Faut-il médiatiser son histoire de victime de violences sur les réseaux ?

Faut-il médiatiser son histoire de victime de violences sur les réseaux ?

De nombreuses victimes de violences intra-familiales se tournent vers les réseaux sociaux pour médiatiser leur histoire car elles sont confrontées à des situations où elles ne sont pas entendues par la Justice.

A la fois pour se défendre, pour dire leur vérité, elles prennent le risque d’exposer leur affaire, de manière anonyme ou non, espérant que cela leur apportera de l’aide.

Ces témoignages, bien que très difficiles à exprimer, sont nécessaires dans leur lutte contre les violences intrafamiliales qu’elles ont subies, car ils permettent de rendre visible des dysfonctionnements dont la société n’a pas conscience.

Cependant, ces publications médiatiques sont souvent reprochées à la victime lors des audiences. La Justice, et plus particulièrement la partie adverse, n’apprécient pas du tout cette mise en lumière et le zoom inusuel sur leurs pratiques. L’argument est que ces publications sont considérées comme une forme de pression sur le processus judiciaire, ce qui est faux. Déjà, c’est (hélas) leur donner bien trop de pouvoir…

Mais surtout, c’est passer totalement à côté de ces appels au secours. Les victimes ne médiatisent pas leur affaire pour avoir des likes sur les réseaux, elles ne cherchent pas à corrompre qui que ce soit. Elles le font pour se défendre car elles n’ont plus d’autres choix ! Elles se sentent acculées par les injustices.

Sans doute que dans une société où les victimes seraient entendues, où le principe de précaution aurait plus de poids que la présomption d’innocence, qui protège surtout les agresseurs, où les professionnels seraient formés aux principes de l’emprise et du contrôle coercitif, ces témoignages sur la place publique n’auraient pas lieu d’être. Seulement, on n’en est pas là.

Ces victimes utilisent simplement leur droit à l’information pour rendre publique leur affaire. Ce droit est fondamental pour leur permettre de se défendre et de lutter contre leurs agresseurs. Il permet également de sensibiliser l’opinion publique aux problèmes liés aux violences intra- familiales et de mettre en lumière les failles éventuelles du système judiciaire.

Idéalement, il faudrait que ces personnes soient soutenues par leurs avocats. Ces derniers pourraient avancer quelques arguments pour défendre les clientes à qui on reprocherait d’avoir médiatisé leur affaire.

  • Le droit à la liberté d’expression : En médiatisant son affaire, la victime exerce son droit à la liberté d’expression et cherche simplement à alerter l’opinion publique sur les violences qu’elle subit.
  • L’absence d’alternative : souvent les victimes de violences intra- familiales n’ont pas d’autre choix que de médiatiser leur affaire pour être entendues, surtout si la justice ne leur accorde pas la protection dont elles ont besoin.
  • L’intérêt général : Les publications médiatiques sur les violences intrafamiliales peuvent avoir un impact positif sur la société, en sensibilisant l’opinion publique aux problèmes liés à ces violences ou en brisant le tabou et la honte qui entourent ces violences, encourageant ainsi d’autres victimes à parler.
  • La sécurité de la victime : Dans certains cas, médiatiser peut également contribuer à protéger la sécurité de la victime. En rendant son histoire publique, la victime peut alerter son entourage et les autorités compétentes de la situation de violence qu’elle subit et ainsi obtenir une protection accrue.

Médiatiser ne doit pas être encouragé à tout prix, car le prix est parfois très important pour la victime si la Justice décide de lui faire payer son audace. Mais elle peut parfois être un moyen nécessaire pour faire entendre sa voix. Autre bénéfice, les victimes peuvent trouver un réconfort qui leur était jusqu’alors inaccessible, au travers des gens qui les suivent et les encouragent.

Médiatiser n’est PAS une action futile ou malveillante, elle est un appel à l’aide supplémentaire, justifié au vu du contexte.

Nous encourageons la Justice à prendre en compte ces publications comme une partie intégrante du processus de défense des victimes et à reconnaître que la médiatisation leur permet de retrouver un peu de la confiance kidnappée par l’agresseur. C’est une forme de reprise de pouvoir, nécessaire après des années d’emprise.

De même, n’hésitez pas à soutenir la parole des victimes car elle est difficile à exposer.

Cela demande beaucoup de courage de dévoiler toutes les violences subies par ces femmes et/ou leurs enfants.


Vous trouverez ici les témoignages que nous avons recueillis.

Troubles de conjugopathie ? Un paravent bien pratique pour ne pas parler de violences intrafamiliales

Troubles de conjugopathie ? Un paravent bien pratique pour ne pas parler de violences intrafamiliales

Lorsque des conflits émergent dans un couple, il est fréquent de pointer du doigt les problèmes de communication et les désaccords de chacun. Et parfois, les membres du couple peuvent être diagnostiqués par des experts dépêchés par la Justice comme souffrant de « conjugopathie ».

Mais qu’est-ce que la conjugopathie ?

Est-ce réellement un trouble psychologique ? Et surtout, quelle est la véritable signification de cette accusation dans le cadre des violences intrafamiliales ?

La « conjugopathie » est un terme qui désigne un trouble psychologique qui serait lié à une incapacité à communiquer efficacement avec son conjoint ou sa conjointe. Ce concept a été popularisé par certains psychologues et thérapeutes de couple pour expliquer les difficultés de communication entre les partenaires.

Selon cette théorie, un ou les deux membres du couple souffriraient d’un trouble psychologique empêchant une communication efficace et provoqueraient des conflits et des tensions.

Si la conjugopathie peut peut-être exister dans un cadre de conflits conjugaux simples, elle devient un cache misère dans le cadre de violences intrafamiliales. En effet, cette accusation permet de ne pas nommer les vraies causes du problème, à savoir la violence. En utilisant cette notion, on évite de nommer les agresseurs et on continue à les considérer comme des victimes.

De plus, cette idée fausse selon laquelle les torts sont toujours partagés équitablement revient à dire que personne n’est responsable de la violence intrafamiliale.

Il est important de comprendre que la violence conjugale est un phénomène complexe qui ne peut pas être réduit à un simple trouble de communication. Il s’agit d’un comportement violent et contrôlant de l’un des membres du couple envers l’autre, qui peut prendre différentes formes (physique, psychologique, sexuelle, économique, etc.).

La violence conjugale ne se limite pas à de simples disputes entre 2 personnes, mais représente une situation où une personne exerce un pouvoir sur une autre.

Nommer l’agresseur et la violence qu’il déploie fait partie du travail de la Justice.

Or la conjugopathie est une accusation qui empêche de pointer les coupables et permet à l’agresseur de se dédouaner de sa responsabilité en faisant croire que la violence est partagée.

C’est oublier qu’il y a un agresseur et une victime. Les torts (et les conséquences) ne sont pas partagés équitablement.

Dans le cadre des violences, non seulement l’accusation de « conjugopathie » est une vision fausse des phénomènes de pouvoir qui s’exercent, mais elle ne profite qu’aux agresseurs.  Elle empêche les victimes de recevoir l’aide et le soutien dont elles ont besoin.

Les professionnels de la santé mentale doivent être formés pour repérer et aider les victimes de violence conjugale.

Tous les syndromes à l’emporte-pièce comme la conjugopathie, l’aliénation parentale devraient être remisés à la cave des concepts dépassés pour laisser place à une société plus juste et égalitaire.

A cause de ces faux diagnostics (qui accusent majoritairement les mères), au lieu d’être protégés, des femmes et des enfants victimes sont remis dans les mains de leur agresseur, avec le concours et la complicité d’un système qui devrait se remettre en question.
Bannissons la conjugopathie, la parentopathie et tous ces termes creux qui sont des arbres artificiels qui cachent la forêt des agresseurs…

Il est grand temps que la Justice, la police, les experts en tout genre se forment VRAIMENT aux phénomènes d’emprise, de domination, de manipulation pour protéger les victimes.


Nous vous conseillons également la lecture de l’article Le “SAP”, un phénomène pervers par excellence.

Témoignage d’Anne dont la fille est victime de violences intrafamiliales et d’inceste

Témoignage d'Anne dont la fille est victime de violences intrafamiliales et d'inceste

Dysfonctionnement judiciaire

Anne rencontre Greg au travail en 2011.

Elle le trouve gentil et prévenant. Il a déjà 2 enfants et prétend être séparé. Anne comprend que ce n’est pas vraiment le cas quand sa femme la contacte et l’accuse de briser leur couple. Greg convainc Anne que sa femme est folle, qu’il l’a bien quittée mais qu’elle s’accroche à lui. Anne a hélas confiance dans la parole de son collègue qui finit par se séparer réellement.

Ils se mettent ensemble un peu plus tard. Leur couple est aussi problématique auprès de la belle famille qui voit Anne comme la source de tous les problèmes. Elle n’est donc pas invitée à chaque fois ou délibérément mise de côté. Un week-end sur deux, Greg a ses enfants en garde. Dans ces moments, il fait beaucoup de reproches à Anne, il est très nerveux. Inversement, Anne, de nature très douce, recherche l’apaisement. Elle réalise en même temps l’alcoolisme familial.

En effet, Greg et les membres de sa famille se retrouvent en état d’ébriété avancé à chaque réunion de famille. En dehors de ce cercle, Greg ne boit presque pas. Souvent, il fait part à Anne de son malaise. Il consulte un psy et explique que l’alcool l’aide. En 2014, la naissance de leur fille Marie est suivie de la mort de la maman de Greg.

Cela amplifie son mal-être, pourtant les relations avec sa mère étaient très compliquées. Sur un coup de tête, il décide d’aller au château de Fougeret (lieu de croyances médium) car il veut parler avec sa mère. Il rentre métamorphosé, convaincu d’avoir effectivement réussi à converser avec elle. Il achète une table de ouija et se lance dans des séances de spiritisme en famille, avec sa sœur, son père et ses 2 ados, des enfants très réservés, très apeurés. Rien ne change. La vie continue remplie de conflits, d’agressivité quotidienne, d’alcoolisme, de frustration.

Anne est malheureuse mais encaisse car elle croit qu’ainsi va la vie.

Leur fille rentre en maternelle, elle a souvent des bleus sur les jambes mais Anne ne s’inquiète pas, c’est propre à l’enfance. Ils déménagent en 2017, Anne revend son appart et cette fois, ils achètent ensemble. Sauf que quand les remboursements entrent en jeu, Anne découvre une autre facette de son conjoint : il ne ne veut pas payer sa part.

Il s’énerve dès qu’elle aborde le sujet, il crie, devient agressif. Alors Anne prend tout en charge. Fin 2018, elle se rend compte qu’il voit une autre femme. Quand elle le confronte, il nie, devient verbalement violent et recommence à boire. Et puis à Noël, une preuve arrive qu’il ne peut pas réfuter. Mais même là, il s’énerve et refuse de se séparer pendant des mois. Puis il reproduit le même schéma qu’avec sa 1ère compagne : il lui annonce qu’il la quitte du jour au lendemain.

On est en juillet 2019. En partant, il l’accuse de tous les maux : elle ne s’est pas occupée de ses enfants, elle ne voulait pas payer la maison… Anne prend un avocat pour que la garde soit statuée car Greg fait ce qu’il veut, il débarque quand il le sent, tambourine à la porte, les insulte toutes les deux…

De son côté, il demande un report d’audience et en profite pour fabriquer des faux papiers disant qu’il a lancé l’assignation avant elle. Mais Anne n’est pas concentrée sur ses stratagèmes car depuis quelques temps, sa fille a changé. Quand elle rentre de chez son père, à chaque fois elle est terne, éteinte. Au retour des vacances, elle pleure, crie, hurle, elle a des bleus, elle a des vulvites à répétitions, elle fait des cauchemars. Hélas, l’enfant ne dit rien, Anne ne comprend pas ce qu’il se passe. Elle s’adresse à une pédopsychiatre où la parole de l’enfant se libère enfin.

Marie raconte que quand elle est chez son père, celui-ci la frappe sur les jambes, il lui met la main dans la culotte, il lui montre son zizi…

Anne se rend illico à la gendarmerie pour faire une déposition et recueillir les propos de sa fille. Elle est anéantie mais son avocate lui conseille de laisser Marie aller chez son père pendant les vacances. Quand elle rentre, l’enfant est prostrée. Anne l’emmène aux urgences qui font un signalement et lui demandent d’aller aux UMJ (Unité Médico-judiciaire).

Une étrange audition est organisée à la gendarmerie, loin du protocole Mélanie. Sans surprise, le dépôt de plainte est classé sans suite. En octobre, ils passent devant la Juge aux Affaires Familiales (JAF), pour une nouvelle audition en référé, qui soupire aux propos de la mère et écoute religieusement le père qui dénigre Anne et la fait passer pour folle (comme il le faisait avec sa première femme). Une expertise est demandée.

Anne prend la décision de ne pas laisser sa fille retourner chez son père, en prévenant les gendarmes. Ces derniers la recontactent pour l’injurier et l’accuser. Elle cède. Puis Anne apprend que sa fille dort sur un matelas gonflable, n’a pas de vêtements et demande l’intervention de la CRIP (Cellule départementale de Recueil des Informations Préoccupantes).

