En 2013, alors qu’elle vit avec une personne qui a des addictions (alcool, etc.) et qu’elle gère au mieux leur petit garçon, Mariette fait la rencontre du locataire de sa sœur, Léo.
Rencontré à l’anniversaire de sa sœur, il tente immédiatement de la séduire. La jeune entrepreneuse part une semaine plus tard au Népal 3 mois pour son business avec son fils et son père. Léo lui écrit tous les jours, au début sous des prétextes pro puis plus intéressé. Mariette est engluée par ses jolis mots qui arrivent en masse.
Quand elle lui confie la violence qu’elle subit, il lui dit « Quitte le, tu mérites mieux« , se positionnant en sauveur. Comme il vit chez sa sœur, il connait plein de choses sur elle, il la sait fragilisée. Mariette décide de quitter le père de son fils et l’annonce à sa sœur malgré la réticence de Léo : « Ne lui dis pas, elle sera heureuse pour nous« .
Quand sa sœur l’apprend, elle semble horrifiée : « tous mais pas lui« . Elle se met en colère, expulse Léo sans s’expliquer ni à son mari ni à sa sœur. Mariette comprendra des années plus tard par son frère que sa sœur avait une histoire avec Léo et qu’il les manipulait toutes les deux. A ce moment, Léo se met en colère, se pose en victime, s’en prend à lui-même, se scarifie.
Léo lui propose de passer la saison des marchés avec lui. Il loue une maison isolée sans la consulter. Tout va très vite. Même l’arrivée des critiques. Léo la dénigre continuellement, lui reproche sa façon d’être avec les hommes au marché. A la fin de la saison, elle rentre chez elle, là où vit le papa de son fils. Ça énerve Léo qui voudrait qu’elle s’éloigne de lui mais Mariette résiste 2 ans pour que son garçon continue de voir son père. Léo lui fait payer ce choix en étant très agressif et culpabilisant.
Mariette et Léo finalement s’installent 5 mois dans une maison sans vis à vis, à 2km du papa. 5 mois d’horreur où Léo achève de mettre en place son emprise par un yoyo émotionnel puissant. Hyper possessif, violent, il alterne des moments de douceur où il « réclame » un enfant et des crises de jalousie et de schizophrénie : il casse tout, écrit sur les murs, lance des couteaux, répète des trucs en boucle, espionne l’ordinateur de Mariette…
Des amis, passant à l’improviste, sont témoins de cette folie et d’une tentative d’homicide : après avoir projeté des chaises et autres objets sur Mariette, Léo lui lance une hache qui passe à quelques centimètres de son visage. Il menace d’aller tuer son premier compagnon dont il ne supporte pas la proximité. Sidération de la part de Mariette, qui met cela sur le compte de la fatigue ou la drogue. Elle finit par fuir chez son ex qui ne réagit pas à son appel à l’aide. Alors elle retourne chez sa mère et annonce à Léo que c’est fini.
Ce dernier réussit à lui retourner le cerveau, lui faire croire qu’il va changer car il l’aime.
Sous emprise, apeurée, elle cède. Et le cycle infernal recommence. Léo la culpabilise. Tout est de sa faute à elle car elle ne veut pas déménager. Aux violences psychologiques et sexuelles se rajoutent des violences financières. Dépendante, ficelée, elle accepte de déménager dans une autre maison isolée ; loin de s’apaiser, Léo passe aux violences physiques.
Isolée, Mariette subit des coups de poings, de couteaux, des crachats. Il pousse la perversion jusqu’à s’imposer à la cuisine pour la menacer d’empoisonnement. Mariette est dans un état constant de panique et d’hyper vigilance. Elle ne dit plus rien, ne parle à personne. Un jour, elle ose demander pourquoi Léo la frappe, il répond : » tu m’as demandé d’arrêter de m’en prendre à moi alors je m’en prends à toi « . Manipulateur n’est pas un mot assez fort pour le décrire.
Quand elle lui annonce qu’elle est enfin enceinte, loin de bondir de joie, il lui demande d’avorter. S’en est trop pour Mariette qui tente de fuir. Mais elle se fait rattraper et la violence augmente encore, par représailles. Quand il apprend que c’est une petite fille, Léo décide de garder l’enfant. Il impose un prénom très dérangeant car il veut qu’elle soit une guerrière. L’enfant aussitôt née, c’est comme si Mariette devait disparaitre.
