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4 propositions pour mieux protéger les enfants victimes de violences
Etat des lieux
1. La violence faite aux enfants : un fléau national
Des chiffres dramatiques *
• 1 infanticide tous les 5 jours.
• Près de 165.000 enfants chaque année victimes de
violences sexuelles.
• 80% des violences sexuelles sont des violences
intrafamiliales.
• Seules 15% des violences sexuelles font l’objet d’une
plainte.
• 73% des plaintes pour viol sont classées sans suite.
• Seules 8% des victimes qui ont parlé ont été
protégées.
* Sources : Enquête Ipsos de l’association Association Mémoire Traumatique et Victimologie « violences sexuelles de l’enfance » 2019 – enquête de victimation CSF 2008, ONDRP 2012-2017, VIRAGE 2017, OMS, 2014
Les violences sur enfants sont minimisées voire invisibilisées.
« On dit qu’il y a 165 000 enfants victimes tous les ans et il y a moins de 1 000 condamnations pour viol adultes et enfants. Pour les viols aggravés, c’est-à-dire les viols sur enfants, il y a 400 condamnations pour viol. Les viols sur mineur sont probablement le crime le plus impuni qui soit. »
Dre Emmanuelle Piet – Membre du Haut Conseil à l’Egalité, présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV)
Les enfants témoins des violences conjugales sont des co-victimes. Si la Justice éloigne le parent violent du parent victime, elle doit aussi en éloigner les enfants.
2. La parole de l’enfant est remise en question
Depuis l’affaire Outreau la parole de l’enfant a été désacralisée. Pourtant, les 12 enfants concernés ont bien été reconnus victimes de viols et d’agressions sexuelles. Depuis lors, la Justice présume trop souvent que les enfants sont instrumentalisés. A la suite de cette affaire le nombre de condamnations pour viols et violences sexuelles s’effondre de 23% alors que les plaintes augmentent. En dix ans, le nombre de personnes condamnées pour viol a chuté de 40 %*.
*Sources : Le Monde 14/09/2018 (source Ministère de la Justice, Fichier statistique du casier judiciaire national)
« Le risque réel auquel sont confrontés les professionnels intervenant dans le champ pénal ou celui de la protection de l’enfance n’est pas d’inventer ou de surinterpréter des révélations de violences sexuelles subies, mais au contraire de laisser passer sous leurs yeux des enfants victimes sans les protéger. »
Édouard Durand, juge des enfants, co-président de la commission inceste
3. La parentalité à tout prix : un danger
Aujourd’hui le droit à l’enfant prime sur le droit de l’enfant.
Dans le cadre d’une séparation des parents, la Justice présume souvent que le parent protecteur qui dénonce des faits de maltraitance sur l’enfant de la part de l’autre parent est manipulateur ou menteur.
En réduisant les violences dénoncées par l’un des parents à un « conflit familial », les magistrats prennent le risque d’appliquer des mesures inadaptées voire destructrices pour l’enfant. Le syndrome d’aliénation parentale trop souvent invoqué revêt « un caractère controversé et non reconnu » (réponse du Ministère de la Justice publiée dans le JO Sénat du 12/07/2018 – page 3477).
« Un conflit est un conflit, des violences sont des violences. La frontière entre les deux est très claire : on voit très bien ce que c’est qu’un être qui a peur, qui n’ose pas s’exprimer, qui est sous l’emprise d’un autre. En maintenant des rencontres sans protection, on permet à l’agresseur de maintenir l’emprise sur la famille, même dix ans après la séparation. »
Édouard Durand, juge des enfants, co-président de la commission inceste
4. La double peine pour l’enfant et son parent protecteur
Confronté à une décision de justice qui accorde des droits de visite et d’hébergement ou une garde alternée au parent violent, le parent protecteur se refuse à exposer son enfant à de nouvelles maltraitances. Il commet alors le délit de non représentation d’enfant.
La Justice n’hésite pas alors à condamner le parent protecteur (amendes et peines de prison), à transférer la garde de l’enfant au parent potentiellement violent, ou encore à placer l’enfant en foyer.
Ces situations aussi aberrantes que dramatiques surviennent lorsque les plaintes déposées contre le parent violent sont classées sans suite ou encore en cours d’instruction.
Pour rappel, les principaux motifs de classement sans suite des plaintes pour violences sexuelles sur mineurs et majeurs sont l’infraction insuffisamment caractérisée (65%) et l’absence d’infraction (11,8%)*.
Un classement sans suite ne signifie pas que l’infraction n’a pas eu lieu.
Le classement sans suite continue à agir comme une chape de plomb aboutissant à nier la parole de l’enfant et à abandonner ces petites victimes à leur triste sort… Ce contre-sens juridique a des conséquences judiciaires désastreuses sur la protection des enfants.
Pascal Cussigh, Avocat
Nous regrettons que les juridictions civiles et pénales ne communiquent pas mieux entre elles sur la situation des enfants en danger.
Plusieurs milliers d’entre eux se retrouvent ainsi non protégés en grande souffrance, et leur parent protecteur sous le coup de la loi.
4 Propositions pour une société qui protège ses enfants
1. Hypervigilance
Toutes les violences sont graves.