Grosse erreur. Le temps qu’ils se mobilisent, avec leurs gros sabots, Greg a tout réaménagé. Sur leur rapport est écrit qu’Anne propose bien trop de jouets et d’activités à sa fille et que l’enquêtrice a vu une araignée. Tout va bien côté paternel. Sans surprise, le rapport est donc à charge contre Anne. En parallèle, la psychiatre de l’enfant ainsi qu’un autre pédopsy font des signalements. Le lendemain d’un retour catastrophique de vacances, Anne dépose à nouveau plainte. Une seconde audition, vraiment aux normes Mélanie cette fois, permet à l’enfant d’expliquer que son père la frappe et l’étrangle.

Fin 2021, devant la juge des enfants, Marie déclare : « je veux vivre chez ma maman car mon papa est méchant« .

La juge intervient en disant « tu mens, c’est ta maman qui te dit de dire cela« . Elle menace Anne : « Maintenant vous arrêtez les dépôts de plainte, vous arrêtez d’emmener votre fille chez le médecin« . Le centre d’AEMOH (Action Éducative en Milieu Ouvert Hébergement) oblige Marie à voir LEUR psy. Par chance, celle-ci confirme les propos de Marie et contacte la pédopsy du CMP (Centre Médico Psychiatrique) qui fait une information préoccupante.

Mais la psy de l’AEMOH quitte brusquement le centre et cette information préoccupante est classée sans suite. Pour la troisième fois, Greg quitte sa compagne et déménage. L’AEMOH met en place un système de nuitée. En avril, une éducatrice vient chercher Marie qui refuse de la suivre, s’arrache les cheveux, se mord, se cache… La directrice contacte Anne pour la menacer de placement.

L’éducatrice revient le lendemain, elle embarque Marie en lui faisant la promesse de revenir vite. C’est un mensonge et l’enfant est coincée chez son père. La directrice convoque Anne le 21 avril mais celle-ci est tellement traumatisée qu’elle ne peut pas s’y rendre seule. Elle y va le 22 avec son avocat mais la directrice refuse de la recevoir accompagnée.

Anne y va seule mais enregistre tout. La directrice (qui est finalement une chef de service) propose de co-écrire une lettre mais n’accepte aucun changement. Anne comprendra que c’est juste pour se couvrir car le courrier (mensonger) est déjà parti, sans respecter la procédure. Dans le mois qui vient, l’expertise demandée a lieu. Devant la mère, la psy est élogieuse. Mais étrangement le rapport demande la garde chez le père, avec qui la psy s’est entretenue 30mn en visio. Le fait que Marie soit suivie par une pédopsy est vu comme de l’instrumentalisation…

On demande à Anne d’arrêter le suivi en la menaçant comme toujours.

Elle accepte. Dès lors une seule séance aura lieu et à charge bien sûr. Mi-2022, lors des audiences où l’avocate d’Anne démontre les dysfonctionnements, la Juge Des Enfants (JDE) déclare s’en remettre au jugement de la JAF. Celle-ci déclare que la relation mère enfant est trop fusionnelle et confie Marie à son père.

Dans le dossier, on peut lire un échange entre la JDE et l’AEMOH : « Avez-vous assez d’éléments pour placer l’enfant ?« . Anne réalise que tout ce petit monde se connait et n’a aucune formation sur l’emprise et les violences intrafamiliales. Marie part donc chez son père. Une visio (enregistrée) la montre avec un œil au beurre noir. Anne porte plainte et perd à nouveau. L’appel, qui a eu lieu il y a quelques jours, est aussi infructueux. Anne est en train de perdre sa fille parce que la Justice dysfonctionne complètement.


Vous pouvez lire notre article « En France protéger l’enfant est puni de prison et de menaces de placement de l’enfant » et télécharger notre guide « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

Pierre, 39 ans, ancienne victime de violences sexuelles, physiques et psychologiques, assigne l’État pour fautes lourdes et déni de justice

Pierre, 39 ans, ancienne victime de violences, assigne l’État pour fautes lourdes et déni de justice

Pourquoi Pierre assigne l’état ?

En 2020, Pierre dépose plainte pour viols, agressions sexuelles et maltraitances physiques et psychologiques contre ses deux parents.

Il ne se doute alors pas que des violences institutionnelles (policières et judiciaires) vont venir se rajouter aux violences qu’il a déjà subies.

En 2023, Pierre met formellement en cause l’État d’avoir failli à son devoir de rendre la justice dans des conditions acceptables, à savoir sans commettre de fautes lourdes et dans un délai raisonnable. Un signalement pour viols et maltraitances, pour lui et son frère, avait été fait il y a 20 ans. Celui ci n’a été suivi d’aucune audition des 2 frères ni d’aucune autre forme d’enquête, ce à quoi se rajoute un enchainement de dysfonctionnements sérieux depuis son dépôt de plainte fin 2020.

Il assigne l’état afin d’obtenir réparation des préjudices majeurs causés par la mauvaise administration de la Justice.

Pierre commence par porter plainte contre ses parents en novembre 2020, avec son frère.

Suite au dépôt de plainte, un harcèlement puissant, des pressions, du piratage se mettent en place de la part de ses géniteurs. La Justice, loin de lui tendre la main, prolonge la torture.

Rien n’avance. Pierre navigue entre attentes interminables et incohérence notoires de procédure. 2 ans et 3 mois après la plainte, c’est un véritable fiasco judiciaire.

La plupart des témoins importants n’ont toujours pas été auditionnés. L’expertise du plaignant sera faite 2 ans après son dépôt de plainte. Les mis en cause n’ont toujours été ni expertisés, ni interrogés. Pourtant les preuves sont abondantes, authentifiées. Mais plus de 20 ans après le 1er signalement, personne n’a été protégé. Pire, une plainte d’agressions sexuelles a été déposée par d’autres victimes mineures.

Pendant ce temps là, les mis en causes vivent la belle vie (lorsqu’ils ne sont pas en train de harceler les témoins ou les victimes)…

La mise en cause de l’État par Pierre porte sur le traitement que les autorités ont réservé à sa plainte (Police judiciaire, Parquet de Grenoble et Paris, Instruction de Grenoble). Ces services ont tous successivement failli dans leurs missions.

Pierre a donc décidé d’attaquer la responsabilité de l’État, qui est tenu de réparer les dysfonctionnements de la Justice.

  • Il invoque le droit d’être entendu dans un délai raisonnable (Art 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme).
  • Il soulève de nombreuses fautes lourdes des services de police judiciaire, des Parquets et de l’Instruction.

L’étude de la chronologie de l’enquête menée par le Parquet dans cette affaire démontre, d’une part, que celle-ci a connu de longues périodes d’inactivité et, d’autre part, que l’enquête, au regard de l’affaire, aurait pu être clôturée très rapidement. Et encore, les questions et les actions tenaces de Pierre ont permis parfois à l’enquête de faire de petits soubresauts. Sans elles, le dossier serait encore plus vide. Le préjudice moral et psychologique de Pierre dû aux défaillances et aux dysfonctionnements du service public est immense. Pire, ces derniers ont possiblement empêché la protection d’autres victimes.

Ces dysfonctionnements sont intolérables et en totale contradiction avec les injonctions de révéler les faits à l’autorité judiciaire, aux belles paroles des communicants de police et de justice qui mettent en avant une écoute particulière et un traitement diligent pour les plaintes pour violences intrafamiliales et en particulier pour inceste. La réalité est toute autre ! Voilà pourquoi Pierre met formellement en cause l’État d’avoir failli à son devoir de rendre la justice et de protéger les victimes. Voilà pourquoi nous le soutenons.


Vous pouvez consulter notre livret « Repérer, prévenir et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants« .

Ana Madet, victime d’inceste de la part de son père de ses 5 ans à ses 17 ans

Ana Madet Victime d'inceste de la part de son père de ses 5 ans à ses 17 ans, Attention contenu très sensible

*** Attention contenu très sensible ***

Les premiers souvenirs d’Ana remontent à ses 5 ans.

Pour elle, c’est à partir de là que son enfance est devenue une torture au quotidien, traversant toutes les formes de violences, physiques, psychologiques, sexuelles et même économiques. Elle se souvient des coups, des douches froides, des tirages de cheveux, des humiliations, des menaces… Et bien sûr de l’inceste. Quand son père rencontre sa mère, il a déjà un enfant d’un premier mariage. Mais il a abandonné cette famille sans se soucier de leur avenir. La maman d’Ana est une femme brillante, qui a réussi à s’extraire d’un milieu modeste, qui reste fragile, pleine de doutes, manquant de confiance en elle. Elle tombe enceinte rapidement d’Ana.

La petite fille grandit avec une maman travailleuse, un père très absent. Elle est couvée par des grands-parents aimants.

Son père manifeste toujours un comportement violent et sa maman finit par vivre sans lui.

Il s’agit d’une séparation un peu floue où il réapparait de temps à autre. Sa maman tombe à nouveau enceinte. Parallèlement, elle se retrouve mutée en Creuse et c’est à cette période que son père décide de revenir au foyer et de les suivre dans cette nouvelle région. Il culpabilise sa mère : « je quitte tout pour toi donc tu vas tout gérer« . Effectivement, il ne travaillera plus. Son rôle sera donc uniquement de s’occuper des enfants. C’est cela qui lui donnera les pleins pouvoirs pour se conduire de manière abjecte sous couvert de père modèle.

Comme souvent avec les manipulateurs, il commence par isoler la maman et la retourne contre sa famille.

Quant à Ana, l’arrivée de son père dans son quotidien transforme sa vie en cauchemar.

En plus des nombreuses maltraitances psychologiques, les violences sexuelles font leur apparition.

L’inceste s’installe progressivement. Son père commence par s’occuper de sa toilette intime, il va lui mettre des doigts dans l’anus pour « bien nettoyer« . Il lui montre son pénis et a des questions manipulatrices :  » tu regardes, ça te plait ? « .

Ana a conscience que ce n’est pas normal car aucun autre adulte n’agit ainsi. Mais il lui fait du chantage : « c’est notre petit secret« , ou la manipule pour l’inclure dans la responsabilité de ce qu’il se passe : « Faut qu’on arrête nos bêtises, ça ne se fait pas, faut que ça s’arrête, je compte sur toi.« 

Il est donc très conscient du mal qu’il fait. Et il continue en passant à des gestes masturbatoires. La petite fille ne comprend pas ce qui lui arrive.

A côté de cette violence sexuelle, il tient des propos très toxiques sur le corps : « tu devrais moins manger pour être belle« .

Un peu avant l’adolescence, il impose les premières fellations. Il la « complimente » : « tu fais ça mieux que maman« , ce qui a pour conséquence de verrouiller encore plus la parole, par un effet de culpabilisation malsaine.

L’inceste quotidien ne cesse jamais de s’empirer. Il finit par sodomiser Ana, sans précaution aucune, de manière douloureuse et régulière. Et là encore, il rajoute : « Maman, elle n’aime pas ça« . Quand l’adolescente se plaint de blessures anales, il l’emmène chez un médecin. Il reste toujours présent pendant les consultations.

Le médecin ne voit que ce papa attentionné qui oriente le diagnostic vers des soucis de constipation et il lui dit qu’ « il faudrait qu’elle mange mieux« .

Vers les 15 ans de la jeune fille, son père finit par lui imposer des pénétrations vaginales (sans protection). Il se pose alors en professeur de sa sexualité « pour rendre son futur mari heureux« .

Il est possessif, parano, il cherche à tout contrôler et lui fait écrire une lettre où elle doit s’engager à ne parler à personne au lycée… Il va jusqu’à la surveiller pour vérifier. Et bien-sûr, les violences physiques ne sont jamais loin, toutes les semaines, Ana se fait taper dessus.

Vers 16 ans, Ana trouve le courage de s’opposer.

Un jour où ils se rendent ensemble au Maroc voir la famille de son père, il réclame des relations, parce qu’il se sent « nerveux » de retourner dans son pays. Elle lui dit « je n’ai pas envie, ça me dégoute, ce n’est pas bien ». Il rétorque : « Mais ce n’est pas le problème, j’en ai besoin là « .

Jusqu’à présent, Ana s’était protégée en se construisant une certaine logique de survie :

« Si j’accepte, il ne va pas me frapper.  Il continue parce que je ne dis pas non… »

Elle réalise qu’il se fiche complètement de son « consentement » et que les rares gentilles phrases auxquelles elle se raccrochait pour supporter cet enfer n’étaient que des mensonges.

A la même époque, sa mère qui subissait également cette violence commence à se rebeller également.

Les humiliations constantes deviennent insupportables. Elle aimerait partir.

Pour Ana, ce sont les études qui la sauvent car en quittant le foyer pour la Fac, l’inceste cesse.

Mais elle tombe dans une forme d’hypersexualisation, elle tombe « amoureuse » facilement, elle est dans une performance sexuelle maladive et perturbante.

Son rapport à l’alimentation est aussi compulsif. Ana fait face au surpoids, aux cauchemars, à une maladie de la thyroïde…

Elle constate que ça ne va pas.

En 2013, sur une impulsion, elle en parle à un amoureux, qui la croit immédiatement et qui lui apporte son soutien.

Elle en parle ensuite à sa mère, qui tombe des nues devant l’indicible horreur. Sa mère la croit aussi. Entourée de gens aimants, en juillet 2013, Ana décide alors de porter plainte. Elle a besoin que ça se sache, besoin de réparation aussi.