A peine rentrés, il insiste pour qu’elle aille travailler. 3 semaines après la naissance, il lui fait traverser la France pour acheter le camping-car d’un pédo-criminel. Les « vacances » sont horribles, les coups pleuvent, même devant les enfants. De surcroit, elle comprend que Léo maltraite aussi son fils, jusqu’à déchiqueter son doudou. Il ne supporte pas les réveils la nuit. S’en est trop. Pour la 4ème fois, Mariette part se réfugier ailleurs mais il finit toujours par la retrouver et la menacer du pire pour elle et les siens.
Elle rencontre aussi pour la première fois la mère de Léo qui lui dit » Fuis, il a un dossier psychiatrique, méfie-toi de son intelligence « .
Mais c’est trop tard, Mariette est comme dans une prison mentale où il lui est impossible de dire les choses, voire même de les penser. Elle vit dans un état de terreur, son état est téléguidé par la violence de Léo. P
ar hasard, elle découvre qu’il navigue sur le darknet (il lui dit qu’il cherche un tueur à gage pour elle). Puis furieux de s’être fait découvrir, il achète une arbalète dans la foulée. Un jour où il cherche à la tuer, elle se met à hurler et ses cris attirent les voisins, qui se rassemblent pour la protéger de la violence. Léo, fou de rage, arrache sa fille des bras de la voisine et la jette dans la voiture pour partir en trombe. Dès qu’il revient avec le bébé, Mariette part habiter chez une des voisines qui lui a dit : » C’est fini, tu ne restes plus avec cet homme « .
Il dépose une plainte aussitôt pour dire qu’elle l’a abandonné, il ment et inverse la situation.
La voisine reloge Mariette en urgence. Cette dernière est terrorisée, épuisée, toujours sous emprise mais elle sait désormais qu’elle ne veut plus retourner chez Léo. Lui la retrouve, défonce sa porte pour la frapper, heureusement, d’autres voisins interviennent et contactent les policiers. Sous leurs conseils, elle porte plainte pour violence conjugale puis pour agression sexuelle.
Léo cesse alors ses visites, mais il la harcèle par téléphone. Et lors de la confrontation, il parvient sans souci à mettre la police de son côté. Les policiers pensent que Mariette est folle. La jeune femme trouve du soutien auprès d’une association, qui l’aide à obtenir la garde de sa fille. Et puis, elle ose prendre contact avec l’ex de Léo qui lui raconte qu’elle a vécu le même calvaire et qu’elle est encore terrorisée.
Petit à petit, Léo se fait plus offensif, il parvient à obtenir des droits plus larges.
Pourtant un rapport d’expert affirme qu’il ne mesure pas l’ampleur de ses impulsivités. En août 2018, tout s’effondre. L’enfant raconte à sa mère que son papa lui met « les doigts dans les fesses » et lui « apprend à l’embrasser sur la bouche« …. Un médecin constate des pustules sur la bouche de l’enfant qui explique « Papa m’a mis un bâton noir dans la bouche, j’ai failli m’étouffer » (un gode).
Horrifiée et en colère, Mariette se démène pour empêcher sa fille de retourner chez son père. Léo se retrouve à nouveau en droit de visite médiatisée. L’association remet un rapport édifiant contre le père et témoigne que l’enfant continue de dénoncer l’inceste, même devant son père. Hélas, le rapport disparait et l’ASE s’acharne à maintenir les visites. Pire leur psy accuse la mère de SAP (syndrome d’aliénation parentale) !
Léo fait systématiquement appel et au troisième, tout bascule. Un juge aux affaires familiales le croit et il récupère la garde exclusive de sa fille qui ne l’avait pas vu depuis un an.
Pendant les deux années suivantes, omnipotent, il manipule l’enfant, qui se verrouille, silenciée comme un soldat.
Mais elle se plaint toujours d’avoir mal au ventre, a un comportement sexualisé avec son grand frère…
Les gendarmes continuent de mener l’enquête, auditionnent l’ex de Léo et comprennent qu’ils ont fait fausse route. Le vent tourne un peu. Il y a quelques jours, le procureur a classé sans suite les plaintes calomnieuses du père. L’instruction est toujours en cours. Mariette espère pouvoir désormais récupérer ses droits et protéger sa fille. Mais hélas, souvent rien n’est moins sûr que la Justice.
Romancière, psychanalyste et psychothérapeute française, Caroline Bréhat a travaillé quinze ans à l’ONU et dix ans comme journaliste à New York. Son roman autobiographique « J’ai aimé un manipulateur » (Éditions des Arènes), traduit en douze langues et son livre témoignage « Mauvais Père » (Éditions des Arènes) traitent tous deux du sujet des pervers narcissiques et des parents destructeurs. Enfin Caroline Bréhat a publié récemment ‘Les mal aimées‘. Elle y aborde sous un autre angle la violence familiale transgénérationnelle, nous avions rédigé un article.
