« Depuis septembre, mes quatre petites filles voient leur père un samedi sur deux, pendant 30mn, dans le cadre d’une visite médiatisée.
Ce matin, je les ai accompagnées moi-même à cette visite et je ne décolère pas depuis… J’ai rencontré 3 mamans qui accompagnaient leurs enfants, j’ai vu des enfants (10 et 14 ans) refusant d’entrer dans la salle où se trouvait leur père, des mamans expliquant qu’elles avaient fait au moins une demi-heure de route avec des enfants qui refusaient de les suivre.
Elles devaient les forcer à monter en voiture, elles les traînaient jusqu’au centre de médiation, ils entraient en pleurant et en se serrant contre leur maman qui était pourtant obligée par la Justice à les enjoindre de suivre les personnes qui les amènent devant leur père et agresseur.
Si les mamans s’énervent de devoir gérer tout ce stress et osent demander jusqu’à quand elles vont devoir continuer ainsi avec des enfants terrorisés, on les soupçonne de manipuler leurs enfants… et elles se font reprocher leur attitude et leur énervement, qui pourraient confirmer les accusations paternelles d’influence exercée sur les enfants…
Pendant la durée de l’entretien, ces mamans échangent, les larmes affleurent chez chacune, elles racontent l’avant et l’après visite, la souffrance des enfants et les angoisses à accompagner (visite chez les psys, efforts pour offrir des moments agréables aux enfants à l’issue de la visite). Il leur est impossible de craquer devant eux. Elles leur expliquent qu’elles n’ont pas d’autre choix que de les accompagner devant celui qui les a violentés…
Ces mamans sont épuisées et n’ont personne pour les soutenir. Les pères, eux, voient leurs enfants et repartent, sans avoir à gérer le mal-être qu’ils ont créé. Les mamans paient le prix fort pour entretenir ce lien destructeur avec le père….
Ce que racontent ces mamans, je le connais par cœur, ma fille a vécu les mêmes choses avec ses filles, mes petites filles (désir de prendre un couteau et de tuer leur père pour en finir, mal-être profond avant la visite et tout le week-end qui suit, surinvestissement scolaire et maturité acquise au prix de ces souffrances). Depuis 7 ans, j’accompagne de mon mieux ma fille et mes petites filles, mais ce matin, ces femmes m’ont renvoyée à mon impuissance devant cette maltraitance des enfants par la Justice française et la souffrance de leurs mamans, épuisées, écorchées vives.
Pourquoi imposer à des enfants, à des adolescents de se retrouver face à un père qui les a blessés et fait souffrir ? Comment justifier auprès d’enfants que la décision d’un juge qu’ils n’ont jamais vu ou si peu passe avant leurs peurs, leurs angoisses, le souhait de leur maman de les protéger ?
Voilà mes interrogations et ne trouvant aucune réponse à mes questions, je vous les pose… Y a-t-il une possibilité d’agir de quelque façon que ce soit pour empêcher que ce gâchis se poursuive et que d’autres générations d’enfants et de mamans continuent à souffrir ? »
Nous avons reçu ce témoignage le 13 avril 2023, intitulé » Témoignage et colère contre les visites médiatisées « .
Nous vous conseillons également la lecture de nos articles Le centre médiatisé, un lieu pas si neutre… et Pourquoi les Centres médiatisés ne sont pas des espaces protecteurs pour comprendre pourquoi, si ces rencontres sont probablement bénéfiques dans le cadre de conflits simples, elles deviennent très problématiques dans un contexte de violences. Quand on force des enfants qui dénoncent des faits de violences à revoir régulièrement le parent accusé ou condamné, la Justice ne fait que rajouter de la violence dans leur vie. Pourquoi imposer à des enfants qui dénoncent un parent violent (parfois reconnu coupable et condamné) de le revoir ? L’argument de maintenir à tout prix le lien parent-enfant n’est plus recevable quand l’adulte est malveillant. Un parent maltraitant n’est pas un bon parent. Le revoir, c’est perpétuer la torture. Comment peuvent elles guérir de leurs traumatismes si on oblige les victimes à revoir leur bourreau tous les mois ?
Enfin, si vous souhaitez avoir une vision complète de notre état des lieux et de nos préconisations, vous trouverez ici notre Manifeste ainsi que notre pétition.