Au commissariat, elle est entendue et crue (au bout de 8 heures d’audition, avec des policiers pas franchement aimables au début et désolés à la fin). Pourtant ils conseillent à Ana et à sa mère de faire comme si rien n’avait changé.

Ainsi la maman est incitée à rester chez elle et à protéger au mieux la sœur d’Ana pendant que les policiers montent un dossier.

Les délais judiciaires étant hyper longs, cette situation dure des mois. Puis en février 2014, le père est convoqué au commissariat où il est confronté à toute la famille. Ana et son frère témoignent, ainsi que la mère. C’est une épreuve pour tous car le phénomène d’emprise est toujours actif. Même la petite sœur se retrouve auditionnée, elle que sa famille avait tenté d’épargner. Elle sortira en disant : « on a mis papa en prison« . Effectivement, il est incarcéré dans la foulée pendant 2 ans. Et même si l’emprise continue sur la mère et la petite sœur de la prison, c’est une étape symbolique.

Hélas, il sort au bout de 2 ans, en liberté surveillée en février 2016.

Il doit pointer et ne jamais se rendre dans le département d’Ana.

Rapidement après, il tombe malade et meurt en aout 2017. Ana ressent des émotions complexes, avec une forme de tristesse, un grand soulagement mais aussi l’horrible frustration d’une absence de procès et par conséquent d’une terrible impunité.

Ana témoigne à visage découvert parce qu’elle souhaite passer des messages importants aux victimes :

  • Gardez espoir. Si vous vivez l’enfer, ce ne sera pas toute la vie. Survivre pour lutter plus tard est possible ;
  • Autant que possible, libérez votre parole.

Quant à l’entourage, croyez les victimes.

Acceptez leur parole et entrez en vigilance pour les aider. Soyez courageux pour ne pas rajouter de la violence à ce que ces personnes subissent déjà.

Ne détournez pas le regard.


Vous pouvez consulter notre guide « prévenir et agir contre les violences sexuelles« .

Si vous êtes un professionnel vous pouvez télécharger l’outil de formation de la Ciivise (Violences sexuelles faites aux enfants : repérer et signaler. » Livret de formation des professionnels « Mélissa et les autres »).

L’EMDR, une solution pour guérir des traumatismes ?

L'EMDR, une solution pour guérir des traumatismes ?

L’EMDR est une thérapie cognitive spécialisée dans le traitement des traumatismes.

Ses initiales correspondent à Eye movement desensitization and reprocessing, ce qui se traduit par Désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.

Comme souvent en science, la découverte de l’EMDR a été faite par hasard. En 1987, une psychologue américaine, Francine Shapiro, observe que ses «petites pensées négatives obsédantes» disparaissent quand elle fait aller et venir rapidement ses yeux de gauche à droite.

Elle creuse alors le sujet et met au point une méthode qui consiste «à faire effectuer une série de mouvements oculaires à un patient souffrant d’un traumatisme afin de le déconnecter de souvenirs et d’émotions négatives qui en résultent».

Elle en conclut que ça aide le patient à gérer son syndrome lié à ce choc traumatique, voire à le «guérir».

Méthode largement utilisée aux USA, elle peine à être déployée en France. Son efficacité a été pourtant validée par la Haute Autorité de Santé en 2007, par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en 2013, puis par l’Inserm en 2015.

Des survivants des attentats du Bataclan, patients emblématiques traités par EMDR, témoignent aussi de ses bienfaits. Sur la page Facebook de l’association de victimes Life for Paris, certains n’hésitent pas à la recommander.

Comment ça fonctionne ?

  • Les mouvements oculaires activent le travail de cicatrisation psychique.
  • L’EMDR exploite les facultés du cerveau à transformer les informations à l’origine d’un traumatisme.
  • Le souvenir traumatisant est dissocié de l’émotion négative. En gros, le souvenir reste, mais pas la souffrance associée.
  • Le patient prend de la distance avec le traumatisme.

Les points positifs de cette méthode :

  • Méthode peu contraignante pour le patient. Pas besoin d’un « lâcher-prise » pour agir.
  • La thérapie EMDR est envisageable à tout âge.
  • Effets souvent spectaculaires pour les traumatismes psychiques (mais pas chez tous les patients).
  • L’EMDR peut aussi être utilisée dans des cas de dépression, d’angoisse et d’anxiété par exemple.
  • C’est une thérapie courte vers une psychanalyse. Quelques séances peuvent suffire.

Les points négatifs de l’EMDR :

  • Pendant la séance, le patient peut éprouver des moments de gêne, suite à la libération de souvenirs.
  • Après la séance, le « re-traitement » de l’information émotionnelle peut continuer de se faire par lui-même (rêves, fortes émotions, nausées, vertiges), signe qu’un travail en profondeur est en train de s’opérer.
  • Une personne ayant des problématiques enfouies n’a pas d’intérêt à aller « les réveiller » si elles ne sont pas douloureuses.
  • On déconseille la méthode aux personnes ayant des problèmes psychiatriques et psychotiques (psychose, schizophrénie) à cause d’une possible décompensation.
  • Pas d’étude sur son efficacité en préventif.

Pas de conclusion de notre part sur la science toute jeune de l’EMDR.

On constate simplement que les victimes de violences intrafamiliales utilisent de plus en plus cette thérapie contre leur psycho-traumas et la présentent comme accélérée et efficace.

A l’heure où les victimes sont trop souvent abandonnées par la société, cette piste et ses résultats semblent encourageants.

Il reste néanmoins essentiel de bien choisir son thérapeute pour s’assurer de la qualité des soins.

Nous vous conseillons cet article : https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-sante-du-quotidien/2598946-emdr-methode-signification-risques-tarif-technique/

Nous vous conseillons également la lecture de l’article « Les psycho-traumas des victimes de violences« .


Témoignage de Lise, qui a perdu la garde de ses enfants au profit de son mari violent et très influent

Témoignage de Lise, qui a perdu la garde de ses enfants au profit de son mari violent et très influent

Lise connait Paulo depuis très longtemps.

Elle le rencontre parfois aux réunions familiales. Il a 10 ans de plus qu’elle, semble gentil, cultivé. Elle est en confiance. A l’aube de ses 30 ans, en 2008, elle entame avec Paulo une relation à distance. Ils sont amoureux, tout parait idyllique. Ils finissent par s’installer ensemble. Elle tombe rapidement enceinte alors ils décident de se marier en novembre 2009. Leur fils William arrive en juillet 2010. Hélas, le comportement de Paulo a changé un peu avant. Celui-ci est de plus en plus acariâtre, voire agressif. A la naissance de William, il lui dit qu’il a autre chose à faire que de venir à la maternité : « tu prends mon temps ». Lise met cela sur le compte de l’arrivée de leur enfant et de son côté vieux garçon.

Paulo ne supporte pas les pleurs de son fils, il le secoue pour le « calmer ».

Les dénigrements deviennent systématiques, Lise est la pire mère et la pire femme possible. Lise qui découvre les difficultés de la maternité n’est pas loin de penser pareil. Devant les autres, Paulo change les couches. A la maison, c’est un tyran toxique. Quand il va trop loin, il s’excuse, laisse passer quelques jours puis relance la roue de la violence psychologique. D’un commun accord, en septembre 2012, ils décident de déménager pour se rapprocher de la famille de Lise. Paulo n’obtiendra sa mutation au cabinet de préfet qu’un an plus tard. Lise apprécie ses absences qui l’apaisent. Chaque fois qu’il rentre, il est très énervé et multiplie les violences verbales et psychologiques.

En janvier 2013, il agresse physiquement Lise en l’étranglant avec ses mains et menace de la tuer.

Lise porte plainte mais elle est reçue plus que fraichement par la police qui réalise que Paulo « est de la maison »: « C’est embêtant, il ne vous a pas frappé, il n’y a pas de traces ». Paulo s’excuse (par écrit): « je suis désolé… je vais aller voir un psychologue ». Tout le monde la fait culpabiliser, la famille, le commissariat… Elle retourne au domicile, et effectivement son mari s’apaise 3 mois. Alors Lise retire sa plainte et accepte le projet d’un second enfant. Gisèle nait en mai 2014. Rien ne change. Paulo s’installe à la cave, où il peut boire à loisir, du matin au soir. Son agressivité monte encore d’un cran, il jette et casse des objets, il met la maison à sac.

En octobre 2014, alors qu’elle s’est réfugiée sur son balcon car Paulo est en train de tout casser dans la maison,

Lise prend la décision d’alerter ses voisins qui contactent la police. Quand les policiers arrivent, Paulo leur explique qu’il travaille avec le préfet. Malgré l’état de la maison, l’ébriété de Paulo, le témoignage des voisins et celui apeuré du fils, les policiers disent qu’ils n’ont pas assez de preuves. Néanmoins, ils contactent un médecin (qui, lui, confirme le problème psychologique du mari) et enjoignent Lise de partir du domicile. Lise fait ses valises très rapidement, emmène ses enfants chez ses parents et dépose une main courante à Angoulême afin de ne pas être accusée d’abandon de domicile. Cette fois-ci des policiers bien formés la prennent en charge. L’association SOS violence conjugales de Brive est aussi d’une aide précieuse.

On la convainc de rassembler des preuves et de porter plainte.

Enregistrements audio des menaces de mort, mails, textos, témoignages de l’ancienne compagne de Paulo ou de collègues… Toutes les preuves sont analysées et authentifiées.

Lise réalise qu’elle figure bien dans les statistiques des femmes victimes de violences conjugales. Elle obtient un ITT de 10 jours. Un pédopsychiatre atteste du stress post traumatique de William, accompagné de souvenirs de violence importants. L’avocat demande une ordonnance de protection. Pourtant, à l’audience, on lui dit que « le dossier a disparu ». Lise réalise que son mari a le bras long. Par chance, le brigadier (qui confirme les pressions) a un double du dossier. L’ordonnance de protection est accordée en janvier 2015 (il y est inscrit que William a assisté aux violences).

Paulo n’a le droit qu’à des visites médiatisées (lieu neutre), sans autorisation de sortie.

Aux violences psychologiques, à la culpabilité de Lise, se rajoute la violence économique qu’on oublie souvent. Le coût de ces démarches juridiques est très important (25000€ depuis la première plainte). Le procureur porte la plainte au pénal. Paulo est condamné à 3 mois de prison avec sursis en août 2015 mais obtient une exclusion sur son casier judiciaire. Pendant 3 ans, il voit ses enfants un samedi sur deux pendant 2h. Il n’entreprend aucun accompagnement psychologique et reste agressif. La lenteur des procédures de protection est une autre forme de souffrance. La JAF en 2015 ordonne un bilan psycho social qui aura lieu en 2016… Et à partir de là, tout va se retourner contre Lise.

Le psychologue (imposé) est déplorable, paternaliste, l’assistante sociale d’un autre temps prône les punitions…

Suite à leurs rapports, la JAF décide de mettre en place une AEMO. L’éducatrice qui gère leur famille trouve le papa « structurant » en costume cravate et parfaitement apte à récupérer ses droits. Grâce à eux, Paulo a l’autorisation d’avoir ses enfants une semaine. Dès le premier jour, il s’agace et prive William de repas. Le second, Lise réalise que son fils a des traces de violence sur le cou. Son père confirme s’être énervé et avoir serré son garçon au cou car celui-ci aurait tapé sa sœur. Ces traces sont attestées par l’hôpital. William obtient 8 jours d’ITT. La police les constate aussi. Lise prévient qu’elle ne redonnera pas les enfants à leur papa et porte plainte. Celle-ci sera classée sans suite pour « faits insuffisamment caractérisés » !

Lise se fait convoquer fin 2018 et là, horreur, la juge décide de lui retirer totalement la garde des enfants.

Elle ne reverra pas ses enfants hors du lieu médiatisé avant mars 2019 ! Lise fait appel et reperd (jugement précédent conforté). Aucune trace dans son dossier du témoignage du psy qui atteste pourtant de sa bienveillance maternelle ni de celui de l’école qui alerte du comportement traumatique de William. Lise se bat pour la réouverture de la plainte au procureur général qui répond au bout d’un an et demi (en novembre 2020) que le dossier est (encore) perdu. Habituée, l’avocate renvoie une copie… Le procureur finit par répondre à nouveau 6 mois plus tard, qu’il ne prendra pas le dossier pour insuffisance de preuves… Tout le parcours judiciaire de Lise est empêché par l’influence de son mari.

Aujourd’hui, la situation de Lise est catastrophique.

Malgré la demande explicitement formulée de ses enfants d’être en garde alternée, elle a reçu l’arrêt fin janvier : la garde est maintenue chez le père. C’est son mari qui a été inculpé de violence mais le soupçon d’aliénation semble pire. En prime, Lise est condamnée à verser 800 € pour procédure abusive… Exténuée, traumatisée, sans espoir, au bout de ses finances, Lise pense quand même se pourvoir en cassation. Une autre piste est le jugement de son divorce pour violence où peut-être, les preuves balayées par les précédents juges pourront être entendues, accompagnées d’autres éléments plus récents.

Partagez son témoignage pour le médiatiser. La pression ne doit plus peser sur les victimes.

Vous pouvez lire le Manifeste de l’association ici.