Le « SAP » (Syndrome d’Aliénation Parentale) ou « AP » (Aliénation Parentale), stratégie judiciaire employée par des pères maltraitants pour occulter les violences faites aux enfants, a le vent en poupe en France.
La lourde porte vient de se refermer derrière la jeune femme. Un claquement sourd, qui, une fois encore, lui a brisé le cœur. La rue grouille de vie sous le soleil de midi, mais elle, elle est seule au monde, glacée. Elle s’appelle Julie, et son visage, qui devait être joli, est ravagé par un torrent de larmes, figé dans une grimace atroce, un hurlement silencieux. Ne pas se retourner, ne pas se précipiter vers cette porte, vers l’interphone, ne pas supplier de pouvoir entrer à nouveau, « juste cinq minutes encore », ne pas être cette femme qu’ils imaginent, dont ils doivent parler avec condescendance, « immature », « théâtrale », « démonstrative », « intolérante à la frustration »… «manipulatrice », en fait. Il y a deux heures à peine, Julie se présentait à cette même porte, en avance, bien sûr :
– Bonjour, je suis… la maman de Lili !
Un grésillement électrique, et « clac », la porte qui s’entrouvre sur un couloir vide, où Julie s’engouffre, heureuse et terrifiée à la fois. A l’intérieur, des bruits carcéraux : des portes, des clés, des chaises qui tombent, des cris d’enfants étouffés derrière les murs. Des bâtiments jaunes ferment la cour. Derrière les hautes fenêtres, les salles monacales où se déroulent les « rencontres médiatisées » ne contiennent que des chaises et des tables en métal. Aucune décoration, pas de dessins sur les murs, pas un jouet, pas même un sapin pour Noël. Julie attend, la gorge serrée. Soudain, un bruit de course, effrénée, puis un cri : « MAMAN ! ». Une petite fille blonde d’environ 4 ans apparaît bientôt, accompagnée d’un éducateur.
La jeune femme tombe à genoux, ses bras se tendent, et elle ne sait plus si elle pleure ou si elle rit. L’enfant se jette sur elle, et les petits bras et les petites jambes se serrent si fort autour du cou et du torse maternels que c’en est douloureux. Leurs voix se mélangent : « Maman… Lili… maman… Lili… Que tu es belle… Et toi aussi »… Julie respire son enfant, la tête enfouie dans ses cheveux, pour mémoriser cette odeur qui lui a tellement manqué ces deux dernières semaines. Lili ne se décrochera de sa maman que quelques minutes pour dessiner leur « maison » à la craie sur le sol de la cour dans laquelle elle demandera à sa mère de s’asseoir et de l’enlacer, les yeux fermés. Les deux heures accordées passeront en un instant, et l’éducateur devra intervenir, comme il s’y attendait, pour arracher Lili à sa maman. La fillette hurlera de désespoir, les murs étoufferont ses cris, et Julie ressortira comme d’habitude, seule, chancelante.
Voilà bientôt deux ans que Julie ne voit Lili que 2 heures tous les 15 jours, de 10 h à midi, dans un centre de médiation familiale. Elle n’a fait l’objet d’aucune condamnation ni poursuite. Pourtant, elle est considérée par la justice comme une mère « hautement toxique » dont il faut protéger l’enfant. Son crime ? Avoir cru sa fille lorsque celle-ci lui a raconté le « secret de papa ». Une mécanique infernale s’est alors enclenchée malgré les signalements de professionnels de la santé alarmés par les jeux sexualisés de l’enfant aux autorités compétentes comme la loi les y oblige. La partie adverse a brandi le « Syndrome d’Aliénation Parentale » (SAP), et, par un incroyable retournement, c’est Julie qui a été immédiatement suspectée, car, de plus en plus, pour de nombreux intervenants judiciaires, les accusations de maltraitances sexuelles, mais aussi physiques, sont perçues comme des tactiques maternelles pour priver les pères de leurs enfants.