Il ne faut pas attendre qu’il y ait un cumul de violence car la première violence révélée ne signifie pas la première violence vécue.
Il faut reconnaître toutes les formes de violences, physiques, sexuelles, psychologiques, financières. Aucune ne doit être banalisée par la police et par la Justice.
La connaissance des mécanismes du contrôle coercitif est indispensable, il s’étend au-delà̀ de la violence physique et comprend intimidations, isolement, contrôle, dévalorisation de la victime, inversion de culpabilité, instauration d’un climat de peur et d’insécurité.
Les professionnels doivent savoir que l’exercice de l’autorité́ parentale après la séparation devient pour la personne violente LE moyen de perpétuer sa violence et son emprise sur son ex-conjoint et sur ses enfants. Le harcèlement et la domination s’exercent alors via la coparentalité.
Si des groupes de recherche comme le Réseau International des Mères en Lutte (RIML) travaillent efficacement sur le sujet du contrôle coercitif post séparation, ces concepts ne sont pas encore bien maîtrisés par la Justice qui se retrouve instrumentalisée par le parent agresseur.
Nous demandons la reconnaissance du contrôle coercitif : il permettrait d’apporter des preuves matérielles identifiables concrètement.
2. Présomption de crédibilité de la parole de l’enfant
Il est nécessaire de donner autant de poids à la présomption de crédibilité de la victime qu’à la présomption d’innocence de l’accusé.
On ne dit pas que le parent accusé est forcément coupable, on dit que la victime doit être entendue en cas de violence vraisemblable.
Il est important que les professionnels – gendarmes, policiers, professionnels de santé et de l’éducation, intervenants sociaux – accueillent de façon adaptée la parole de l’enfant.
Nous souhaitons que le Protocole NICHD et la formation Calliope soient généralisés. Ils permettent de diminuer la suggestibilité des intervieweurs et d’adapter leurs questions en fonction des capacités des enfants et d’aider ceux-ci à fournir un récit plus riche et plus détaillé tout en étant exact.
Pour ce faire l’accueil doit être bienveillant, sécurisant, respectueux et accorder suffisamment de temps à l’enfant.
Dans cette optique nous appelons à :
- la généralisation des pôles d’accueil commissariat/gendarmerie spécialisés violences conjugales et familiales.
- la création spécialisés dédiés aux violences intra-familiales. L’Espagne y est parvenue. Pourquoi pas nous ?
3. Appliquer pour l’enfant le principe de précaution
On doit protéger immédiatement l’enfant qui révèle des violences.
Ne pas signaler et/ou réagir est de la non-assistance à personne en danger.
Il est urgent que les professionnels de santé puissent attester des violences sans craindre des sanctions et être suspendus par leur ordre.
Il est inaudible d’entendre l’Ordre des Médecins sanctionner un des leur sous prétexte qu’il y a eu « immixtion dans la vie familiale ». Par extension il est nécessaire de protéger toutes les personnes qui effectuent des signalements.
Enfin il est indispensable dans l’intérêt de l’enfant de protéger le parent protecteur du parent violent. Il faut donc réformer le délit de non représentation d’enfant.
Si une plainte pour inceste/violence/maltraitance est en cours d’instruction OU si la plainte a été classée sans suite mais qu’il existe un doute plausible, les droits de visite et d’hébergement du parent accusé devraient être suspendus.
Il ne s’agit pas de supprimer ce délit qui est utile en cas d’enlèvement d’enfant ou de séquestration d’enfant mais de faire disparaître l’infraction pour les parents protecteurs.
Lorsqu’il y a retrait de l’autorité parentale, il faut évidemment l’accompagner du retrait des droits de visite et d’hébergement.
4. Plus de moyens humains et financiers
Pour mieux protéger les enfants, les accueillir, réduire les délais d’instruction, que moins de plaintes soient classées sans suite, donnons les moyens humains et financiers à tous les intervenants, magistrats, greffiers, policiers, gendarmes… Chaque jour compte quand on demande la suspension des droits de visite et d’hébergement pour des faits d’abus sexuels ou de violences.
Faute de temps et de moyens le juge des enfants peut accorder une importance trop grande aux rapports des enquêteurs sociaux, or or la complexité des psycho-trauma de l’enfant n est pas reconnue ou mal prise en compte ; ces personnes peuvent être prises au piège de la personnalité complexe du parent agresseur et/ou être victimes de préjugés selon lesquels les femmes sont surprotectrices, veulent s’approprier l’enfant, veulent se venger…
On pourrait imaginer une traçabilité des plaintes : nous devrions pouvoir consulter grâce à un » numéro de plainte » l’état de la plainte, tout comme lorsque nous envoyons notre colis. Cela permettrait une transparence du processus.
Enfin, en dehors du champs judiciaire, il faut investir également dans la prévention. 3 enfants par classe sont victimes de violences sexuelles ; il faut y ajouter les enfants victimes de graves violences physiques ou psychologiques. Pourquoi ne pas organiser régulièrement en classe des interventions afin que les enfants puissent imaginer rompre le silence ? Il faudrait également plus d’infirmières scolaires dans les établissements.
Protégeons les enfants ! Plaçons les droits de l’enfant au cœur du dispositif législatif de la famille !