Le choix possible de la fin de l’inceste : la fin du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle en France

Le choix possible de la fin de l’inceste : (1) la fin du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle en France

Par Edith

  1. L’inceste et violences sexuelles sur les enfants : des chiffres vertigineux, disant la violence de masse
  2. L’inceste : un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrit dans la loi jusqu’en 2021.
  3. L’inceste (comme viol intrafamilial) est un crime impuni : la responsabilité politique de l’Etat en question
  4. L’organisation sociétale culturelle de l’impunité de l’inceste ou la responsabilité des institutions françaises : le principe de « présomption d’innocence de l’agresseur » plutôt que « présomption de protection de l’enfant » et  l’institutionnalisation du Secret comme méthode.
  5. L’abus de pouvoir des institutions françaises par le Secret : à qui cela profite ?
  6. La complicité (active ou passive) de l’entourage des victimes et des institutions par l’institutionnalisation de mécanismes connexes au secret
  7. Qui voulons-nous vraiment protéger ?
  8. La protection des enfants est possible : une culture de la protection à simple portée de Justice, des solutions sont prêtes

I. L’inceste et violences sexuelles sur les enfants : des chiffres vertigineux, disant la violence de masse

Dans l’Europe entière, le phénomène des violences sexuelles faites aux enfants est massif. Un adulte sur cinq aurait été victime de violences sexuelles pendant l’enfance, dont l’inceste, selon des études menées par le Conseil de l’Europe (voir campagne du Conseil de l’Europe lancé en 2010  « 1 sur 5 ») [1].

67 millions d’habitant en France, cela représenterait donc 20% de la population, soit plus de 13 millions d’habitants.

Selon la Fondation nationale solidarité femmes (FNSF), en France, ce sont 4 millions d’enfants estimés victimes de violences conjugales en 2014 [2].

Le rapport du 31 mars 2022 de la Commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants faisant l’analyse des 14.000 témoignages : « 8 sur 10 sont des victimes d’inceste et pour une victime d’inceste sur trois, c’est le père qui est l’agresseur. » Par extrapolation, rapportés aux chiffres du Conseil de l’Europe, sur 13 millions, 8/10e ferait monter le nombre de victimes sexuelles d’inceste dans l’enfance à plus de 10 millions dont un tiers, soit 3,5 millions d’enfants incestés par leur père.

Patric Jean confirme en 2019 ce chiffre dans son livre « La Loi des pères »[3]. Il indique que « 27% des personnes interrogées connaissent au moins une victime dans leur entourage et 6%  des personnes (10% de femmes) déclarent elles-mêmes avoir été victimes d’inceste. Ce qui représente 4 millions de personnes en France. » . Il indique également qu’« en 2006, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) confirmait les mêmes proportions avec une particularité que seuls 17% indiquaient ne pas connaitre leur agresseur, la majorité des cas se situe au sein des familles ou de l’entourage proche par des personnes connues. ».

En France, l’Association Protéger l’enfant indique que la dernière enquête de victimologie conduite par IPSOS en 2019, estime à 165.000 enfants victimes d’inceste par an, pour moins de 1000 condamnations. Pour les viols aggravés fait sur les enfants, il y a seulement 400 condamnations. Selon le docteur Emmanuel Piet, membre du Haut Conseil à l’Egalité, indique que « les viols sur mineurs sont probablement le crime le plus impuni qui soit ».

En 2015, l’étude « Impacts des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte » indique que « Plus  les violences sont assorties de circonstances aggravantes (viol, inceste) et moins les victimes ont été protégées par la police, la justice ou leurs proches. Ainsi, 83% des victimes de viol et 88% des victimes d’agression sexuelle en situation d’inceste déclarent qu’elles n’ont pu bénéficier d’aucune protection. Et 56% des répondant-e-s rapportent n’avoir pu parler à personne de ce qu’ils ou elles subissaient au moment des violences»[4]

Dernier chiffre, une étude réalisée par l’Inserm pour le compte de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise fait état dans son rapport que «14,5% des femmes et 6,4% des hommes de 18 ans et plus ont été sexuellement agressés pendant leur minorité, ce qui signifie que plus de 3.900.000 femmes et de 1.560.000 hommes, soit environ 5.500.000 personnes majeures vivant dans notre pays ont subi des agressions sexuelles pendant leur minorité».

Les sources citées font donc état de chiffres allant de 165.000 viols par an, à 4 millions, 5,5 millions d’enfants en cumulés, jusqu’à donc 10 millions de personnes ayant été victimes d’agression sexuelles dont la majorité relèvent de l’inceste (83%). Dans tous les cas, y compris les 165.000, c’est insupportable et surtout cela ne s’arrête pas.

Alors, pourquoi, les politiques et journalistes semblent souvent manquer de chiffres [5]?  Pourquoi tous les travaux produits par des instances sérieuses de tout type n’ont concrètement aucune conséquence sur les pratiques ? Pourquoi en matière de protection des enfants, les choses changent-elles si lentement ?

Plusieurs questions s’imposent aujourd’hui.

II. L’inceste : un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrit dans la loi jusqu’en 2021.

Pourquoi l’inceste est-il resté tout ce temps un tabou social plutôt qu’un crime ou délit inscrits dans la loi ?

L’inceste n’a intégré le code pénal qu’en 2016[6] en tant que qualification du viol dit « incestueux » lorsqu’il est perpétré par un ascendant. Il devient un crime à part entière seulement en 2018 et ce n’est qu’en avril 2021 que la présomption de non consentement pour les violences sexuelles faites sur des mineurs de moins de 15 ans est consacrée dans la loi. Elle est portée à 18 ans en cas d’inceste.

Le hiatus entre théorie et pratique s’explique historiquement, psychologiquement et institutionnellement. Finalement les raisons sont pourtant assez simples.

C’est d’abord psychiquement insoutenable, car inimaginable. Le tabou du viol intrafamilial sur les enfants (inceste) instaure par sa nature le silence. La famille est sensée être le lieu de la protection par définition. Ce silence empêche de le nommer, et ne pas nommer revient à indiquer au monde que cela ne peut pas exister, autorisant ainsi les agresseurs à continuer d’œuvrer en toute tranquillité (et selon des modèles qu’ils ont pu aussi connaître dans leur propre enfance), aucune désignation et donc aucune condamnation ne pouvant être formulée sur ce silence.

La société, en tant que groupe, ne peut donc pas reconnaitre ce crime et donc décide de ne pas le traiter[7]. Par ce silence, s’instaure une loyauté tacite de l’enfant envers ses parents et les adultes qui l’entourent qui permet de faire tenir la notion de famille. L’enfant évolue dans le cadre de repères dysfonctionnels qui affecteront sa vie.

C’est la même logique à l’œuvre en matière de « violence conjugale » soumise également à un autre tabou. La réalité de ces violences au sein des couples est un héritage séculaire de violences dites « ordinaires ». Elles sont la résultante du fait que l’« on apprend à intérioriser dès l’enfance la justification de la violence » selon les mots de Dorothée Dussy. La docteure Catherine Gueguen, dans son livre « Pour une enfance heureuse », décrit sur la base d’un travail scientifique, conduit avec une équipe de chercheurs en neurosciences, comment certaines parties du cerveau d’un enfant sont détruites lorsqu’il est soumis à de la maltraitance, y compris la maltraitance éducative ordinaire.

Alice Miller, chercheuse et psychanalyste  décrit très précisemment les processus à l’œuvre au sein du huis-clos des familles dans « La connaissance interdite – affronter les blessures de l’enfance dans la thérapie ». Elle explique comment les parents, sous couvert d’éducation, perpétuent des abus dans le silence et l’isolement de la famille, sans que l’enfant puisse avoir un témoin « secourable » à qui il pourrait demander des explications sur ces « abus de pouvoir ». Notre prise de conscience collective, sociétale et individuelle sur ces violences a fait un bond en avant grâce à la paix instaurée en Europe depuis 70 ans. Les nouvelles connaissances en neuro-sciences ont permis de prouver qu’une éducation « positive », soit une éducation où le moteur ne serait plus celui de la violence, est possible et bénéfique pour tous, individuellement et collectivement.

Pour autant, la gageure est de taille car c’est tout un héritage séculaire qu’il faut remettre en question. Mais cela est possible. Carl Rogers et Marshall Rosenberg, fondateurs de la « communication non violente » ont permis, sur la base de l’observation et de l’écoute, de mettre en avant un autre type de relation basée sur l’empathie. Cette relation est basée sur la réapropriation par chacun de sa capacité à ressentir des émotions. Il ne s’agit pas de faire disparaitre la violence. En revanche, il s’agit d’avoir conscience de ses actes pour en prendre toute la responsabilité, pouvoir les nommer et donc les changer. Nous avons été élevés dans des croyances ayant donné lieu à des comportements acquis se basant sur la peur, l’obligation, le devoir, la punition, la récompense et la culpabilité. Ce sont ces croyances qu’il faut remplacer par d’autres, à savoir que l’entraide et la coopération sont beaucoup plus satisfaisantes et agréables que la violence.

L’éducation fondée sur la non-violence est aussi plus bénéfique sur du long terme. Des études ont été menées en 1983 par l’American Psychological Association, qui concluent selon A. Miller  à « une indiscutable correlation entre la détresse et les mauvais traitements subis par un individu dans son enfance et la violence dont il peut se rendre coupable par la suite »[8]. Nous avons désormais les outils pour faire différemment. Ils sont à disposition de ceux qui s’en saisissent individuellement. Or, ils ne sont pas collectivement utilisés et les individus qui y recourent, sont peu encouragés, peu aidés, peu reconnus.

Enfin, A. Miller attribue « l’ignorance d’une société aux statistiques de ces violences incontestables au fait que cela permet d’éviter la résurgence de souffrances refoulées dans le passé, et empêche ainsi que se dévoile la vérité ».

En effet, psychiquement pour les individus comme pour la société, ces violences sont impensables car inaceptables, donc impensées car la souffrance qu’elle provoque est insoutenable, et alors refoulée. Il faut énormement de courage et de stabilité pour se lancer dans la dénonciation de cette réalité qui touchent toutes les familles de près ou de plus loin. Et parfois, au-delà du courage, il faut avoir retrouvé la mémoire. La mémoire dite traumatique qui permet au psychisme d’un individu de surmonter la douleur, empêche souvent les personnes ayant été victimes de violences sexuelles simplement de se souvenir. Le traumatisme entraine un état de sidération tel, qu’il abouti à un phénomène de dissociation psychique faisant que l’individu ne s’appartient plus à lui-même et souvent se retrouve dans une incapacité d’agir, voire de vivre.

Pour comprendre l’impunité actuelle, Céline Piques [9]nous rappelle que « moins de 1% des violeurs mis en cause ont été condamnés en 2018 (1269 condamnation pour 94 000 femmes et 165 000 enfants qui s’en déclarent victimes). Le viol est bien un crime, mais impuni. »

III. L’inceste (comme viol intrafamilial) est un crime impuni : la responsabilité politique de l’Etat en question

Ainsi, si la loi est bien l’expression de l’état d’une société, comment cela se fait-il qu’il y est aussi peu de condamnation ? Pourquoi l’impunité des agresseurs peut parfois apparaitre comme désespéremment organisée? La question de la volonté politique réelle doit être posée.

La spécificité du viol intrafamilial sur enfant, ou inceste, est qu’il ne faisait plus l’objet d’une interdiction légale en tant que telle depuis 1791. Or l’inceste était bien inscrit dans la loi sous l’Ancien régime accompagnée d’une présomption de non consentement pour tous les mineurs à l’époque de moins de 21 ans. Depuis 1792, avec le nouveau code pénal, il n’est plus nommé en tant que tel. Il ne le sera à nouveau qu’en 2018 (cf.. Emission France culture du 7 janvier 2021 « L’inceste au fil du droit : circonstance aggravante mais crime en soi »[10]). Jusqu’en 2018, lorsqu’il n’est pas purement nié, il est un viol comme les autres ; or ce n’est pas le cas dans une réalité constituée par un « rapport de force ou de domination ». La relation d’asymétrie et d’engagement à la protection que suppose la famille, socle institutionnel de base de nos sociétés, empêche de penser que cela est tout simplement possible et en réalité assez courant. D. Dussy parle de « viol d’opportunité » dans son ouvrage « Le berceau des dominations : anthropologie de l’inceste »[11].  

Patric Jean dans son livre « la Loi des Père », conclut qu’il s’agit d’un phénomène doublement caractérisé comme « phénomène de masse et invisibilisé. »  Il faut également souligner qu’il est systémique. Si 13 millions de personnes sont victimes, le nombre d’agresseurs ne doit pas être bien loin. Or, nos institutions semblent organisées pour le couvrir. Il est assez simple de comprendre pourquoi notre société est édifiée pour que cela continue. Il suffit en réalité de regarder en face à qui cela profite ? et le nombre de personnes qui en bénéficient. La chaine des bénéficiaires parle d’elle-même. Elle nous montre à quel point cela profite à une majorité de personnes, en situation de pouvoir ou de privilèges, par l’intérêt qu’elle tire des conséquences de ce fléau.

Alors si Céline Piques indique dans son livre « Déviriliser le monde »[12] que « l’égalité est une pratique. C’est une action. C’est une manière de vivre. C’est une pratique sociale. C’est une pratique économique. C’est une pratique sexuelle. Elle ne peut pas exister dans le vide ».

La Justice est aussi une pratique, une action, sociale et économique, et ne peut pas non plus exister dans le vide.