Aussi, en décembre 2013, Lili a, dans un premier temps, été confiée à son « père », Julie obtenant des droits de visite classiques (deux week-ends par mois et la moitié des vacances). Mais les jeux sexualisés de Lili ont alerté Hélène Romano, Docteure en psychopathologie clinique, spécialisée dans le psychotraumatisme, qui a immédiatement fait un nouveau signalement à propos d’une « petite fille d’environ 2 ans présentant via un jeu traumatique, des manifestations très spécifiques d’enfant agressée sexuellement ». Une expertise, réalisée par un praticien aujourd’hui gravement remis en cause par ses pairs, concluant que « Julie trouvait sa satisfaction dans l’utilisation de l’enfant contre le père, ce qui entre dans le cadre des syndromes d’aliénation parentale », a valu au signalement d’être classé sans suite. La pathologisation de la mère prenant soudain toute la place, les accusations de violences paternelles ont disparu du radar de la justice, et Julie est devenue en octobre 2014 la « visiteuse » de son enfant.
Le « SAP » a été inventé en 1985 par un sulfureux psychiatre américain nommé Richard Gardner dans un contexte de levée du tabou de l’inceste et de multiplication des plaintes.
Persuadé que la grande majorité des enfants qui refusaient de voir le parent non gardien, généralement le père , et qui alléguaient des violences paternelles avaient subi un « lavage de cerveau » par leur mère qui entretenait avec eux un lien pathologique, Gardner a déployé une énergie plus que suspecte à diffuser ses thèses douteuses, toutes d’ailleurs publiées à compte d’auteur et jamais soumises à la moindre évaluation par ses pairs. Malgré une levée de boucliers de la part de chercheurs sérieux, ses influentes théories ont provoqué une multitude de catastrophes judiciaires conduisant même des enfants au suicide [I]. Gardner, qui avait obtenu un titre de professeur honorifique à la faculté de médecine de Columbia, titre accordé à des cliniciens qui acceptent des étudiants à leurs consultations, n’avait pas hésité à usurper le titre de professeur de psychiatrie, même si ses revenus provenaient exclusivement de ses expertises qu’il facturait 500 dollars de l’heure à des pères accusés d’abus sur enfant [II].
De nombreux chercheurs ont conclu que la plupart des écrits de Gardner étaient fortement misogynes, axés sur la malveillance et la pathologisation des mères. Mais Gardner considérait aussi que la société avait « une attitude excessivement punitive et moralisatrice envers les pédophiles » [III], et estimait que la société devait reconnaître leur « rôle fondamental pour la survie de l’espèce humaine » [IV]. Gardner a notamment soutenu Woody Allen contre Mia Farrow dans le cadre de leur litige de garde en 1992 affirmant à Newsweek qu’ « invoquer des maltraitances sexuelles était un moyen très efficace pour se venger d’un mari détesté ». Ultime preuve de son déséquilibre, Gardner s’est suicidé en se lardant de coups de couteau en 2002. Malgré de nombreuses tentatives et un lobbying effréné, représenté en France par l’expert psychiatre auprès de la Cour de Cassation, Paul Bensussan, le « SAP/AP » vient à nouveau d’être refusé d’inclusion dans la nouvelle mouture du DSM V (Manuel diagnostique et statistique international des troubles mentaux ) et n’est PAS reconnu par l’ Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Considéré par l’avocat américain, Richard Ducote, comme « un cancer dans les tribunaux américains » , et par l’expert des violences sur mineurs, Jon Conte, comme « la pire saloperie pseudo scientifique rencontrée pendant sa carrière » , qui a ajouté « qu’élaborer des politiques sociales sur quelque chose d’aussi inconsistant était follement dangereux » , le « SAP/AP » n’en a pas moins le vent en poupe dans les prétoires Français.
En 2013, la Cour de Cassation a même approuvé le jugement de la cour d’appel de Rennes, qui avait ordonné le transfert de résidence de l’enfant chez le père en raison du « SAP »[V]. « La sensibilité des professionnels à ce concept conduit ainsi à déplacer le questionnement juridictionnel de l’auteur des violences conjugales vers la mère suspectée de nuire à la relation entre le père et l’enfant, occultant ainsi les violences et leur impact sur l’enfant. Ce déplacement de la problématique conduit aussi à culpabiliser la mère et à négliger la protection de l’enfant », affirme le magistrat Edouard Durand. D’abord utilisée uniquement pour contrer des accusations d’inceste, l’« aliénation parentale » est devenu une stratégie judiciaire à la mode, de plus en plus souvent brandie comme « diagnostic » dès lors qu’un enfant refuse de se rendre chez un parent, le rejette ou invoque des violences paternelles selon les associations de défense des droits des mères et des enfants.
Le « SAP/AP » suscite pourtant de vives polémiques.
