initialement confiés à un parent maltraitant, en raison des preuves apportées par la suite des abus et violences de ce dernier. Il y est fait état d’une étude récente réalisée par les agences nationales américaines de protection de l’enfance, qui conclut que seulement 0.1% des allégations rapportées aux services de protection de l’enfance étaient considérés comme délibérément fausses . Une étude canadienne, réalisée par Trocme et Bala en 2005, conclut que le parent non gardien, en général les pères, sont plus susceptibles de faire des fausses allégations que les mères (15% versus 2%, respectivement).
Les pères seraient-ils plus enclins à mentir que les mères ? Non, bien sûr, mais les études s’accordent sur le fait que les litiges de garde comportent souvent un taux élevé de violences intrafamiliales par rapport à la population générale des divorcés, les familles non violentes résolvant généralement ces questions hors tribunal. Or selon l’Association américaine du Barreau, qui a publié un guide sur les meilleures conduites : « De nombreux agresseurs familiaux sont de grands manipulateurs, ils se présentent comme de bons parents coopératifs et dépeignent le parent victime comme une personne diminuée, vindicative ou excessivement protectrice » . C’est aussi l’avis de l’American psychological Association : « Les agresseurs intrafamiliaux projettent très habilement la faute sur leurs victimes ».
C’est face à ce type de situation, afin de dénoncer les reculs enregistrés ces dernières années en matière de protection de l’enfance, que la pédopsychiatre Eugénie Izard a créé le Réseau de Professionnels pour la Protection de l’Enfance et l’Adolescence (REPPEA) et dirigé en collaboration avec la psychologue Hélène Romano l’ouvrage « Danger en protection de l’enfance : dénis et instrumentalisations perverses ». « Depuis le procès d’Outreau, l’attention portée à la parole des enfants maltraités est retombée au niveau du XIXe siècle où les témoignages des violences subies par des enfants étaient systématiquement disqualifiés » écrit Hélène Romano. Les deux spécialistes plaident pour une « juridiction pluridisciplinaire spécialisée dans ce domaine ».
En France comme ailleurs, les promoteurs de cette théorie « antivictimaire » ont pignon sur rue. L’expert judiciaire belgo-canadien et professeur à l’Université de Montréal, Hubert Van Gijseghem, pense que « trop écouter et judiciariser la parole de l’enfant peut avoir des conséquences plus graves que l’abus lui-même ». Auditionné devant le comité de la Chambre des communes canadienne, au sujet d’un projet de loi voulant durcir les peines des prédateurs sexuels, Van Gijseghem a surpris son auditoire en soutenant que la « pédophilie » (il faut en fait parler de pédocriminalité) était une orientation sexuelle au même titre que l’hétérosexualité ou l’homosexualité [X]. Van Gijseghem intervient pourtant dans la formation de magistrats, de psychologues, de policiers, de gendarmes et de travailleurs sociaux dans différents pays.
L’autre thuriféraire du « SAP/AP » en Europe, Paul Bensussan, psychiatre et expert auprès de la Cour de Cassation, affirme lui aussi que les parents aliénants sont essentiellement les parents gardiens donc des mères. Devenu le « sachant » officiel de la remise en cause des enfants du procès d’Outreau qu’il n’a pourtant jamais expertisés , est un autre propagandiste ultrazélé du SAP, qui s’élève contre la « sacralisation » de la parole de l’enfant. Pourtant, selon la Défenseure des enfants, Claire Brisset, seulement 10 % des révélations de viols et agressions sexuelles débouchaient sur une procédure judiciaire en 2001. Bensoussan a réalisé une expertise en décembre 2013 après que la petite Marie, alors âgée de 3 ans, a manifesté des comportements sexualisés avec sa mère et à l’école envers d’autres enfants, et accusé son père d’attouchements.
Le pédopsychiatre de Marie expliquait dans son expertise que le père de Marie était une « figure anxiogène » pour l’enfant. Mais Bensussan balaie l’hypothèse des violences paternelles et préfère y voir l’ombre d’une mère pathologique : « ces accusations sont compatibles avec l’hypothèse d’un abus sexuel, mais tout aussi compatibles avec celle d’un abus fantasmé » en lien avec « les craintes de la mère nourries par de nombreux fantasmes de viols incestueux ». C’est sur la base de la « certitude maternelle inébranlable » et de « la vive réticence maternelle quant au contact père-fille » que Bensoussan, qui écrit qu’il se fonde notamment sur les paramètres définis par Van Gijseghem dans l’évaluation de la validité d’une allégation, a recommandé le transfert d’autorité et de garde de Marie à son père. La petite Marie, qui n’a donc jamais été expertisée, n’a pas vu sa mère depuis 26 mois car le centre désigné par le juge pour les visites médiatisées n’est pas habilité aux visites et les juges n’ont pas répondu à ses requêtes tendant à désigner un autre organisme.
[VIII] Petit, J.M. 2004. Rights of the Child (Addendum : Mission to France, 25-29/11/2002), http:// ap. ohchr. org/ documents/ dpage_e. aspx? m= 102 (Internet, 29/12/2004).