En matière de justice, Céline Piques, reprenant les chiffres du ministre de l’Egalité entre les hommes et les femmes de 2020[13], écrit que « les viols et agressions sexuelles sont les crimes et délits les plus instruits dans les tribunaux d’assises et correctionnels, mais aussi les moins dénoncés et les moins condamnés. »

Le constat est là. Les enfants ne sont pas protégés ; ils ne sont pas entendus, ou entendus puis muselés. Les adultes protecteurs qui ont décidé d’agir le seront également. Pour cela, les mères le plus souvent qui dénoncent finissent par être accusées, conduisant à une inversion de la responsabilité. De même, les médecins qui dénoncent se voient sanctionnés disciplinairement jusqu’à aller à la suspension de leur activité.

En effet, la principale victime colatérale de la dénonciation est la maman : pour mémoire, « pour près d’1 victime d’inceste sur 3, l’agresseur est le père », selon le rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites sur les enfants (CIVIISE)[14]. Les autres agresseurs sont d’autres parents comme le frère, l’oncle, le grand-père, le cousin etc. Or, beaucoup de ces mamans sont accusées de syndrôme d’aliénation parentale de manière abusive. L’intérêt est de permettre l’inversion de la responsabilité en cas de dénonciation de violences et en particulier d’inceste.

L’illustration la plus criante de ces abus aujourd’hui est le nombre de condamnations de mères sur la base de rapports effectués par le docteur Bensussan. Une action en justice vient d’être intentée le 8 avril 2022[15] par quatre structures spécialisées dans la protection de l’enfance et la lutte contre les violences sexuelles Cette action se base sur l’absence de fondement scientifique de cette notion ainsi qu’une pratique déviante du praticien sur cette base. Le ministère de la Justice s’est pourtant engagé dans son 5e plan de  « Lutte contre toutes les violences faites aux femmes (article 58)[16], à assurer une diffusion au sein des instances judicaires une information propre à proscrire ce concept. Il faut rappeler que l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[17] a elle-même procédé au retrait de cette notion pour le même motif d’absence de base scientifique.

Quant aux médecins ayant signalé des violences sur enfants, ils font l’objet de sanctions disciplinaires suite à la plainte auprès de l’ordre des médecins, portée par le parent accusé de violences sur l’enfant. Soignants et éducateurs sont en première ligne pour témoigner des faits et pourtant moins de 5% des informations préoccupantes transmises au Parquet émanent de médecins. Récemment une pédopsychiatre s’est vue condamnée à deux reprises  par le Conseil National de l’Ordre des Médecins pour « immixion dans les affaires de famille » après qu’elle a signalé des cas de violences sur mineurs. (exemples des Docteurs Izard et Fericelli[18] ). Pourquoi le Conseil National de l‘Ordre des Médecins ne soutient-il pas davantage les médecins qui dénoncent ces crimes[19] ?

IV. L’organisation sociétale culturelle de l’impunité de l’inceste ou la responsabilité des institutions françaises : le principe de « présomption d’innocence de l’agresseur » plutôt que « présomption de protection de l’enfant » et  l’institutionnalisation du Secret comme méthode.

Voici donc comment cette impunité est organisée de manière systémique et structurelle au sein des six institutions fondatrices de notre République que sont la police, la justice, la fonction publique, l’armée,  la médecine, l’Eglise et enfin la famille. Une méthode, un moyen puissant : le secret. L’institutionnalisation du secret comme pratique sociale, culturelle et institutionnelle. Que permet donc le secret en matière d’inceste ?

Pour la victime : le secret maintient la confusion mentale, détruit les repères internes jusqu’à leur perte totale, instaure la peur et l’incompréhension. Cela permet de rester sans force car faible et brisé devant l’incohérence entre les actes et les paroles de l’adulte agresseur, le visible et l’invisible. Or, sans force, l’isolement et le mutisme perdurent. Se taire n’est pas une option, c’est une fatalité. La mémoire traumatique – perte de mémoire transitoire qui peut durer pendant 40, 50, 60 ans, en tant que mécanique de survie devant l’indicible et la blessure, renforce le maintien du silence des mots alors que les maux du corps et de l’âme prolifèrent, les symptômes continuent. Pire : lorsque l’enfant ou l’adulte protecteur tentent de sortir du secret en osant parler, ils sont immediatement réduits au silence. Ils le sont par peur des représailles, par peur des conséquences de l’atteinte à la loyauté familiale, ou par peur tout simplement de ne pas être crus.

Parler, engendre alors une série de violences supplémentaires qui s’ajoutent à la violence du traumatisme dont la dépossession de la victime de ce qu’elle a vécu. Cette dépossession engage durablement le processus de confiance en soi et en les autres. Le traumatisme est là. A vie.

Muriel Salmona, indique dans un article publié en 2018 que certains auteurs avancent que la violence subie dans l’enfance, au sens large, est la première cause de mortalité précoce et de morbidité à l’âge adulte[20].

Pour l’agresseur : le secret permet de garder le contrôle, d’entretenir son sentiment de toute puissance par l’impunité, de jouissance illimitée à défier la société par le déni de ses interdits. La conservation du pouvoir de dominer devient aussi la garantie de son impunité. Le secret est donc la condition pour que l’inceste continue. La domination est devenue à la fois la cause et, par son maintien, la conséquence de l’inceste afin qu’il puisse rester impuni. Cette domination de l’adulte sur l’enfant est d’autant plus puissante que la vie de l’enfant dépend de cet adulte  censé l’aimer, le protéger et respecter son intégrité physique et psychique. La loyauté tacite envers la famille joue aussi pour l’agresseur. Celle-ci lui enjoint le maintien du secret pour ne pas abimer l’image sociale de cette dernière. La puissance du tabou est agissante ordonnant tacitement le secret.

La pratique de la justice, malgré elle certainement, telle qu’elle est exercée permet à l’agresseur, en toute impunité de ne pas respecter la loi : l’injonction au silence faite par l’agresseur à l’enfant brisé se heurte à la difficulté de la preuve à apporter, par nature impossible dans une relation asymétrique de domination.

Mais revenons au secret. C’est lui qui permet que la violence perdure.

Le secret est organisé pour être pratiqué au quotidien au sein de nos institutions sociales et institutionnelles. Sous couvert de protection, il permet surtout la perpétuation de la violence à partir de l’organisation de cette dernière. Le secret est au cœur des institutions ayant à traiter la question des violences et de l’inceste.

Le secret, imposant le silence, assure la protection « préventive » des agresseurs déjà couverts par « la présomption d’innocence » au lieu de « présomption de culpabilité » qui pourrait être aménagée, encadrée, assumée pour des crimes ou délits commis sur des enfants. En France, c’est ainsi.

Mais il pourrait en être autrement très simplement comme par exemple changer notre système de valeurs mettant au centre l’enfant. Il suffit de parirt du simple constat objectif qu’un enfant n’a pas les mêmes moyens qu’un adulte à sa disposition pour assurer sa propre protection à commencer par la parole. Ainsi, au lieu de « presomption d’innocence », ou de « culpabilité » toutes deux centrées sur la personne de l’agresseur présumé, nous pourrions simplement penser notre Justice autour de la « présomption d’innocence de l’enfant » en consacrant légalement ou même simplement dans la pratique des juges « la présomption de protection pour l’enfant ». Il faut insister ici qu’un simple changement dans la pratique des juges, demande t aucun changement législtatif. Il est donc possible d’ores et déjà culturellement et socialement de changer les habitudes des juges pour cette culture de la protection de l’enfant advienne, et cela dès aujourd’hui, dès demain.

La culture de la protection des violeurs est en vigueur de fait. Comment se fait-il qu’une société ne voie pas l’abus de pouvoir de la justice lorsqu’elle applique ce principe de droit générique qu’est la « présomption d’innocence » , garant d’une certaine vision légitime des rapports entre êtres humains, dans le cas d’une relation qui par nature est déséquilibrée, abusive, et en particulier lorsqu’un crime ou délit met en cause l’intégrité d’un enfant ? Il s’agit donc d’un choix de société que de créer une vraie culture de la protection en appliquant un principe certes utile en droit, mais qui ne tient pas compte une fois encore de la réalité, à savoir que dans le cas d’une relation de « domination », ce principe joue en faveur du dominant agresseur et en défaveur du dominé victime. Rien n’empêche par la suite de prévoir des dispositifs de prises en compte plus satisfaisants pour que les mis en cause ne le restent pas plus longtemps que nécessaire suite à la décision de justice.

Desmond Tutu disait qu’ « En cas d’oppression, la neutralité veut dire être du côté de l’oppresseur ». Edouard Durand a décliné une version de cette neutralité en matière d’inceste : « La loi n’est pas neutre : entre le loup et l’agneau, être neutre c’est être du côté du loup ».

V. L’abus de pouvoir des institutions françaises par le Secret : à qui cela profite ?

Le secret est donc le moyen le plus efficace pour continuer à faire exister des institutions qui abusent tout simplement de leur pouvoir,  ne pas vouloir voir, prouve que le problème est bien systémique pour ne pas dire institutionnalisé. Dans le désordre, les sept structures institutionnelles précitées sont organisées autour du secret de la manière suivante :

La police d’abord est régie par le « secret de l’enquête », qui fait que même lorsqu’il y a des accusations au dossier, les parties ne peuvent pas avoir connaissance des éléments. Soit. Il faut bien du temps et de la tranquillité lorsque les valeurs humaines sont touchées de plein fouet pour mener à bien les investigations. Le secret peut être compréhensible.

Les banques sont aussi régies par le « secret bancaire ». Les relations sociales qui se tissent autour de cette institution s’organisent aussi par rapport à ce principe qui, sous couvert de « protection », permet évidemment d’entretenir les abus de pouvoir alors cachés au yeux de tous. La question du « à qui cela profite ? » peut être simplement poser ici.

L’armée est aussi appelée « la Grande Muette », et pour cause. L’ordre public a été instauré au prix du silence de ses serviteurs. En effet, sous la IIIème République, les militaires étaient privés de leurs droits civiques pour éviter toute contestation. Le silence et le secret sont encore de mise même si leurs droits ont été rétablis en 1945. Même si les choses ont évolué, le rapport au silence et au secret est encore au cœur des traditions de l’armée. Il s’agit donc d’une institution de plus façonnée par ce principe.

La Justice est régie par le principe de la publicité des débats contenu à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et dans les codes de procédures Français, mais ils souffrent de nombreuses exceptions. Un des motifs par exemple précise notamment « s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice », selon l’ art. 435 du Code de procédure civile. La loi de novembre 1982 relative à « l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations de travail » envisage expréssement les débats à huis-clos. Le secret garantit dans ce cas que les rapports de domination soient soigneusement cachés.

Il faudrait pouvoir regarder en pratique les choix fait en matière de procès pour inceste. Ceci étant, d’un point de vue systémique, il est intéressant de noter également qu’il existe depuis la loi du 9 mars 2004, une procédure du « plaider-coupable » avec l’introduction de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Cette procédure instaure le huis-clos comme première phase obligatoire entre l’agresseur et le procureur de la République, sans la victime. Le secret est encore au cœur du processus.  

La fonction publique, de manière générale, obéit à ce que l’on appelle « le devoir de réserve ». La culture du secret est un des éléments fondateurs des devoirs d’un fonctionnaire. Il s’agit d’une pratique généralisée de la « discrétion professionnelle ». Les fonctionnaires doivent se soumettre à cette obligation qui a donné lieu une construction jurisprudentielle qui varie en fonction de la position du fonctionnaire dans la hiérarchie. Plus il est haut placé dans la fonction publique d’Etat et donc proche de l’exécution de la politique gouvernementale, plus l’exigence est forte vis-à-vis de l’exercice de cette obligation. Un fonctionnaire ayant un mandat local ou syndical dispose d’une plus grande liberté d’expression. Toujours est-il que la « discrétion » n’est jamais très loin, en terme de culture, de celle du « secret ». La culture du secret irradie donc par définition tout l’appareil d’Etat porté par les fonctionnaires.

Les médecins adhèrent de leur côté au serment d’Hippocrate qui, en conscience, propose de garder le silence et d’observer. Cela s’appelle aujourd’hui « le secret médical ». Le secret professionnel n’a pas toujours eu force de loi. Il a été introduit pour la première fois en 1810 en matière médicale[21]. Aujourd’hui, il figure à l’article 226-13 et 226-14 du Code pénal qui consacre le « secret professionnel » pour toutes les professions.  

Or, un autre principe vient percuter ce dernier en cas de crime et de délit commis sur une autre personne et à plus forte raison sur un enfant : « le principe de non-assistance à personne en danger ». Il figure dans le Code de la santé publique (article R.4127-9) : « Tout médecin, qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires. »

Au-delà de la controverse théorique légale entre ces deux principes, la pratique est beaucoup plus parlante. Selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violence sexuelles faites aux enfants (Ciivise) , seuls 5% des viols constatés sur enfants sont signalés par des médecins (cf. chiffres Hautre autorité de santé[22]). Outre cette faible part de signalements, nombre de medecins ayant signalé des enfants victimes de violences sexuelles ont été suspendus par l’Ordre des médecins. En mars 2022, la docteure Eugénie Izard, pédopsychiatre, a été condamnée à trois mois d’interdiction d’exercice de la médecine pour avoir signalé des violences sexuelles sur un enfant. La docteure Françoise Fericelli, également pédopsychiatre, a été suspendue deux fois au motif « d’immixion dans les affaires de famille » (émission sur France culture du 24 janvier 2022 «enfants maltraités : les pédopsys sous pression »[23]).