Le Professeur Bernard Golse pédopsychiatre et chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants Malades, considère le « SAP » comme un « pur fantasme d’une nosographie psychiatrique prétendument moderne qui ne repose sur aucune base scientifique, et ne fait que recouvrir l’agressivité et les carences des adultes sous les oripeaux d’une fallacieuse scientificité » . Le docteur Gérard Lopez, psychiatre Expert près la Cour d’Appel de Paris et Président fondateur de l’institut de Victimologie de Paris, considère le « SAP » comme un outil favorisant la non-assistance à personne en danger .
Comment expliquer qu’un concept fumeux qui brille avant tout par son manque de rigueur scientifique, promu par un psychiatre déséquilibré, connaisse un tel succès au pays de Descartes ? « Le SAP est un concept séduisant pour des spécialistes non formés ou insuffisamment formés aux conséquences du divorce sur les enfants, qui trouvent une explication simpliste à tout problème de contact entre un parent et son enfant, lequel s’explique le plus souvent par les carences parentales du parent rejeté ou la violence d’un conflit parental qui amène l’enfant émotionnellement vulnérable à prendre parti pour un parent contre l’autre », explique la présidente de l’Enfant d’abord, Jacqueline Phélip qui a étudié la question durant un an avec l’aide de chercheurs américains connus internationalement.
Car l’aliénation ou l’emprise existent bien, mais ils sont rares : « Ils sont le fait d’individus déséquilibrés présentant des troubles psychiatriques », poursuit Phélip. Cependant le « SAP » commence à subir quelques revers de fortune dans d’autres contrées. En 2016, trois psychologues (2 américains dont Douglas Darnall, souvent cité par les pro-SAP, et 1 australien) ont été sanctionnés pour la nature « non professionnelle » de leurs expertises. L’une d’entre elles était accusée de « ne faire aucune différence entre les faits, la rumeur, l’ouï-dire et l’opinion personnelle et d’utiliser le « SAP », en postulant à tort que ce syndrome était une classification psychiatrique reconnue et fréquemment employée » [VI].
La lutte contre la violence faite aux femmes a été déclarée grande cause nationale en France en 2010, une femme meurt tous les trois jours (2,5 jours) sous les coups de son conjoint ou de son partenaire, deux enfants meurent chaque jour sous les coups de leurs parents [VII]. Selon l’Association internationale des victimes d’inceste (AIVI) et le Collectif féministe contre le viol (CFCV), il y aurait deux millions de victimes en France, un enfant par classe, des « crimes » majoritairement commis par des hommes. Pourtant, les tribunaux aux affaires familiales rechignent à faire le lien entre le fléau des violences intrafamiliales et l’utilisation manipulatoire, par les pères incriminés, du « SAP ». C’est d’ailleurs ce qu’a constaté en 2004 le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, Juan Miguel Petit : « De nombreux individus occupant des positions de responsabilité dans le domaine de la protection de l’enfance, plus particulièrement dans la magistrature, refusent encore de reconnaître l’existence et l’ampleur de ce phénomène, incapables d’accepter le fait que beaucoup de ces accusations de violence sexuelle puissent être vraies »[VIII].
Malgré les affirmations d’associations telles que l’Association contre l’aliénation parentale (ACALPA), qui emploient des formules propres à frapper l’imaginaire telles que les « enfants-soldats » ou la « parentectomie »[IV], toutes les enquêtes prouvent que les fausses allégations sont marginales. La prise de conscience des ravages causés par le « SAP/AP » aux Etats-Unis est à l’origine du rapport de DV LEAP-OVW , financé par le Ministère de la justice américain, intitulé « Crises au tribunal de la famille : leçons sur des renversements de situations », qui présente la situation de 27 enfants, confiés au parent protecteur après avoir été initialement confiés à un parent maltraitant, en raison des preuves apportées par la suite des abus et violences de ce dernier. Il y est fait état d’une étude récente réalisée par les agences nationales américaines de protection de l’enfance, qui conclut que seulement 0.1% des allégations rapportées aux services de protection de l’enfance étaient considérés comme délibérément fausses . Une étude canadienne, réalisée par Trocme et Bala en 2005, conclut que le parent non gardien, en général les pères, sont plus susceptibles de faire des fausses allégations que les mères (15% versus 2%, respectivement).
Les pères seraient-ils plus enclins à mentir que les mères ? Non, bien sûr, mais les études s’accordent sur le fait que les litiges de garde comportent souvent un taux élevé de violences intrafamiliales par rapport à la population générale des divorcés, les familles non violentes résolvant généralement ces questions hors tribunal. Or selon l’Association américaine du Barreau, qui a publié un guide sur les meilleures conduites : « De nombreux agresseurs familiaux sont de grands manipulateurs, ils se présentent comme de bons parents coopératifs et dépeignent le parent victime comme une personne diminuée, vindicative ou excessivement protectrice » . C’est aussi l’avis de l’American psychological Association : « Les agresseurs intrafamiliaux projettent très habilement la faute sur leurs victimes ».
