Archives dans 26 décembre 2020

Déposons des QPC pour réformer le délit de non représentation d’enfant

Déposons des QPC pour réformer le délit de non représentation d'enfant

Qu’est qu’une QPC ?

QPC Conseil constitutionnel justice


La QPC ou Question Prioritaire de Constitutionnalité permet à tout justiciable de contester la conformité à la Constitution d’une loi. En effet, la QPC permet au justiciable de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
La QPC a été instaurée le 23 juillet 2008.
La question peut être posée à tout moment de la procédure tant en première instance, qu’en appel ou en cassation.
La QPC est tout d’abord examinée par la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat ; si ces derniers jugent la question recevable ils renvoient au Conseil constitutionnel, qui doit se prononcer dans les trois mois de la saisine:

  • Soit le Conseil déclare la disposition législative conforme à la Constitution : dans ce cas la juridiction doit l’appliquer.
  • Soit le Conseil déclare la disposition législative contraire à la Constitution et abroge cette disposition. La déclaration d’inconstitutionnalité bénéficie à la partie qui a présenté la QPC, et à toutes les parties qui avaient des instances en cours mettant en jeu cette disposition législative.

Il n’est pas possible de faire appel d’une décision du Conseil constitutionnel.
Vous trouverez tous les textes législatifs de la QPC sur le site du Conseil constitutionnel, notamment les articles 61-1 et 62 de la Constitution :

ARTICLE 61-1.
Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article.

QPC Conseil constitutionnel

ARTICLE 62.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Les trois conditions pour juger une QPC recevable:

  1. La disposition législative en cause doit être applicable à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites.
  2. La disposition législative en cause ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Pour savoir si la disposition a déjà été déclarée conforme, un tableau sur le site Internet du Conseil constitutionnel présente, à titre informatif, la liste de ces dispositions.
  3. Enfin le juge de première instance ou d’appel examine si la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

Une QPC a été déposée en 2019

QPC pour non représentation d'enfant non renvoi de la Cour de cassation

Maitre Philippe Losappio a soulevé une QPC en novembre 2019 afin de réformer le délit de non représentation d’enfant, mais cette dernière a été rejetée pour défaut de caractère sérieux car les magistrats ont considéré qu’on ne pouvait écarter la présomption d’aliénation de la mère:

la question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que, d’une part, la non-représentation d’enfant incrimine le non-respect d’une décision d’un juge aux affaires familiales qui préserve justement l’intérêt de l’enfant et l’équilibre familial, d’autre part, les circonstances de la commission de l’infraction relèvent de l’appréciation du juge correctionnel et qu’il n’y a pas de disproportion manifeste entre la gravité de l’infraction et la peine encourue d’un an d’emprisonnement, au regard des impératifs de maintien des liens parentaux et, enfin, la démonstration, lors de la résistance de l’enfant, de l’existence d’une circonstance d’exonération est légitime, chaque parent devant faciliter l’exercice des droits de l’autre parent, sans instrumentalisation de l’enfant.

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 novembre 2019, 19-83.357


Or c’est exactement cette vision qu’il faut modifier car elle est erronée. Pourquoi avoir présumé une instrumentalisation de l’enfant par la mère ? Pourquoi présumer sans preuve ? Lorsqu’il y a résistance de l’enfant il y peut y avoir de nombreuses explications: des violences, de la maltraitance, ou bien un ado qui ne veut plus aller chez le père.

L’analyse complète de cette décision se trouve dans l’article de Maitre Philippe Losappio « Le délit de non représentation d’enfant : l’urgence d’une réforme pour protéger l’enfant et la mère» dont nous vous conseillons la lecture.

La chambre criminelle de la Cour de cassation décide que la question prioritaire de constitutionnalité selon laquelle le délit de non représentation d’enfant (c.pen.227-5) porte atteinte à l’intérêt de l’enfant, au principe de légalité, au principe de nécessité des peines et aux droits de la défense est dépourvue de caractère sérieux (cass. crim. 27 novembre 2019 , n° Y 19-83.357 F-D), confisquant le débat devant le Conseil constitutionnel.
Cette décision consternante, pose à nouveau la question du rôle du juge du filtre et apparaît peu compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Philippe Losappio, Avocat, Docteur en droit


Un autre article sur cette QPC de 2019 a été rédigé par Marie-Christine Gryson, psychologue clinicienne, au moment où la QPC a été soulevée : « SAP: trois QPC et un cas lourd pour en dénoncer les conséquences ».

Délit de non représentation d'enfant

Deux avocates et un avocat se mobilisent avec courage, pour trouver des solutions face au déni de la plainte de l’enfant maltraité lors des séparations, et ce en lien direct avec le sexisme de la loi alimenté par les théories antivictimaires. La médiatisation des cas aberrants et les QPC semblent être aujourd’hui les deux pistes d’action pour lutter contre ce blocage de civilisation.