Toujours en pratique, suite au rapport de la CIVIISE du 31 mars 2022, le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) s’est dit « pas favorable » à une « obligation de signalement » concernant les médecins qui soupçonneraient les violences sexuelles chez un enfant. Cette position fait une distinction entre signalement et protection  : « Il n’y a pas d’obligation de signalement, mais nous sommes tenus à une obligation de protection. Quand un médecin est sûr qu’il y a des violences sexuelles, il se doit de faire un signalement au procureur de la République. Quand il a des soupçons, il peut faire une information préoccupante auprès de la cellule de recueil des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger. En revanche, il ne peut venir en aide à la mère de l’enfant (si le père est en cause) ou signaler ces soupçons au juge des enfants. C’est la loi« , précise la vice-présidente Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi[24]. Cette position donne à voir les réticences à permettre la circulation fluide d’informations vis-à-vis du juge pour enfants.

Une fois encore, à quoi ou à qui cela peut servir ?

Selon un pédopsychiatre qui a souhaité garger l’anonymat, la culture du viol est historiquement ancrée au sein des études médicales. Il en reste quelques reliquats sous forme de bizutage[25] dont on ne perçoit que la partie émergée, marquée par des excès de consommation d’alcool et des chansons paillardes glorifiant le viol[26], sous les regards grivois des fresques obcènes des salles de garde.

Dans le domaine médical, une enquête menée par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (l’ANEMEF), publiée le 18 mars 2021, a montré qu’un tiers des étudiants en médecine aurait été victimes de harcèlements sexistes ou sexuels lors d’un stage à l’hôpital ou à la fac. A l’université, 93% des agressions sexuelles sont perpétrées par des étudiants. En stage, au sein des hôpitaux, neuf actes sur dix sont perpétrés par un supérieur hiérarchique. Enfin, moins d’une agression sexuelle sur cinq serait signalée.

Alors première hypothèse d’explication systémique : si cette culture du viol est aussi massivement répandue pendant toute la période d’études des futurs médecins, cela explique non seulement le faible taux de signalements par les médecins par rapport aux autres professionnels (5%) et, dans le même temps, interroge aussi directement les pratiques des dits médecins une fois en fonction.

Même si l’Eglise fait figure de précurseur dans sa dénonciation des violences sexuelles sur les enfants en son sein, c’est bien un fléau qui est mis au jour par l’INSERM. Depuis 2018, l’installation de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE) montre une volonté de donner à voir l’étendue des violences sexuelles depuis 1950. A sa tête, Jean-Marc Sauvé a conduit la rédaction d’un rapport publié le 5 octobre 2021[27] qui a montré pour la première fois que « le secret de la confession ne pouvait pas permettre de déroger à l’obligation prévue par le code pénal de signalement en cas de violences sexuelles  sur un mineur ou une personne vulnérable ». De manière structurelle et systémique, le prêtre chaque dimanche répète : « Ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Eglise. » Tout montre ici la déresponsabilisation des membres de cette institution, qui entendent tous les dimanches que personne ne va regarder leurs exactions, mais juste leur bonne intention. Le secret passe aussi par le fait de ne pas voir, tout à fait consciemment en l’espèce.

Toujours dans ce même rapport Sauvé, « La culture du secret, du silence et de la solidarité » au sein de l’Eglise a permis que de nombreuses exactions soient sciemment couvertes au nom du secret de la confession.

Enfin, la famille, comme institution, fonctionne comme un groupe social « primaire ». C’est en son sein que s’apprennent les codes sociaux les plus élémentaires, les valeurs et les normes qui aideront ensuite l’enfant à développer des relations sociales. Sans aller beaucoup plus loin, l’inceste comme les violences conjugales sont des violences caractérisées car elles sont cachées, dans le secret des familles. Le secret est dans les deux cas institués de fait par le tabou de ces violences. La famille étant le lieu qui, par sa fonction, doit apporter « protection », la violence en son sein est inimaginable. Ce sont donc bien les tabous de la violence et en particulier de l’inceste qui instaurent la culture du secret. La banalité de cette culture introjectée et admise inconsciemment et collectivement par tous s’illustre tout simplement par l’expression « secrets de famille ».

Or, ces violences introduisent de facto une distorsion immense pour les enfants victimes de violences conjugales et plus encore d’inceste. La dissonance entre paroles et actes apprend à l’enfant à évoluer de manière dysfonctionnelle dans l’apprentissage du lien à l’autre et, de manière générale, aura des répercussions sur sa vie. Sa socialisation sera impactée de plein fouet. C’est pourquoi, l’inceste, comme les violences conjugales, est d’abord et avant tout un fléau qui touche toute la société. Il est une atteinte à ses valeurs  les plus fondamentales déclarées comme telles, dont celle de la protection des uns par les autres, et en particulier des enfants par les adultes. La protection attendue ne peut commencer que par l’écoute et l’accueil respecteuse de la parole quels que soient l’âge et le niveau de moyens d’expression.

Une dernière question – encore plus simple – pourrait être posée à chacun : en quoi le secret pourrait réellement aider à protéger la personne qui se confie lorsqu’elle subie des violences ? Cela ressemble fort à un non-sens. Cela ne sert que les agresseurs et/ou les personnes et institutions dont le rôle est de garantir le maintien de l’ordre public et la protection effective que tout un chacun attend de la société à laquelle il appartient, a fortiori au pays de la Déclaration des droits de la Personne (de l’Homme). Lever ce secret revient à dévoiler au grand jour des défaillances, des manquements volontaires ou non, jusqu’à des volontés de nuire.

Notre société est aujourd’hui face à de vrais choix sur comment vivre ensemble. La levée de tous les secrets en est un. Apparement plus loin du sujet qui nous occupe, le « secret bancaire » est aussi au nombre des secrets qui structurent les rapports sociaux. Sans rentrer dans ce sujet, il participe avec tous les autres secrets d’une culture de l’opacité dont l’intêrét profite souvent aux plus aisés, donc à ceux qui ont les moyens de dominer.

Le juge Edouard Durand appelle de ses vœux une société qui endosse la culture de la protection[28] et il a raison. Mais cela ne pourra pas se faire sans la levée du secret, de tous les secrets, à tous les niveaux tant qu’il profite potentiellement à l’agresseur.  

VI. La complicité (active ou passive) de l’entourage des victimes et des institutions par l’institutionnalisation de mécanismes connexes au secret

Une nouvelle organisation est possible mais pour cela il faut également s’attaquer à tous les mécanismes connexes au secret également institutionnalisés qui permettent la complicité active ou passive, volontaire ou contrainte, consciente ou non, de l’entourage et des institutions elles-mêmes.

La justice s’appuie sur la notion de « prescriptibilité des peines » interdisant l’imprescriptibilité. Ceci en regard d’une croyance qui vise à préserver le « droit à l’oubli » pour l’agresseur. Or, ce faisant, la société indique que le droit à l’oubli pour l’agresseur est plus important que le droit à la justice pour une victime dont la mémoire lui aurait fait défaut pendant plus de 30/40 ans[29] (la mémoire traumatique occulte les violences, ce qui permet à la personne de continuer à « vivre » ou « survivre » malgré le trauma) . Ce choix est un vrai choix de société sans compter sur l’effet dissuasif pour les agresseurs de l’imprescriptibilité qui permettrait, pour des enfants, de rétablir une sorte d’équilibre dans l’atteinte à leur intégrité et à leur vie à un moment ou le rapport de domination joue en leur défaveur. Ceci mérite d’être a minima posé dans le débat même si ici il n’est pas questin de viser le « tout sanction » bien au contraire. L’objectif est d’aboutir à ce que la vie prenne le pas sur la violence au sein de nos institutions et c’est en ce sens qu’une proposition pourra être faite.

La présomption d’innocence versus le principe de non-assistance à personne en danger a été exposée plus haut. Comme autre mécanisme visant à maintenir l’impunité, ou la banalisation de cette violence, c’est la pratique des tribunaux les conduisant à une déqualification matérielles des faits de crime en délit. Le motif généralement invoqué est celui de l’engorgement des tribunaux d’assises : or cela prive clairement les victimes d’une reconnaissance des violences subies à la hauteur de ce qu’elles sont à condition de vouloir une vraie société du soin et de la protection. Un rappel des chiffres de 2020 donnés par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ)[30] :  « Le nombre moyen de procureurs pour 100.000 habitants est quatre fois inférieur en France à la moyenne constatée au sein des 47 Etats du Conseil de l’Europe » et le nombre de juges est environ deux fois moins important que la médiane : 10,9 pour 100.000 habitants en France avec pour médiane 21,4. Il  y a un vrai manque de moyens en France.

S’il y a condamnation, le coupable purgera une peine qui le désignera à son tour comme seul responsable, sans inclure la responsabilité systémique de la société qui a « permis » ce crime. La société punit et se dédouane de sa part de responsabilité. Le coupable pourra avoir la tentation de se sentir à son tour « victime », et l’enfant victime n’aura pas l’occasion d’entendre les causes profondes qui ont engendrées le passage à l’acte de son agresseur. La justice est passée mais la réparation ne s’est pas opérée. C‘est ici que la question d’une Justice alternative qui offre à la victime d’être pleinement entendue et à l’agresseur de mesurer les conséquences de ses actes doit se poser.

L’Eglise s’appuie sur le pardon qui agit comme une absolution sans générer de prise en charge collective, ni de réflexion sur les causes, ou d’éradication du fléau. Cela reste une démarche individuelle. Le secret sera préservé.  

Une grande partie du milieu médical, pour ne pas voir les causes des violences et ne pas traiter la question à la hauteur de la gravité de ces violences, s’appuie sur le concept de résilience. Ce concept a permis de mettre un mot sur un mécanisme qui permet aux victimes d’entrevoir la possibilité de se reconstruire. Le processus permet de se dire victime, de se le dire à soi-même, de l’accepter pour ensuite le dépasser. Malgré tous les bénéfices de la description de la resilience, il est important de remarquer que les personnes qui l’utilisent, la promeuvent, ou en vivent professionnellement, ne relèvent jamais explicitement les causes des  maux ou les traumas qui en sont l’origine.

Ce qui est ici interrogé est de savoir pourquoi une grande partie du milieu médical met en place tout un système de discours et de parcours autour de la résilience de manière déconnectée des causes des traumatismes des personnes concernées. Au lieu de résoudre les problèmes à la racine et de se demander pourquoi les enfants, les adolescents ou les adultes souffrent, on leur apprend à faire face. Le secret peut se maintenir en l’état. La résilience prise sans la mise en lumière des causes du trauma est un outil instrumentalisé pour que le secret puisse perdurer.

Enfin dans la famille, c’est le mythe de l’amour inconditionnel qui opère comme un mécanisme de renforcement du secret. En effet,  il n’est pas concevable qu’il puisse y avoir autre chose que de l’amour dans cette cellule de base de notre société. Or, c’est la force de cette croyance qui ne permet pas que l’idée de la violence, et encore plus quand elle est cachée, pour toutes les raisons évoquées ci-avant, puisse être envisagée. D’ailleurs, Alice Miller dans son livre « La connaissance interdite » met en avant les mécanismes et croyances autour de la famille qui empêchent que la question des violences soient vraiment considérées très sérieusement.

Nommer ces violences risquent de faire exploser la famille au sens large et représentent un coût exorbitant avec de nombreuses conséquences allant de l’atteinte à l’image sociale, à la précarité du logement, précarité financière et à la peur de l’exclusion du groupe social. La peur de l’abandon est aussi un des moteurs les plus forts pour les enfants comme pour les parents protecteurs qui les empêchent de dire : que vais-je devenir si je suis mis au ban de la famille ou si je mets un référent au ban de la famille ? Les tensions sont trop fortes pour permettre de briser le secret.

En conclusion, que se passe-t-il quand un enfant parle et /ou qu’un adulte protecteur dénonce les faits de violences intrafamiliales et de l’inceste en particulier ? Ils enfreignent la loi du secret, la loi de tous les secrets liés au tabou de ces violences intrafamiliales dont l’inceste. C’est un peu comme si le fait de désigner, de dire, de nommer ces violences constituait finalement l’infraction « de violation des secrets » car elle bouscule les équilibres institutionnels tacites, existants au profit des agresseurs et couvrant les responsabilités de l’ensemble des institutions composant notre société. Briser le silence revient à remettre l’ensemble de la société face à ses valeurs, à ses croyances jusqu’à son organisation institutionnelle en faveur ou non d’une culture réelle de la protection.