C’est face à ce type de situation, afin de dénoncer les reculs enregistrés ces dernières années en matière de protection de l’enfance, que la pédopsychiatre Eugénie Izard a créé le Réseau de Professionnels pour la Protection de l’Enfance et l’Adolescence (REPPEA) et dirigé en collaboration avec la psychologue Hélène Romano l’ouvrage « Danger en protection de l’enfance : dénis et instrumentalisations perverses ». « Depuis le procès d’Outreau, l’attention portée à la parole des enfants maltraités est retombée au niveau du XIXe siècle où les témoignages des violences subies par des enfants étaient systématiquement disqualifiés » écrit Hélène Romano. Les deux spécialistes plaident pour une « juridiction pluridisciplinaire spécialisée dans ce domaine ».
En France comme ailleurs, les promoteurs de cette théorie « antivictimaire » ont pignon sur rue. L’expert judiciaire belgo-canadien et professeur à l’Université de Montréal, Hubert Van Gijseghem, pense que « trop écouter et judiciariser la parole de l’enfant peut avoir des conséquences plus graves que l’abus lui-même ». Auditionné devant le comité de la Chambre des communes canadienne, au sujet d’un projet de loi voulant durcir les peines des prédateurs sexuels, Van Gijseghem a surpris son auditoire en soutenant que la « pédophilie » (il faut en fait parler de pédocriminalité) était une orientation sexuelle au même titre que l’hétérosexualité ou l’homosexualité [X]. Van Gijseghem intervient pourtant dans la formation de magistrats, de psychologues, de policiers, de gendarmes et de travailleurs sociaux dans différents pays.
L’autre thuriféraire du « SAP/AP » en Europe, Paul Bensussan, psychiatre et expert auprès de la Cour de Cassation, affirme lui aussi que les parents aliénants sont essentiellement les parents gardiens donc des mères. Devenu le « sachant » officiel de la remise en cause des enfants du procès d’Outreau qu’il n’a pourtant jamais expertisés , est un autre propagandiste ultrazélé du SAP, qui s’élève contre la « sacralisation » de la parole de l’enfant. Pourtant, selon la Défenseure des enfants, Claire Brisset, seulement 10 % des révélations de viols et agressions sexuelles débouchaient sur une procédure judiciaire en 2001. Bensoussan a réalisé une expertise en décembre 2013 après que la petite Marie, alors âgée de 3 ans, a manifesté des comportements sexualisés avec sa mère et à l’école envers d’autres enfants, et accusé son père d’attouchements.
Le pédopsychiatre de Marie expliquait dans son expertise que le père de Marie était une « figure anxiogène » pour l’enfant. Mais Bensussan balaie l’hypothèse des violences paternelles et préfère y voir l’ombre d’une mère pathologique : « ces accusations sont compatibles avec l’hypothèse d’un abus sexuel, mais tout aussi compatibles avec celle d’un abus fantasmé » en lien avec « les craintes de la mère nourries par de nombreux fantasmes de viols incestueux ». C’est sur la base de la « certitude maternelle inébranlable » et de « la vive réticence maternelle quant au contact père-fille » que Bensoussan, qui écrit qu’il se fonde notamment sur les paramètres définis par Van Gijseghem dans l’évaluation de la validité d’une allégation, a recommandé le transfert d’autorité et de garde de Marie à son père. La petite Marie, qui n’a donc jamais été expertisée, n’a pas vu sa mère depuis 26 mois car le centre désigné par le juge pour les visites médiatisées n’est pas habilité aux visites et les juges n’ont pas répondu à ses requêtes tendant à désigner un autre organisme.
[VIII] Petit, J.M. 2004. Rights of the Child (Addendum : Mission to France, 25-29/11/2002), http:// ap. ohchr. org/ documents/ dpage_e. aspx? m= 102 (Internet, 29/12/2004).
Caroline Bréhat est arrivée à pas de chat dans le bistrot parisien où nous avions rendez-vous. Un mélange de douceur et de volonté quand elle vous fixe, des yeux dans le vague le plus souvent, voilà une femme réfléchie et forte de plusieurs vies.
