L’authenticité, un besoin fondamental
Le docteur Gabor Mate est un médecin canadien expert en matière d’addiction, de trauma, de développement de l’enfant et de la relation entre le stress et la maladie. Selon lui, un des besoins fondamentaux de l’être humain, c’est de pouvoir être soi-même, être authentique avec qui on est, être connecté à son corps et à ses sentiments, ses émotions. C’est un besoin fondamental parce que quand nous sommes correctement connectés à ce qu’on ressent, nous discernons intuitivement ce qui est bénéfique pour nous, apprenant à affirmer nos désirs et nos limites avec assurance. On peut suivre les messages de notre être qui nous indiquent ce qui est bien pour nous. On comprend ce qu’on veut et ce que l’on ne veut pas. On sait comment dire non (ou oui).
C’est la clé de notre équilibre psychologique et émotionnel. Ainsi, on peut vivre et survivre. En revanche, lorsqu’on prive un enfant de cette authenticité, lorsqu’on le contraint à se conformer aux exigences des adultes par crainte ou pression, sa souffrance devient double : il endure la douleur de ne pas vivre sa vérité et devient vulnérable aux manipulateurs. Il se perd dans une existence où il ne se reconnait plus, habitué à répondre aux attentes d’autrui plutôt qu’aux siennes. Car si on n’est pas autorisé à être authentique, si on est contraint à suivre des règles extérieures par peur, on devient une personne incapable de comprendre qui elle est vraiment et on accepte trop souvent d’être la personne que les autres veulent que l’on soit.
Les victimes de maltraitance sont souvent dépossédées de cette authenticité essentielle. Cela influe sur les liens d’attachements, qui sont un autre besoin fondamental des êtres humains. Ces derniers construisent une prison. Dans un monde idéal, les liens d’attachements et le besoin d’authenticité ne sont pas en conflit. Il est possible de créer des relations d’attachement où tout le monde peut être soi-même. Mais dans un cadre de violences intrafamiliales, les liens d’attachement deviennent toxiques au lieu d’être une source de sécurité et d’acceptation. Car si un jeune enfant n’est pas accepté dans son authenticité, si ses émotions ne sont pas prises en compte, si sa parole n’a pas de valeur, s’il est puni pour qui il est, alors pour plaire à ses parents, à cause du lien d’attachement, il opèrera un repli.
Le message envoyé est : »tu n’es pas acceptable tel que tu es, tu dois changer pour pouvoir me plaire« . C’est un message d’amour conditionnel qui menace le lien, forçant l’enfant à choisir entre être soi ou être aimé. « Est-ce que je reste attaché à mon père si celui-ci me violente ? Est-ce que la seule façon pour être accepté ou pour survivre, c’est de taire qui je suis et ce que j’éprouve ? Est-ce que si je décide de montrer ma tristesse et ma peur, je menace la relation ? ”
En réalité, c’est un faux choix. L’enfant choisira l’attachement et renoncera à son identité pour préserver un lien, aussi nocif soit-il. La première violence qu’on inflige à un enfant est donc de nier sa réalité intérieure, non pas pour le protéger des dangers réels, mais pour lui imposer un moule qui ne lui correspond pas, parfois sous des formes extrêmement nocives.
Un des pires aspects du traumatisme est la déconnexion de soi. Ces enfants le font pour maintenir les conditions d’attachement mais cela signifie que pour le reste de leurs vies, ils pourront avoir peur d’être eux-mêmes. Ce déni de soi, initié dans l’enfance, s’implante profondément et peut conduire à une vie marquée par la disposition à trop vouloir plaire et un risque accru de se retrouver dans des situations de vulnérabilité.
Nous invitons chacun à réfléchir à l’importance de l’authenticité et à la façon dont nous pouvons tous contribuer à un environnement où les enfants peuvent grandir en se sentant aimés pour ce qu’ils sont vraiment.
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