Pour mémoire, les principaux chiffres ont les suivants :

  •  225.000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles au sein du couple par an[31] ;
  • 165.000 enfants victimes de violences par an estimés selon l’enquête IPSOS[32] de 2019 ;
  • 80% des violences sexuelles sont des violences intrafamiliales ;
  • 95% des agresseurs pour violences sexuelles et incestes sont des hommes ;
  • 1 inceste sur 3 est perpétré par le père selon le rapport de la CIVIISE ;
  • 400.000 enfants sont victimes de violences intrafamiliales, pour seulement 1.480 condamnations et à peine 58 retraits d’autorité parentale selon le livre blanc des « enfants exposés aux violences conjugales »[33] de février 2022 remis au gouvernement par la députée de l’Eure, Marie Tamarelle-Verhaeghe

VII. Qui voulons-nous vraiment protéger ?

Le juge Edouard Durand a posé le constat dans le livre blanc précité de manière très claire sur l’inceste : Qui voulons-nous protéger ? L’inceste est :

  • « Un crime contre l’Humanité du sujet ;
  • Un vol et une atteinte d’une violence extrême de l’intégrité, de la dignité et de la liberté de la personne ;
  • Une perversion du besoin affectif et de sécurité de l’enfant, dans une asymétrie qui agresse l’enfant victime ;
  • Une trahison par la jouissance contrainte du corps de l’enfant, une rupture de la relation et une destruction du langage ;
  • Une manipulation car l’enfant est tenu par l’interdication de parler pour que l’impunité de l’agresseur soit assurée ; Il est isolé et enfermé ;
  • Une œuvre de mort tout au long de sa vie : souffrance somatiques, psychiques psychotraumatiques, attaque de l’estime de soi, de la vie affectives et sexuelles, de la confiance dans l’autre et dans la société ;
  • Un problème politique faisant de l’inceste un problème de sécurité publique et de santé publique.

VIII.  La protection des enfants est possible : une culture de la protection à simple portée de Justice, des solutions sont prêtes

La réponse est que nous voulons protéger les enfants, futurs adultes et citoyens.

Nous voulons aussi que notre société fasse que la famille soit vraiment le lieu de la vraie protection.

Au vu de l’ampleur du phénomène, il sera impossible de judiciariser le règlement de tous les crimes et délits intrafamiliaux. Au regard du nombre de personnes concernées, la mise en œuvre matérielle de la fin des violences intrafamiliales est socialement impossible pour des raisons financières, psychologiques et culturelles (Cf.la loi des Pères de Patric Jean[34]). Il faut également penser sur le long terme, penser l’« après » qui prendrait en compte la question de rendre possible la fin de l’inceste, tout simplement son éradication en tant que fléau de masse.

Nous ne pourrons pas utiliser notre justice pour traiter les 165.000 cas par an, ni les 4 millions, 5,5 millions voir 10 millions de cas. Les coûts culturel, psychique, financier et donc social sont exhorbitants.

Plusieurs guerres civiles, fratricides et sororicides, ont permis de penser à l’après : s’il a été possible de mettre fin à l’Apartheid en Afrique du Sud grâce aux Commissions Vérité et réconciliation, si le Rwanda a réussi à dépasser un génocide ayant fait plus de 800.000 morts en quatre mois grâce à des instances de Justice « transitionnelle »[35], nous savons d’ores et déjà que nous avons des outils à notre disposition pour envisager l’éradication d’un fléau qui attaquent nos relations au sein de nos familles et notre communauté humaine. Beaucoup d’autres pays notamment en Amérique latine ou d’Afrique ont expérimenté des modes d’organisation tournés vers l’éradication et la prévention à venir des violences. Le fondement est l’envie profonde d’une reconstruction d’un lien social et d’une capacité à vivre ensemble pour que les horreurs perpétrées ne puissent plus jamais recommencer.

Il suffit simplement d’en faire le choix, reconnaissant que l’inceste et toutes les violences sexuelles sur mineurs sont des crimes d’ampleur intra-sociétaux, leur prévention et éradication doivent être pour tous une priorité. La fin du secret, doit être enfin pensée.

Nous sommes prêts. Des solutions sont prêtes.

Et la plus simple est sous nos yeux : Il suffit  qu’en matière de relations intrafamilliales,  ou relations par nature asymétriques entre un enfant et un adulte, que le principe de « présomption d’innocence » ne soit plus compris comme étant au profit de l’agresseur, mais bien comme celle de la protection de l’enfant. Devant l’évidence, cette inversion de la responsabilité doit cesser non seulement en droit français mais aussi dans tous les esprits pour une société d’humanité.

Edith A., Juriste.


Relecteurs et contributeurs tous précieux,  de tous horizons familiaux, sociaux et professionnels confondus (journaliste, pédiatre en CHU, psychologue, gémologue, fonctionnaire cour des comptes, fonctionnaire ministère du travail, emploi et solidarités, lobbyiste européenne, juriste, professeure, enseignante, éducatrice spécialisée, directrice de théatre…) :

  • Hélène R.
  • Bénédicte L.
  • Lena L.       
  • Laurent S.
  • Maïna
  • Maylis B.
  • Céline P.
  • Cécile V.
  • Liza D.
  • Coline B.
  • Clémence P.
  • Jean-Marie B.
  • Anthony B.
  • Irène P.
  • Bruno C.

APPEL A ACTIONS DANS LE TEMPS : Pour tous les professionnels (médecins, psychologues, psychiatres, éducateurs, avocats, magistrats etc…) et/ou citoyens qui souhaitent participer activement à ce changement de société, vous pouvez écrire aux deux adresses suivantes pour plus d’informations :

Vous trouverez ici notre Manifeste.


[1] A noter : le journal Libération (article de Jacques Pezet Novembre 2021)-a vérifié les données mises en avant par Karl Zéro dans son manifeste « 1/5 » directement auprès du Conseil de l’Europe. Ces données sont une compilation d’analyses et d’études nationales diverses. Les taux de prévalence peuvent donc varier d’un pays à l’autre.

https://www.liberation.fr/checknews/dou-vient-lestimation-selon-laquelle-un-enfant-sur-cinq-a-ete-victime-de-violences-sexuelles-20211109_S633ZAV6ZJEGXNR3RGX4GI7RF4

[2] Chantal Zaouche Gaudron, dans Exposés aux violences conjugales, les enfants de l’oubli (2016), pages 15 à 18. Severac N. Les enfants exposés à la violence conjugale. Recherches et pratiques. ONED (Observatoire National de l’Enfance en Danger). 2012.

[3] Patric Jean, « La loi des Père », ed. du Rocher, 2020

[4] https://www.fondation-enfance.org/wp-content/uploads/2016/10/memoire-traumatiquevictimologie_impact_violences_sexuelles.pdf (p.279)

[5] Encore des chiffres de 2018 –  https://www.cairn.info/revue-rhizome-2018-3-page-4.htm

[6] Loi  n°2016-297 du 14 mars 016 relative à la protection de l’enfant (cf.https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000032205423)

[7] Dorothée Dussy, le Berceau des dominations, 2013, ed. La Discussion

[8]  Alice Miller, «La connaissance interdite. Affronter les blessures de l’enfance dans la thérapie », ed. Flammarion 1980.

[9] Céline Piques,  «Déviriliser le monde », ed. rue de l’Echiquier, coll. les Incisives, février 2022

[10] https://www.franceculture.fr/droit-justice/linceste-au-fil-du-droit-circonstance-aggravante-mais-pas-crime-en-soi

[11] « Le berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste », Dorothée DUSSY, ed. La Discussion, 2013

[12] Céline Piques,  «Déviriliser le monde », ed. rue de l’Echiquier, coll. les Incisives, février 2022

[13] Ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances, la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, n°16, novembre 2020

[14] Rapport de la Ciivise, du 31 mars 2022 : https://www.ciivise.fr/les-conclusions-intermediaires/

[15] https://www.cdpenfance.fr/communique-de-cdp-enfance/) et (https://www.mediapart.fr/journal/france/080422/violences-intrafamiliales-quatre-associations-a

[16] https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2016/11/5e-plan-de-lutte-contre-toutes-les-violences-faites-aux-femmes.pdf

[17] https://www.scienceshumaines.com/syndrome-d-alienation-parentale-trente-ans-de-controverses_fr_41770.html ; https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/inceste-en-finir-avec-le-mythe-du-syndrome-d-alienation-parentale

[18] https://www.francetvinfo.fr/societe/video-une-pedopsychiatre-condamnee-par-l-ordre-des-medecins-apres-avoir-fait-un-signalement_5070262.html

[19]( https://www.francetvinfo.fr/societe/video-une-pedopsychiatre-condamnee-par-l-ordre-des-medecins-apres-avoir-fait-un-signalement_5070262.html)

[20] Felitti, V. J., Anda, R. F., Nordenberg, D., Williamson, D. F., Spitz, A. M., Edwards, V., et al. (1998). The relationship of adult health status to childhood abuse and household dysfunction. American Journal of Preventive Medicine, 14, 245-58. Dans l’article de Muriel Salmona paru dans Rhizome 2018/3-4 (N°69-70), p.4 à 6. « Les traumas des enfants victimes de violences : un problème de santé publique majeur »,

[21] https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/bulletin/2012-11/specialmedecin_secretmedical_web.pdf, p.5/32

[22] Rapport de la Ciivise, du 31 mars 2022 : (https://www.ciivise.fr/les-conclusions-intermediaires/)

https://www.liberation.fr/societe/police-justice/inceste-lordre-des-medecins-pas-favorable-a-une-obligation-de-signalement-des-medecins-20220331_HDEF4Y25EZHELBQF5QFYQF4P7Y/

https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/violences-sexuelles-faites-aux-enfants-il-faut-absolument-que-les-medecins-s-emparent-de-ces-thematiques-demande-l-ordre_5055238.htm

[23] https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/enfants-maltraites-les-pedopsys-sous-pression

[24] https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/violences-sexuelles-faites-aux-enfants-il-faut-absolument-que-les-medecins-s-emparent-de-ces-thematiques-demande-l-ordre_5055238.html

[25] https://www.20minutes.fr/societe/3108235-20210824-nord-combat-pere-contre-bizutage-apres-mort-fils

[26] http://www.chansons-paillardes.net/chansons_paillardes/Breviaire-paillardes/Les_Paroles/DigueDuCul.html

(La digue du cul je rencontre une belle(bis), Qui dormait le cul nu la digue la digue, La digue du cul je bande mon arbalète (bis), Et lui fous droit dans l’cul la digue la digue)

[27] Rapport du 5 octobre 2021,  de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église. (https://www.ciase.fr/rapport-final/)

[28] https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/09/03/edouard-durand-la-parole-des-victimes-sera-la-base-de-nos-travaux_6093274_3224.html

[29] Muriel Salmona, 2028, « chapitre 7 : Amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre ? » dans Victimologie de Carole Damiani et Roland Coutanceau.  https://www.cairn.info/victimologie–9782100784660-page-71.htm

[30] Conseil de l’Europe Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), 8ème rapport « Systèmes judiciaires européens – Rapport d’évaluation de la CEPEJ – Cycle d’évaluation 2020 (données 2018) ». https://www.coe.int/fr/web/cepej/home/-/asset_publisher/CO8SnxIjXPeD/content/the-cepej-report-containing-the-figures-on-the-efficiency-of-the-functioning-of-judicial-systems-in-europe-has-been-published?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Ffr%2Fweb%2Fcepej%2Fhome%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_CO8SnxIjXPeD%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-1%26p_p_col_count%3D9

[31] Chiffres du Ministère de l’intérieur de novembre 2021. 

https://mobile.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-infos-pratiques/2022-Infos-pratiques/Signalement-des-violences-sexuelles-et-sexistes/Violences-sexuelles-et-sexistes-les-chiffres-cles

[32] https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2019-06/2019-rapport_d_enquete_ipsos-web.pdf

[33] https://www.enfantsetviolencesconjugales.fr/wp-content/uploads/2022/03/Livre-blanc-Enfants-exposes-aux-violences-conjugales.pdf

[34] Patric Jean, « La loi des Père », ed. du Rocher, 2020

[35] ATTENTION : Il ne s’agit pas de Justice restaurative, où la victime se retrouverait en face de son agresseur pour envisager une réparation. Cela est à proscrire car dévastateur pour la victime. Aucune justice ne pourra réparer le traumatisme lié à la violence  faite sur les enfants et encore moins lorsqu’il s’agit d’inceste. Il s’agit d’un autre modèle de Justice qui doit être proposé pour que les violences cessent définitivement. Une Justice collective, une société qui dit ce qui est, pour que cela s’arrête. Une société qui décide vraiment de protéger les enfants.  La Cour d’Assise est le seul endroit aujourd’hui où les victimes peuvent être entendues mais au regard du fléau que représente les violences sur les enfants dont les violences sexuelles avec au premier chef, l’inceste, notre modèle de société ne permet pas que tous les cas y soient traités. Pour preuve, la correctionnalisation des viols sur enfants (et en général) fait partie de la stratégie de nos institutions judiciaires pour qu’un refus réel des violences sur les enfants puisse être considéré comme sérieux. Notre société autorise donc toujours, y compris institutionnellement les viols sur enfants. (cf.

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Proteger_les_enfants_des_violences_sexuelles_est_un_imperatif_age_legal_du_consentement.pdf: .

« La correctionnalisation des viols (40% des agressions sexuelles jugées au Tribunal Correctionnel sont en fait des
viols) aboutit à des condamnations avec des peines souvent peu importantes, avec du sursis, et des réparations souvent minimes (Etude sur les viols et les agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 en Cour d’assises et au Tribunal correctionnel de Bobigny) »

Protecteurs experts

Qui sont les protecteurs experts ? Quand une victime porte plainte, elle s’en remet totalement au système pour les protéger, elle et ses proches. Cela débouche sur une relation Justice / plaignant où la victime, peu considérée, ne se voit fournir que le minimum d’informations sur ce qui va advenir : le coût, le temps, le processus... Les victimes cherchent alors des réponses. Elles consultent Internet, rejoignent des groupes spécialisés, échangent et s’informent sur leurs problématiques. Certaines réalisent ainsi que les difficultés qu'elles traversent sont vécues par des milliers d'autres personnes qui peuvent leur transmettre leurs expériences.