Romancière, psychanalyste et psychothérapeute française, Caroline Bréhat a travaillé quinze ans à l’ONU et dix ans comme journaliste à New York. Son roman autobiographique « J’ai aimé un manipulateur » (Éditions des Arènes), traduit en douze langues et son livre témoignage « Mauvais Père » (Éditions des Arènes) traitent tous deux du sujet des pervers narcissiques et des parents destructeurs.
Car hélas, cette quarantenaire connait bien ces personnes, pour avoir vécu avec un américain, père incestueux au pouvoir d’emprise phénoménal. Elle a dû fuir pour protéger leur fille, lutter longuement avec et parfois contre la justice, faire de la prison, convaincre le FBI de sa bonne foi… Une histoire de violence bien trop ordinaire tant elle ressemble à celle d’innombrables autres victimes (même si peu de femmes font l’objet d’un mandat Interpol heureusement). C’est sans doute cela le plus triste.
Caroline Bréhat a accepté de venir nous parler de son dernier livre «Les mal aimées ». Elle y aborde sous un autre angle la violence familiale transgénérationnelle, ce sujet que cette psychanalyste maitrise si bien à titre personnel et professionnel.
Bonjour Caroline Bréhat. Vos trois derniers romans s’attaquent à la thématique de l’emprise conjugale et parentale. Pourquoi ce sujet récurent dans vos œuvres ?
Caroline Bréhat : On dit souvent qu’on essaye de se réparer en aidant ou soignant les autres. J’écris des romans thérapeutiques pour aider les mères et les enfants aux prises avec les maltraitances et l’emprise. C’est ainsi que je les vois.
Quand je ne vais pas bien, j’écris. Je le faisais quand je vivais avec mon ex. Les scènes affolantes, je les écrivais. C’est comme cela que j’ai pu envoyer mon texte à mon éditrice pour mon premier ouvrage.
Écrire permet de se représenter une réalité complexe et difficile à appréhender. Je demande d’ailleurs souvent à mes patientes d’écrire leur vie sur le papier.
Les résultats sont toujours incroyables car ils leur permettent de devenir sujets de leurs expériences, de se revaloriser, de remettre de l’ordre dans le désordre. C’est le premier pas de leur reconstruction. Les patientes reprennent du contrôle. Parce que quand on rencontre le MAL, on a des difficultés à se représenter la chose. Alors si en plus, c’est le père ou la mère de notre enfant, et que l’enfant risque aussi d’être contaminé, c’est vécu comme une expérience apocalyptique. Les capacités élaboratives sont débordées, le psychisme est désorganisé et la personne ne fait plus confiance dans ses perceptions.
L’écriture peut littéralement sauver nos vies, comme l’écrit d’ailleurs Boris Cyrulnik dans son dernier livre « la nuit, j’écrirai des soleils ». L’écriture m’a aidée, d’autres personnes m’ont aidées aussi alors je redonne en retour autant que je peux. Et je parle de ce que je connaiscar mes récits sont partiellement autobiographiques.
J’ai écrit mes premiers livres pour ma fille. Celui-ci, il est pour les mères qui peuvent s’identifier à moi, ces femmes victimes de violence et d’emprise qui souffrent et dépérissent. Je souhaite que mes romans leur apportent du mieux-être.
Comment un pervers choisit ses victimes ?
Caroline Bréhat : Il choisira souvent quelqu’un qui a été fragilisé pendant son enfance, par un parent maltraitant à la fois sadique et séducteur (au sens clinique).
Sous l’influence du pervers, sa victime va se remettre en question perpétuellement. Elle va interroger constamment sa lecture de la situation, sa santé mentale, ses propres perceptions, ses émotions. Et au final sa capacité à appréhender le réel. Il en découlera une culpabilité et un manque de confiance en soi très mortifères.
La victime, au dernier stade de l’emprise, ne sera plus capable de recul. Elle deviendra comme KO et ne saura plus faire la différence entre le bien et le mal, avec la mise en place d’un système d’inversion des valeurs.
On devrait enseigner la psychopathologie au lycée. Les jeunes devraient avoir les bases et donc les clés pour se méfier.Car l’emprise gagne en puissance avec le temps. En coupant l’herbe sous le pied des pervers, grâce à un enseignement qui permettrait de les identifier dès la rencontre, on pourrait peut-être sauver des gens.
Comment justifiez-vous l’acharnement de certains membres de la police, de la justice face aux personnes qui se présentent comme victime d’un pervers ?