Marie-Christine Gryson, Psychologue Clinicienne, Experte judiciaire (1989-2015)


Pourquoi faut il déposer déposer des QPC pour réformer le délit de non représentation ?


Si la Cour de cassation est saisie de plusieurs QPC elle ne pourra durablement faire valoir le caractère non sérieux de la question.


Les conclusions du groupe de travail commun au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation sur la question prioritaire de constitutionnalité (mai 2018) expliquent qu’il faut renvoyer au Conseil constitutionnel les questions qui font débat, or si beaucoup de QPC sont déposées il faudra bien que la Cour de cassation admette que cette question fait débat dans la société française :

il apparait clairement que le Conseil d’Etat comme la cour de cassation considèrent que doivent être tranchées par le conseil constitutionnel certaines questions de constitutionnalité, parce que portant sur des sujets politiquement sensibles et débattus … ou posant la question de savoir si telle atteinte à une liberté constitutionnellement protégée est proportionnée à l’objectif poursuivi..

Groupe de travail commun au conseil d’état et a la cour de cassation sur la question prioritaire de constitutionnalité – Mai 2018
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Il faut que les magistrats comprennent qu’un parent violent aura toujours intérêt à faire valoir l’aliénation parentale pour réfuter les violences, il sait que les magistrats y prêtent une oreille attentive. Mais est ce l’intérêt de l’enfant de voir un parent violent ? Et pourquoi condamner le parent protecteur ? On sait bien que malheureusement beaucoup de plaintes sont classées sans suite sans que cela signifie nécessairement que les violences n’existent pas, sur le même schéma que les violences conjugales. Vous pouvez lire à ce sujet notre article « Violences conjugales: 80% des plaintes sont classées sans suite ».

Gendarmerie 3 gendarmes tués décembre 2020 homme violent violences conjugales

On l’a vu avec le drame de décembre 2020 où trois gendarmes ont malheureusement perdus la vie : l’auteur de ces violences avait déposé 2 plaintes pour non représentation d’enfant contre son ex épouse en juin et en août 2020 ; était il dans l’intérêt de l’enfant de voir un père violent, instable, qui possédait un stock d’armes important ? On peut comprendre que l’ex-conjointe ne souhaitait pas représenter sa fille de 7 ans à cet homme.


Par ailleurs lorsqu’un ado ne veut plus aller chez un parent, pourquoi condamner l’autre parent ? Que peut l’autre parent ? le contraindre psychologiquement ou physiquement ? Les ados savent ce qu’ils veulent, il ne faut pas penser qu’ils sont systématiquement aliénés par leurs parents, il existe de nombreux cas où les ados.. sont des ados… et ne veulent plus voir l’un de leur parent.. parfois d’ailleurs ce parent s’est mal comporté.. et parfois pas.. en tout cas la solution ne sera jamais de condamner l’autre parent à de la prison, cela risque même d’envenimer les choses ; la solution serait plutôt que le parent rejeté tente de renouer petit à petit.

Pour comprendre de façon plus complète pourquoi il faut réformer le délit de non représentation nous vous invitons à lire notre article

Et pour une vision juridique plus complète nous vous conseillons l’article de Maitre Philippe Losappio : « Le délit de non représentation d’enfant porte atteinte à l’intérêt de l’enfant. »

Violences conjugales: 80% des plaintes sont classées sans suite

….et 80% des femmes victimes de violences conjugales sont des mères…

Le Haut Conseil à l’Egalité a publié en octobre 2020 un rapport intitulé « violences conjugales, garantir la protection des femmes victimes et de leurs enfants tout au long de leur parcours ». Le Haut Conseil à l’Egalité recommande que dans une situation de violences conjugales la femme victime des violences soit, seule, titulaire de l’exercice de l’autorité parentale.

Qu’est que le Haut Conseil à l’ Egalité ?

Haut Conseil à l'Egalité

Le HCE est un organisme gouvernemental, il a été créé en janvier 2013. Le HCE a pour mission « d’assurer la concertation avec la société civile et d’animer le débat public sur les grandes orientations de la politique des droits des femmes et de l’égalité  ».

Le Haut Conseil à l’Egalité évalue les politiques publiques qui concernent l’égalité entre les femmes et les hommes, réalisé des études d’impact des lois étudiées au prisme de l’égalité; enfin le HCE formule des recommandations.

Le Haut Conseil à l’Egalité est paritaire et il est présidé par Brigitte Grésy.

Edouard Durand, juge des enfants à Bobigny est co-président de la commission Violences du HCE, avec Ernestine Ronai. Ernestine Ronai a créé le téléphone grave danger ainsi que le premier Observatoire départemental des violences faites aux femmes.

