Qu’est qu’une QPC ?
La QPC ou Question Prioritaire de Constitutionnalité permet à tout justiciable de contester la conformité à la Constitution d’une loi. En effet, la QPC permet au justiciable de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
La QPC a été instaurée le 23 juillet 2008.
La question peut être posée à tout moment de la procédure tant en première instance, qu’en appel ou en cassation.
La QPC est tout d’abord examinée par la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat ; si ces derniers jugent la question recevable ils renvoient au Conseil constitutionnel, qui doit se prononcer dans les trois mois de la saisine:
- Soit le Conseil déclare la disposition législative conforme à la Constitution : dans ce cas la juridiction doit l’appliquer.
- Soit le Conseil déclare la disposition législative contraire à la Constitution et abroge cette disposition. La déclaration d’inconstitutionnalité bénéficie à la partie qui a présenté la QPC, et à toutes les parties qui avaient des instances en cours mettant en jeu cette disposition législative.
Il n’est pas possible de faire appel d’une décision du Conseil constitutionnel.
Vous trouverez tous les textes législatifs de la QPC sur le site du Conseil constitutionnel, notamment les articles 61-1 et 62 de la Constitution :
ARTICLE 61-1.
Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article.
ARTICLE 62.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Les trois conditions pour juger une QPC recevable:
- La disposition législative en cause doit être applicable à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites.
- La disposition législative en cause ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Pour savoir si la disposition a déjà été déclarée conforme, un tableau sur le site Internet du Conseil constitutionnel présente, à titre informatif, la liste de ces dispositions.
- Enfin le juge de première instance ou d’appel examine si la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
Une QPC a été déposée en 2019
Maitre Philippe Losappio a soulevé une QPC en novembre 2019 afin de réformer le délit de non représentation d’enfant, mais cette dernière a été rejetée pour défaut de caractère sérieux car les magistrats ont considéré qu’on ne pouvait écarter la présomption d’aliénation de la mère:
la question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que, d’une part, la non-représentation d’enfant incrimine le non-respect d’une décision d’un juge aux affaires familiales qui préserve justement l’intérêt de l’enfant et l’équilibre familial, d’autre part, les circonstances de la commission de l’infraction relèvent de l’appréciation du juge correctionnel et qu’il n’y a pas de disproportion manifeste entre la gravité de l’infraction et la peine encourue d’un an d’emprisonnement, au regard des impératifs de maintien des liens parentaux et, enfin, la démonstration, lors de la résistance de l’enfant, de l’existence d’une circonstance d’exonération est légitime, chaque parent devant faciliter l’exercice des droits de l’autre parent, sans instrumentalisation de l’enfant.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 novembre 2019, 19-83.357
Or c’est exactement cette vision qu’il faut modifier car elle est erronée. Pourquoi avoir présumé une instrumentalisation de l’enfant par la mère ? Pourquoi présumer sans preuve ? Lorsqu’il y a résistance de l’enfant il y peut y avoir de nombreuses explications: des violences, de la maltraitance, ou bien un ado qui ne veut plus aller chez le père.
L’analyse complète de cette décision se trouve dans l’article de Maitre Philippe Losappio « Le délit de non représentation d’enfant : l’urgence d’une réforme pour protéger l’enfant et la mère» dont nous vous conseillons la lecture.
La chambre criminelle de la Cour de cassation décide que la question prioritaire de constitutionnalité selon laquelle le délit de non représentation d’enfant (c.pen.227-5) porte atteinte à l’intérêt de l’enfant, au principe de légalité, au principe de nécessité des peines et aux droits de la défense est dépourvue de caractère sérieux (cass. crim. 27 novembre 2019 , n° Y 19-83.357 F-D), confisquant le débat devant le Conseil constitutionnel.
Philippe Losappio, Avocat, Docteur en droit
Cette décision consternante, pose à nouveau la question du rôle du juge du filtre et apparaît peu compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Un autre article sur cette QPC de 2019 a été rédigé par Marie-Christine Gryson, psychologue clinicienne, au moment où la QPC a été soulevée : « SAP: trois QPC et un cas lourd pour en dénoncer les conséquences ».
Deux avocates et un avocat se mobilisent avec courage, pour trouver des solutions face au déni de la plainte de l’enfant maltraité lors des séparations, et ce en lien direct avec le sexisme de la loi alimenté par les théories antivictimaires. La médiatisation des cas aberrants et les QPC semblent être aujourd’hui les deux pistes d’action pour lutter contre ce blocage de civilisation.
Marie-Christine Gryson, Psychologue Clinicienne, Experte judiciaire (1989-2015)
Pourquoi faut il déposer déposer des QPC pour réformer le délit de non représentation ?
Si la Cour de cassation est saisie de plusieurs QPC elle ne pourra durablement faire valoir le caractère non sérieux de la question.
Les conclusions du groupe de travail commun au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation sur la question prioritaire de constitutionnalité (mai 2018) expliquent qu’il faut renvoyer au Conseil constitutionnel les questions qui font débat, or si beaucoup de QPC sont déposées il faudra bien que la Cour de cassation admette que cette question fait débat dans la société française :
il apparait clairement que le Conseil d’Etat comme la cour de cassation considèrent que doivent être tranchées par le conseil constitutionnel certaines questions de constitutionnalité, parce que portant sur des sujets politiquement sensibles et débattus … ou posant la question de savoir si telle atteinte à une liberté constitutionnellement protégée est proportionnée à l’objectif poursuivi..
Groupe de travail commun au conseil d’état et a la cour de cassation sur la question prioritaire de constitutionnalité – Mai 2018
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Il faut que les magistrats comprennent qu’un parent violent aura toujours intérêt à faire valoir l’aliénation parentale pour réfuter les violences, il sait que les magistrats y prêtent une oreille attentive. Mais est ce l’intérêt de l’enfant de voir un parent violent ? Et pourquoi condamner le parent protecteur ? On sait bien que malheureusement beaucoup de plaintes sont classées sans suite sans que cela signifie nécessairement que les violences n’existent pas, sur le même schéma que les violences conjugales. Vous pouvez lire à ce sujet notre article « Violences conjugales: 80% des plaintes sont classées sans suite ».
On l’a vu avec le drame de décembre 2020 où trois gendarmes ont malheureusement perdus la vie : l’auteur de ces violences avait déposé 2 plaintes pour non représentation d’enfant contre son ex épouse en juin et en août 2020 ; était il dans l’intérêt de l’enfant de voir un père violent, instable, qui possédait un stock d’armes important ? On peut comprendre que l’ex-conjointe ne souhaitait pas représenter sa fille de 7 ans à cet homme.
Par ailleurs lorsqu’un ado ne veut plus aller chez un parent, pourquoi condamner l’autre parent ? Que peut l’autre parent ? le contraindre psychologiquement ou physiquement ? Les ados savent ce qu’ils veulent, il ne faut pas penser qu’ils sont systématiquement aliénés par leurs parents, il existe de nombreux cas où les ados.. sont des ados… et ne veulent plus voir l’un de leur parent.. parfois d’ailleurs ce parent s’est mal comporté.. et parfois pas.. en tout cas la solution ne sera jamais de condamner l’autre parent à de la prison, cela risque même d’envenimer les choses ; la solution serait plutôt que le parent rejeté tente de renouer petit à petit.
Pour comprendre de façon plus complète pourquoi il faut réformer le délit de non représentation nous vous invitons à lire notre article
Et pour une vision juridique plus complète nous vous conseillons l’article de Maitre Philippe Losappio : « Le délit de non représentation d’enfant porte atteinte à l’intérêt de l’enfant. »