Caroline Bréhat : C’est tout le savoir faire du pervers ou du paranoïaque (car il s’agit souvent d’un des deux) justement. Quand il s’adresse à un individu qui a du pouvoir sur sa vie (un policier, un avocat…), il s’adapte très vite. Son discours est tellement convaincant, tellement puissant que pour son interlocuteur, sauver le pervers devient une mission personnelle. Cette force de persuasion contamine tout le monde. Et ce juge, cette éducatrice, cette directrice d’école se transforment en farouche défenseurs du pervers. Ils s’identifient, se sentent investis et en viennent à détester le parent protecteur.
C’est une capacité propre aux psychotiques et aux pervers. Ils ont des relations d’objets agressives. Ils choisissent des objets d’amour et de haine qui vont être capables de recevoir leurs projections.
Comment peut-on reconnaitre un pervers narcissique pathologique ?
Caroline Bréhat : Le narcissique pathologique, c’est la personne qui souffre d’une déficience empathique. D’ailleurs, c’est un conseil qu’on peut donner aux gens avant de se mettre en couple. Lancez des perches. Si votre amoureux.se n’a aucune réaction empathique sur des sujets auxquels vous l’exposez, s’il ne peut pas se mettre à votre place et ressentir ce que vous vivez, ce n’est pas forcément une bonne chose de continuer.
Un pervers ou un paranoïaque ont subi des choses dans l’enfance qui leur ont appris à lire dans les visages des gens qu’ils avaient face à eux, pour se défendre, pour survivre. Devenus grands, ce sont des fins psychologues, capables de lire les émotions et les failles, pour mieux s’en servir cette fois-ci pour dominer.
Les deux sont dans l’idéalisation d’eux-mêmes, dans l’omnipotence. Les deux sont sur-adaptés au conflit. Et surtout, ils sont dans le contrôle et peuvent vite virer parano et se mettre à tout surveiller. Très souvent ils projettent leur mal-être, leur travers à eux sur l’autre. C’est ce qu’on appelle la projection.
Quant à leur relation avec leurs parents (et leur mère plus particulièrement) elle est problématique. Ils n’ont pas réussi à se décoller psychiquement de leurs parents (leur mère en général)…
Comment revalorise-t-on un enfant victime d’un pervers narcissique ?
Caroline Bréhat : Il ne s’agit pas que de donner de l’amour. On pense instinctivement que l’amour suffira. Mais ce n’est pas si simple, c’est l’attachement le problème. Ces enfants souffrent de l’absence de sécurité qui a marqué leur environnement. C’est donc l’attachement qu’il faut fortifier.
Je pense qu’il faut les deux piliers déjà. L’amour effectivement mais aussi de la discipline. Un cadre cohérent, expliqué, rassurant, car souvent les enfants victimes sont très agressifs, notamment vis-à-vis d’eux-mêmes.
Faire faire des activités à l’enfant, lui faire rencontrer d’autres enfants, avoir des amis, cela lui permettra de lire dans le regard de l’autre une certaine admiration. Il entamera un processus d’amour de soi qui lui fait tant défaut puisqu’il souffre d’une faille narcissique. Et plus l’enfant est dans son adolescence, plus le regard qui lui importe n’est plus celui de ses parents, mais celui de ses pairs.
Le théâtre autant que les sorties avec ses amis peuvent aider en fait.
Faut-il aborder régulièrement le sujet des violences passées avec les enfants victimes ou au contraire passer à autre chose ?
Caroline Bréhat : Je ne sais pas. Dans mon cas, mon enfant vit très mal ces discussions, qu’elles viennent de moi ou de sa psy.
J’en parle en prenant des pincettes.
Les enfants sont très ambivalents à ce sujet parfois. Ils savent le mal qui a eu lieu dans le passé mais en même temps rêvent d’une évolution meilleure dans le futur.
Comment peut-on aider et être un allié pour les victimes ?
Caroline Bréhat : Les victimes ont besoin d’être entendues. Ça demande tellement de force et de courage de parler. Remuer tout cela est très difficile.
Alors croyez-les, ne minimisez-pas, écoutez, aidez à verbaliser sans jugement, avec une sorte de neutralité bienveillante. Ce qui aide, c’est l’empathie. Car les victimes sont dans un chaos total, où plus rien ne fait sens, elles se sentent comme exclues de la société et le monde leur parait froid et dur.
Si le taux de suicide est si important, c’est parce que les victimes ne se sentent plus appartenir à la communauté humaine. Elles sont là sans être là… Comme spectatrice de la vie sans pouvoir y participer.
Si vous voulez aider, soyez un ami inconditionnel.
On rajoute que pour mieux comprendre ce que vivent les victimes, lisez les livres de cette romancière. Vous appréhenderez plus facilement le désarroi de vos amis.