Pour la première fois un organisme institutionnel fait état de la difficulté du parcours pour les victimes de violences conjugales, non seulement au moment où elles sont confrontées au conjoint violent mais aussi plus tard, lorsqu’elles ont réussi à se séparer de leur agresseur mais qu’il faut organiser la coparentalité, le rapport explique que la violence continue sous une forme différente.

Violences conjugales et parentalité

Haut Conseil à l'Egalité - Violences conjugales: garantir la protection des femmes victimes et de leurs enfants tout au long de leur parcours

Le HCE appelle à lutter contre l’impunité des agresseurs et à renforcer la protection des victimes. Le Haut Conseil à l’Egalité fait un lien entre les violences conjugales et la question de la parentalité.


Parmi les recommandations formulées dans le rapport :
◗ Une culture de la protection judiciaire des femmes
◗ Un traitement adapté de la parentalité́ car 80% des femmes victimes de violences conjugales sont des mères.

44 recommandations formulées dans ce rapport

Ces recommandations se structurent en 4 axes majeurs:

1. Lorsque les femmes révèlent des violences conjugales, elles ont besoin d’être crues ..

…et que leur signalement soit traité en priorité par les forces de sécurité intérieure et l’autorité judiciaire.

2. Elles ont besoin d’être protégées sans délai.

Le HCE recommande de parvenir à 20 000 places d’hébergement dans des centres non-mixtes, suffisamment sécurisés; et que les professionnels de ces centre soient spécialement formés. Les victimes doivent aussi bénéficier plus facilement de mesures de protection judiciaires.

Violences conjugales

3. Les femmes victimes de violences conjugales ont besoin d’être accompagnées..

.. pour reprendre leurs vies en main et pour guérir les impacts physiques et psychiques des violences, retrouver un logement et accéder à l’autonomie financière.

4. Un homme violent est un père dangereux

Ce principe doit être traduit sans ambigüité dans la loi pour protéger les mères et leurs enfants. Nous avions déjà évoqué ce sujet lors de notre article sur Edouard Durand, juge des enfants au Tribunal de Bobigny : « Juge Édouard Durand : violences conjugales et parentalité ».

Un mari violent est un père dangereux. Cela doit se traduire dans la loi et les pratiques professionnelles. 80% des femmes victimes de violences conjugales sont des mères. Dès lors le traitement de la parentalité doit tenir compte de la dangerosité des violents conjugaux, faute de quoi, l’agresseur continue d’exercer ses violences sur la famille.

HCE Communiqué de presse du 9 octobre 2020

Le HCE recommande que soit tracé un parcours pour que les victimes soient réellement accompagnées en France.

Ce qu’il manque aussi aujourd’hui est une véritable coordination de l’ensemble des dispositifs existants.

Nous sommes arrivé.es, au fil de nos auditions et de nos recherches, à la conclusion que ce n’était pas un problème de mesures ou de dispositifs. Ils existent mais c’est le chaînage qui fait défaut. Les dispositifs mis en œuvre sans concaténation, juxtaposés sans passerelles, sans passage de témoin et vue d’ensemble, ne sont pas aussi efficaces qu’ils le devraient. Ils laissent parfois des trous béants dans le filet de protection. Les agresseurs s’y engouffrent, trop souvent impunément, trop souvent invisibles. Les ministères ont trop longtemps travaillé en tuyaux d’orgue.

Discours de Brigitte GRESY, Présidente du Haut Conseil à l’Egalité
9 octobre 2020

Violences conjugales: garantir la protection des femmes victimes et de leurs enfants tout au long de leur parcours

Le parcours des victimes de violences conjugales
HCE Parcours des victimes de violences conjugales


Les violences conjugales ont un très grave impact traumatique sur les enfants et nuisent à leur santé, leur bien-être et leur développement.
Si des rencontres père-enfant sont maintenues, elles doivent donc être organisées dans un cadre protecteur pour l’enfant et pour la mère.

Violences conjugales

S’agissant de l’autorité parentale, les violences conjugales doivent faire exception au principe de la coparentalité, d’abord parce qu’elles sont une grave transgression de l’autorité parentale, ensuite parce que l’exercice conjoint de l’autorité parentale permet au père violent de continuer à exercer son emprise, voire des violences psychologiques ou physiques, contre la mère et l’enfant.

Le HCE recommande donc l’élaboration d’une législation plus impérative posant le principe que, dans une situation de violences conjugales :
◗ la femme victime des violences soit, seule, titulaire de l’exercice de l’autorité parentale,
◗ les rencontres père-enfant soient organisées dans un cadre protecteur.

Pour approfondir ce sujet nous vous recommandons d’écouter ce podcast de France Culture de Johanna Bedeau et Anna Szmuc, du 16 mai 2016: « Edouard Durand, la parole du juge« .