Dans un rapport de l’inspection générale de la Justice, publié le 17 novembre 2019, il est indiqué que 80 % des plaintes sont classées sans suite. Ces chiffres correspondent à ce que nous disent les victimes et les familles des victimes que nous rencontrons.
Les violences intrafamiliales sont une réalité qui touche des milliers de personnes en France et pourtant, l’immense majorité des plaintes déposées par les victimes ne donnent pas lieu à des poursuites judiciaires. Les raisons de cette situation sont multiples et complexes, mais les principales sont le manque de ressources consacrées à la lutte contre les violences domestiques, l’absence de formation, les préjugés face aux victimes, des faits qui n’ont pas pu être établis de façon probante suffisante.
Les services chargés de l’enquête et de la poursuite des violences intrafamiliales sont sous-financés, sous-staffés et surchargés de travail. Cela signifie que les enquêteurs et les procureurs n’ont pas toujours les moyens nécessaires pour mener des enquêtes approfondies et recueillir des preuves solides. En conséquence, les plaintes déposées par les victimes sont souvent classées sans suite, faute de preuves suffisantes.
L’autre grande problématique, ce sont les préjugés et les stéréotypes sur les victimes de violences domestiques qui influencent les décisions des enquêteurs et des procureurs. Ces derniers peuvent avoir tendance à penser que les victimes de violences domestiques sont responsables de ce qui leur arrive ou sous-estiment la gravité des violences subies.
Pour remédier à cette situation, il est essentiel de renforcer les ressources allouées à la lutte contre les violences intrafamiliales. Cela passe par une meilleure formation des intervenants aux réalités de ces violences et un apprentissage des bonnes pratiques pour écouter et recueillir des preuves solides. Enfin, il est crucial de protéger les victimes en mettant en place des mesures pour les aider à se sentir en sécurité et à sortir de la situation de violence dans laquelle elles se trouvent.
MAIS, voir sa plainte classée sans suite n’est pas forcément la fin du combat !!! Il existe d’autres pistes à suivre !
Alors, que faire en cas si sa plainte a été classée ?
Si une plainte a été classée sans suite, cela signifie que les autorités judiciaires ont jugé que :
- Le préjudice subi par la victime est insuffisant pour déclencher des poursuites.
- Le contexte de l’infraction pénale ne permet pas d’identifier l’auteur des faits.
- L’acte ne constitue pas une infraction.
Dans tous les cas, vous pouvez envisager les options suivantes :
- Demandez des explications : Vous pouvez demander aux autorités judiciaires votre dossier (avec les références de l’affaire) et exiger des explications détaillées sur les raisons du classement. Interrogez le Bureau d’Ordre du Parquet, le Bureau d’Aide aux Victimes ou le Service Unique du Justiciable du TJ pour demander une copie de l’enquête préliminaire.
- Consultez un avocat : Si vous pensez que vous avez été victime d’une injustice, vous pouvez consulter un avocat pour savoir si vous avez des recours possibles, tels que des actions civiles ou pénales. Si vous ne pouvez pas vous permettre un avocat, vous pouvez contacter une organisation d’aide juridique locale pour obtenir de l’aide et des conseils.
- Faites appel : Pour faire appel d’un classement sans suite, il n’y a jamais de délai, ça peut se faire sans limite de temps. L’appel se fait par lettre recommandée avec accusé de réception auprès du Procureur Général. Donnez les motivations de l’appel de la décision de classement, joignez l’avis de classement et la copie de l’enquête si vous l’avez demandée et obtenue, mentionnez la procédure de citation directe et tout ce qui plaidera en votre faveur.
- Saisissez directement le Doyen des juges d’instruction avec une lettre recommandée avec accusé de réception. Après avoir examiné votre courrier, ce dernier pourra soit rendre une ordonnance qui mettra fin à la procédure, soit ouvrir une information judiciaire. Un juge devra mener différentes investigations et décider de rendre une ordonnance de non-lieu ou demander que le dossier soit jugé par un tribunal correctionnel ou une cour d’assises.
- Tentez la citation directe : cela permet à un plaignant de citer directement l’auteur présumé des faits devant un tribunal correctionnel ou de police, sans passer par un juge d’instruction ni enquête de la police. Elle est possible pour tous les délits sauf les crimes. Il est conseillé de prendre un avocat pour rédiger la citation. La pièce doit être accompagnée de toutes les preuves nécessaires. La citation directe est délivrée par un huissier de justice à la partie adverse et doit indiquer clairement la date, le lieu et l’heure de l’audience. Durant les débats, la victime et la défense sont entendues. À la fin de l’audience, le tribunal rend sa décision : soit il condamne l’auteur et le prévenu doit indemniser la victime, soit il relaxe le prévenu, et dans ce cas la victime peut être condamnée à une amende si la citation était abusive.
Rappelons que la plainte classée sans suite ne signifie PAS que l’incident en question ne s’est pas produit. Elle n’a pas autorité de chose jugée.
Le classement sans suite n’est PAS un désaveu de la victime. C’est juste qu’il n’y a pas assez d’éléments pour nourrir une procédure pénale susceptible d’aboutir OU pas assez de volonté/moyens pour enquêter. D’ailleurs, le classement sans suite n’est pas une décision définitive. Le procureur de la République peut revenir à tout moment sur sa décision et décider d’engager des poursuites, sauf si les faits sont prescrits.
Il est important à la fois de garder espoir mais surtout de continuer à collecter tous éléments à charge contre l’agresseur.