Les protecteurs experts… Ou comment la Justice force les victimes à devenir expertes dans les domaines liés à leur protection / survie

Quand une victime porte plainte, elle s’en remet totalement au système pour les protéger, elle et ses proches. Cela débouche sur une relation Justice / plaignant où la victime, peu considérée, ne se voit fournir que le minimum d’informations sur ce qui va advenir : le coût, le temps, le processus… Les victimes cherchent alors des réponses. Elles consultent Internet, rejoignent des groupes spécialisés, échangent et s’informent sur leurs problématiques. Certaines réalisent ainsi que les difficultés qu’elles traversent sont vécues par des milliers d’autres personnes qui peuvent leur transmettre leurs expériences.

Les protecteurs experts

Au fil de leurs lectures et autres discussions, elles s’éduquent, emmagasinent des infos, apprennent le nom des lois, la jurisprudence. Elles savent la différence entre le pénal et le civil, entre un juge et un procureur, elles connaissent les acronymes : SAP, JAF, NRE, ITT…

Contraintes et forcées par un système qui ne les protège pas, les victimes emmagasinent des compétences multidirectionnelles qui dépassent souvent celles de leurs interlocuteurs. Elles deviennent ainsi des protecteurs experts.

Cette appellation fait écho à celle des « patients experts« , nom officiel donné par la médecine aux patients détenteurs voire créateurs de savoirs à force de consultations et de documentation. Il s’agit le plus souvent de patients souffrant de maladies chroniques et possédant des connaissances très pointues sur leur maladie ou sur l’affection dont ils souffrent. Ils ont rattrapé leur manque de savoir initial pour échanger en connaissance de cause avec les médecins qui les suivent. Cela les aide à prendre les meilleures décisions.

Ces patients, au lieu de déléguer totalement la gestion de leur maladie, décident de réduire le décalage de compétences pour retrouver du contrôle sur leur vie et mieux apprécier les décisions du médecin. Cette démarche d’autonomisation par rapport à ce dernier peut être individuelle et/ou collective.

Parfois, elle est encouragée par le médecin, parfois elle se déclenche en réaction à un manque d’informations ou à une attitude désagréable. Au final, les patients passifs et ignorants deviennent des patients actifs et sachants.

Un processus similaire existe chez les victimes de violences intrafamiliales qui ne reçoivent pas la protection nécessaire et qui doivent engranger des compétences pour participer à leur défense.

1 – Lutter contre la passivité imposée

Les victimes qui portent plainte dépendent des actions de beaucoup d’individus : la police, l’administratif, la Justice, la médecine, les médiateurs… Or rapidement, des difficultés surgissent au sein de ces différentes relations. La première frustration qui en découle est l’horrible sentiment de devoir subir, d’être dépossédé de son pouvoir d’action à panser ses plaies. Les victimes ont du mal à comprendre où en sont leurs dossiers, à connaître leurs droits, les aides auxquelles elles peuvent prétendre…

Les victimes de violences ont déjà tellement perdu de confiance en elle. Le système de Justice actuel continue d’éroder cette confiance. Alors pour celles qui le peuvent, gagner de l’expertise sur ce qu’elles traversent, c’est une des façons de lutter contre leur passé et reprendre du pouvoir sur la situation.

2 – Lutter contre l’asymétrie d’informations

Contrairement en médecine où la loi Kouchner de 2002 autorise l’accès à l’information pour les malades, en Justice, c’est très loin d’être aussi transparent. On dit que la connaissance, c’est le pouvoir. Inversement, ne pas savoir ce qui se trame, ne pas avoir accès à son dossier, attendre une éternité entre deux décisions, parfois contradictoires, c’est infantilisant et éprouvant. Il faudrait passer d’une connaissance centralisée à une connaissance partagée !

Pour compenser, les victimes se renseignent, cherchent à combler les morceaux qui leur manquent et luttent contre l’asymétrie d’information et de pouvoir. Elles recherchent une aide alternative, elles s’impliquent dans la gestion de leurs affaires autant que possible et surtout, agissent comme elles peuvent pour protéger leur vie et celles de leurs enfants.

Il faut reconnaitre et utiliser le savoir des victimes devenues protectrices expertes !

Redéfinissons ensemble le droit à l’information, partageons mieux les connaissances et les ressources, modernisons les relations entre la Justice et les plaignants de façon à ne plus infantiliser ces derniers, participons à la reprise de pouvoir des victimes car les rendre plus actrices de leurs vies les aident à guérir de leurs traumatismes. Redonnons-leur du pouvoir !

Améliorons le parcours des victimes, du dépôt de plainte aux tribunaux, en passant par la gestion du quotidien, de la santé physique et psychologique ! Et tout cela facilement, en les écoutant, en recueillant le feed-back, pour innover grâce à l’implication de tous : les victimes individuelles, les associations, les alliés…

L’expertise des victimes doit être reconnue mais également leur capacité à créer du savoir. La force de travail et l’implication de ces personnes font avancer la cause. On ne compte plus les fois où les lois ou les mentalités ont changé grâce à la détermination et à la justesse des propositions des protecteurs experts. Les écouter aide à changer le monde, à le rendre plus juste.

A la fin tout le monde y gagne : les victimes, le système judiciaire ou celui de la santé, les finances collectives… Plus que jamais, la Justice a besoin d’un système humaniste, apte à (re)connaître la personne. Les protecteurs experts peuvent faire la différence.



Nous vous conseillons la lecture de nos articles « Conseils à connaitre avant de porter plainte contre des violences intrafamiliales » et « Plainte avec constitution de partie civile (procédure pénale)« .

Le gaslighting, vous connaissez ?

Le gaslighting, vous connaissez ?

Le gaslighting désigne une forme d’abus mental dans lequel un individu manipule la réalité pour faire douter sa victime de ses perceptions et de sa santé mentale.

Ce mot anglais est issu d’une pièce datant de 1938 intitulée Gas Light où un mari fait croire à sa femme qu’elle devient folle. Celle-ci constate que leurs lumières varient d’intensité le soir (car le mari utilise la lampe à gaz quand il fouille dans le grenier pour trouver et voler les bijoux de sa femme) mais il prétend que non et met tout en œuvre pour qu’elle doute d’elle-même jusqu’à ce qu’elle n’arrive plus à faire confiance à ses propres jugements. Depuis 1956, on utilise ce terme pour désigner du harcèlement psychologique ayant recours au mensonge, au déni, à l’omission sélective ou à la déformation de faits dans le but de tirer profit de l’anxiété et de la confusion ainsi générées.

C’est une façon de priver la victime de gaslighting de libre-arbitre.

L’essayiste Patricia Evans a listé sept « signes d’avertissement » du gaslighting :

  • Dissimuler des informations à la victime
  • Contrer ou déformer ses affirmations
  • Minimiser l’information émise par la victime
  • User de violences verbales et de moqueries
  • Isoler la victime des ressources extérieures
  • Déprécier la valeur de la victime
  • Affaiblir socialement et psychologiquement la victime

Pour résumer, ces manipulateurs utilisent des mensonges éhontés, nient avoir dit quelque chose même si on leur en apporte la preuve, leurs actions ne suivent pas leurs paroles, ils utilisent ce qui est cher à la victime pour l’atteindre, ils soufflent le chaud et le froid pour semer la confusion, ils essayent de monter les autres contre la victime, ils prétendent qu’elle perd la tête et/ou que les autres mentent. Surtout… ils gagnent à l’usure !

Le gaslighting implique un déséquilibre de pouvoir dans la relation. Les agresseurs exploitent souvent les stéréotypes ou les vulnérabilités liés au genre, à la sexualité, à la race, à la nationalité et/ou à la classe sociale.

 » La caractéristique la plus distinctive du gaslighting est qu’il ne suffit pas que le manipulateur contrôle simplement sa victime ou que les choses se passent dans son sens : il est essentiel pour lui que la victime elle-même soit d’accord avec lui « 

Andrew D. Spear, un professeur agrégé de philosophie à la Grand Valley State University à Allendale, Michigan, dans un article de 2019 sur le gaslighting.

Les recherches montrent que ces comportements peuvent se retrouver partout mais que le plus souvent ils ont lieu dans des relations hétérosexuelles avec un homme qui manipule une femme. Le gaslighting va souvent de pair avec la violence intrafamiliale. Dans une enquête de la National Domestic Violence Hotline, 74% des femmes adultes victimes de violence domestique ont déclaré avoir été victimes de gaslighting.

Des victimes racontent ce qu’elles ont subi. Ces exemples ne sont pas des actes criminels et pourraient même paraitre anodins aux yeux de personnes non alertées sur ce qu’est le gaslighting, mais pourtant c’est tout sauf anodin. Ce sont de petites gouttes quotidiennes qui remplissent un vase toxique et délétère. Un vrai lavage de cerveau !

« Mon petit ami cachait mon téléphone puis me disait que je l’avais perdu, dans un double effort pour me désorienter et m’empêcher de communiquer avec les autres. »

« Mon ex-petit ami était comme un caméléon qui inventait de petites histoires pour me rendre confuse, comme mentir sur la couleur de la chemise qu’il avait portée la veille »

« J’ai surpris mon ex-mari en train de me voler mes clés pour que je ne puisse pas quitter la maison, puis je l ‘ai vu insister sur le fait que je les avait « encore » perdues. »

« Le mien volait mon argent et disait ensuite que j’étais négligente avec les sous. »

Les victimes sont des boucs émissaires des agresseurs qui tentent de fabriquer des pensées ou des sentiments d’instabilité mentale chez elles. Ils cherchent à les déstabiliser, à les bouleverser, à induire des états délirants et/ou à exercer un contrôle sur elles. Même lorsque les victimes essayent de discuter avec l’agresseur de ce qu’il provoque ou fait ressentir, celui-ci est capable de déformer la conversation de sorte qu’elles finissent par croire qu’elles sont la cause de son mauvais comportement. Ils prétendent que si seulement elles se comportaient différemment, ils ne les traiteraient pas comme ils le font.

Se rendre compte que l’on est victime de gaslighting est très difficile du fait de l’emprise de la personne. De plus, cela surfe sur des croyances ancrées où la femme serait naturellement irrationnelle, émotive alors que l’homme est raisonnable… Les dégâts sont nombreux : anxiété, dépression, désorientation, baisse de l’estime de soi, trouble de stress post-traumatique, hypervigilance, surréactions, pensées suicidaires…

Les manipulateurs sont bien-évidemment subtils et avancent masqués. Néanmoins, on peut les repérer via l’observation par exemple de phrases récurrentes du type :

  • Tu es trop susceptible/Tu t’énerves tout le temps.
  • Tu prends les choses trop à cœur.
  • Tu te fais des idées / Tu es jalouse.
  • Tu n’es jamais contente.
  • Tu te trompes ou confonds (comme toujours).
  • Ça ne va pas ? Tu dis des choses très bizarres./ Tu es folle.
  • Cela n’est jamais arrivé ! Tu mens. Tu délires.
  • Tu ne sais pas ce qui est bon pour toi.
  • C’était une blague…
  • Tu es responsable de ce qu’il t’arrive.
  • C’est toi le problème.
  • Tu adores me faire sortir de mes gonds.
  • Tu es trop faible pour y arriver seule.
  • Tu n’as aucune volonté…

Comment s’en sortir face au gaslighting ?

Ce n’est évidemment pas évident et les solutions dépendent de nombreux paramètres. Néanmoins voici des pistes :

  • Pour résister au mieux, il faut tenter de se concentrer sur sa propre réalité pour éviter de s’enfermer dans les doutes de soi. Travailler sa confiance afin d’entrer en contact avec ses véritables pensées. Dans ce sens, écrire peut aider.
  • Apprendre à identifier les processus de gaslighting évoqués plus haut peut également permettre de briser l’emprise.
  • Documenter les événements tels qu’ils se sont produits via des preuves tangibles : enregistrement des messages, des vocaux, des e-mails… L’idée est de garder une trace objective pour dissiper le brouillard mental mis en place par l’agresseur.

Demander l’aide d’un tiers est également une piste puissante à envisager, que ce soit une personne de confiance ou un professionnel comme un thérapeute informé des traumatismes.

Dans son livre, Patricia Evans conseille de préparer une sorte de contrat de couple qu’on peut ensuite remettre à l’agresseur, pour voir si celui-ci est un gaslighter qui s’ignore (et qui donc pourrait vouloir changer) ou si on est face à un vrai pervers et alors c’est peine perdue. Dans les clauses du contrat, d’ailleurs, il y a forcément d’aller consulter un psychologue.

  • Si l’agresseur refuse, c’est la manifestation d’une volonté de nuire supérieure.
  • Si l’agresseur accepte mais ne change pas, pareil, il n’y a pas d’espoir à attendre de lui.
  • Si l’agresseur accepte et modifie son comportement, alors la chance est du côté de la victime. Les choses pourraient évoluer doucement…

Attention néanmoins aux faux semblants, à ceux qui font trois efforts et qui réattaquent de plus belle. Ensuite, une seule solution semble efficace pour se défaire de l’emprise toxique du gaslighter : fuir cette personne.


Nou vous conseillons également la lecture de l’article Juge Édouard Durand : violences conjugales et parentalité